EXCLUSIF : Collégial anglais à Montréal : rien ne va plus!

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Le CÉGEP de Gaspésie anglicise Montréal

La réforme avortée du programme de l’expérience québécoise (PEQ) en novembre dernier, un programme qui permet d’accélérer l’obtention du certificat de sélection du Québec en vue d’obtenir la résidence permanente au Canada, nous a permis d’en apprendre plus sur les cégeps en région. Ainsi, le directeur du cégep de Matane, M. Pierre Bédard, nous a appris que ce cégep accueillait 45% d’étudiants internationaux annuellement (soit plus de 300) et que ces étudiants étaient devenus tellement importants pour le cégep, mais aussi pour la vitalité économique de la région, que la réforme proposée du PEQ signifiait, à terme, la fermeture probable de plusieurs programmes au cégep de Matane.


La moitié de l’effectif collégial à Matane est constitué d’étudiants internationaux ! Cette donnée m’a intrigué. J’ai demandé et obtenu du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MÉES) les données sur la fréquentation des cégeps par les étudiants internationaux.


Le tableau reçu du MÉES me permet de confirmer qu’il y avait bien 312 étudiants internationaux inscrits au cégep de Matane en 2018-2019, et qu’il y a eu une augmentation de 60% des inscriptions en 4 ans. Ces étudiants internationaux constituent donc une véritable planche de salut pour cette institution.


Un autre chiffre ressort du lot. Selon le tableau du MÉES, il y aurait 1583 étudiants internationaux inscrits au Cégep de la Gaspésie et des Îles pour l’année 2018-2019.  C’est plus de 10% des habitants de la ville de Gaspé. Notons qu’il y en avait seulement 50 d’inscrits, il y a 4 ans, ce qui représente une augmentation de 3066%.


Wow ! Il est donc vrai que le PEQ va sauver les régions !


Mais attendez une seconde... 1583 étudiants internationaux inscrits au campus de Gaspé, de Carleton-sur-Mer ou des Îles-de-la-Madeleine (les trois campus indiqués sur la page d’accueil principale du cégep), cela n’est-il pas un peu … énorme ? Pourquoi n’a-t-on pas entendu parler du Cégep de la Gaspésie et des îles, qui avait encore plus de raisons de se plaindre que Matane, lors de l’épisode de la réforme avortée du PEQ ?


Le MÉES m’a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une erreur et que le chiffre était valide. Voici pourquoi.  Le Cégep de la Gaspésie et des Îles a ouvert un campus à Montréal en 2017. Ce cégep, qui a une section francophone et une section anglophone, a ouvert un campus exclusivement anglophone à Montréal. La page ouèbe du site n’est même pas traduite en français. La publicité du cégep met de l’avant le fait d’étudier dans une institution publique, dans des domaines où il y a forte demande de main-d’œuvre, avec la possibilité de vous installer au Canada (le Québec n’est pas mentionné) : « Study in a Public Institution in the heart of Montreal city », «Programs in high demand areas of Business, Technology, and Health Care that empower you to settle in Canada ». Les offres d’emploi affichées exigent bien sûr l’anglais et spécifient que la clientèle est surtout indienne et chinoise.


Avec l’ouverture d’un campus à Montréal exclusivement anglophone, les dirigeants du cégep de la Gaspésie et des Îles ont fait preuve d’une compréhension fine de la dynamique linguistique à Montréal. Ils ont, comme le cégep de Matane, ciblé les étudiants internationaux, anglophones cette fois. Si on se fie au nombre d’inscriptions, qui a augmenté de 277 à 1583 en un an seulement (2017-2018), ils ont visé tout à fait juste.


Mais le Québec (français !) n’existe même pas sur ce campus montréalais (la publicité vend « l’installation au Canada »). En autorisant l’ouverture de ce campus, le MESS a abandonné toute prétention à faire du français la langue d’intégration de ces étudiants internationaux, immigrants au Canada. Le MÉES saccage la dynamique linguistique à Montréal et contribue à l’anglicisation des allophones.


Ces étudiants, comme ceux qui fréquentent le cégep de Matane, ont-ils accès au PEQ ? Bénéficient-ils de fonds publics ?


L’ouverture de ce campus constitue un détournement majeur de mission et le dévoiement d’une institution. Car il est évident que le Cégep de la Gaspésie et des Îles a été créé pour les besoins de la population de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Pas pour aller angliciser des allophones à Montréal.


Il est à noter que le taux de diplomation en cinq ans au secondaire en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est de 70,4% comparativement à 72,7% à l’échelle québécoise. Le taux de diplomation des garçons en cinq ans est particulièrement faible et est de 4,8 points en dessous de la moyenne québécoise. Une des façons de hausser la clientèle au Cégep de la Gaspésie et des Îles est de travailler sans relâche à hausser le taux de diplomation en Gaspésie, particulièrement chez les garçons.


L’ironie ici, c’est qu’en m’intéressant à la dynamique d’un cégep en région, me revoilà renvoyé vers Montréal.


La dynamique actuelle au collégial à Montréal, qui favorise presque uniquement les institutions anglophones, entraîne, tel un cyclone, le Cégep de la Gaspésie et des Îles dans son sillage.


Il est urgent que le Québec se penche sur cette question.