Est-ce bien l'astrolabe de Samuel de Champlain?

2004

jeudi 30 décembre 2004
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Un article signé par le chercheur Douglas Hunter relance une fois de plus les débats autour de l'origine de cet instrument d'un type peu commun
Un petit cercle de métal de 13 cm, un instrument de navigation du XVIIe siècle ayant en principe appartenu à l'explorateur Samuel de Champlain, constitue une des reliques les plus estimées de l'histoire canadienne. En 1989, le gouvernement fédéral avait acheté cet astrolabe pour 250 000 $US. Or, dans le numéro courant de la revue d'histoire The Beaver, un article signé par le chercheur Douglas Hunter relance une fois de plus les débats autour de l'origine de cet instrument d'un type peu commun. Hunter affirme que ce petit astrolabe appartenait fort probablement à un missionnaire jésuite plutôt qu'à Champlain.
Hunter fait notamment valoir à la défense de sa thèse que cet astrolabe, découvert par hasard au XIXe siècle, se trouvait alors avec d'autres objets, ce qui tend à infirmer l'hypothèse de sa perte accidentelle par l'explorateur. Les deux gobelets d'argent gravé retrouvés en même temps sur les lieux mêmes de la découverte seraient des objets liturgiques, plaide le chercheur. Et qui d'autre que des religieux pouvait bien en transporter ainsi avec soi ? Par ailleurs, les relevés d'exploration de Champlain ne semblent pas correspondre avec l'emplacement de cette découverte fortuite.
La légende
Le nom de Champlain continue pourtant d'être associé de très près à cet astrolabe du XVIIe siècle. Au nord-ouest d'Ottawa, sur la longue route qui conduit de nos jours à Sudbury, on croise un solide monument de granit gris coiffé d'une plaque commémorative qui témoigne de la découverte accidentelle de l'instrument en 1867. En fait, les panneaux routiers de cette voie publique proposent sans cesse à la vue des automobilistes un astrolabe stylisé et l'évocation de Champlain lui-même.
À la fin de l'été 1867, en ce lieu où on trouve désormais du fast-food, un adolescent tombe sur ce rare instrument à l'occasion de travaux de défrichage menés par son père. Avec le disque en laiton, daté de 1603, on trouve une chaîne rouillée, de petits récipients en cuivre ainsi que deux gobelets en argent gravé. L'instrument n'a donc pas été perdu, clame Douglas Hunter : il a été laissé là avec plusieurs autres objets.
Dans Champlain - La naissance de l'Amérique française, un beau livre publié cet automne chez Septentrion, Jean-Pierre Chrestien, conservateur au Musée canadien des civilisations, rappelle que les gobelets d'argent furent à l'époque remis à un colporteur, qui les fondit, et que les récipients de cuivre servirent à réparer une embarcation qui prenait l'eau... L'astrolabe lui-même traîna bien des mois «sur le bureau des officiers à bord du vapeur desservant les rives du lac Muskrat». En fait, la découverte de l'astrolabe ne fut connue du public que plusieurs années après.
C'est en 1879 qu'un artiste du nom d'Alexander J. Russell publie à Montréal un opuscule consacré à l'astrolabe. C'est lui qui, semble-t-il, attribue le premier à Champlain la propriété d'origine de l'instrument. La même année, un historien américain conclut que la preuve n'est pas formelle mais que la présomption demeure importante. On continue donc de penser que Champlain aurait pu perdre en cet endroit son précieux instrument le 7 juin 1713. Toujours en 1879, l'éditeur du Canadian Journal of Science, Litterature and History reprend aussi la même argumentation. Dès 1879, l'astrolabe devient donc connu comme étant celui de Champlain. La légende fait le reste.
Un collectionneur de New York, Samuel Hoffman, rachète ensuite l'instrument de navigation et le lègue à la New York Historical Society en 1942. L'instrument est ensuite présenté à l'occasion de plusieurs expositions.
Au Canada, en 1967, afin de célébrer le centenaire de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on fond des fac-similés de l'instrument qui sont offerts à quelques institutions canadiennes. Deux décennies plus tard, le gouvernement du Canada fait l'acquisition du précieux instrument, le plus petit connu du genre. Depuis, l'astrolabe est présenté dans une exposition permanente au Musée canadien des civilisations où, par prudence, on ne l'attribue pas forcément à Champlain.


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