LIBRE OPINION

En votant authentique, nous votons stratégique

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Toutes les raisons sont bonnes pour privilégier le Bloc






La campagne électorale en cours suscite un débat entre indépendantistes. Comment voter à cette élection que tient le Canada sur le territoire du Québec ? En fonction de nos convictions indépendantistes ou pour déloger le gouvernement Harper ? Notre vote, doit-il être authentique ou stratégique ? On me permettra ici d’exposer ma position à titre personnel.


 

D’entrée de jeu, il faut souligner que cette élection se tient sans le consentement du peuple québécois, car elle peut être tenue en vertu d’une constitution qui nous a été imposée par le coup de force de 1982. Comme le rappellent régulièrement des résolutions unanimes de tous les partis représentés à notre Assemblée nationale, cette constitution a été adoptée sans consultation du peuple québécois et sans son consentement.


 

Or, c’est elle qui permet au Parlement du Canada de tenir cette élection au Québec pour élire un gouvernement qui gérera près de la moitié de notre budget et de nos affaires, notamment dans le transport du pétrole et sur bien d’autres questions vitales. D’un simple point de vue démocratique, cette élection est illégitime, mais elle aura force de loi, une loi imposée par la force. Pour les prochaines années, un gouvernement du Canada continuera de se donner le droit d’intervenir dans les affaires du Québec à la place de notre gouvernement national.


 

L’abstention n’étant pas une solution, le OUI a décidé d’entreprendre une campagne non partisane pour dénoncer chaque jour divers aspects de notre dépendance au régime canadien et faire avancer l’idée d’indépendance. Cette élection nous offre une tribune pour débattre de questions importantes pour notre avenir national, en les liant à la nécessité de l’indépendance politique du Québec.


 

Voter authentique ?


 

Une façon de faire avancer l’indépendance consiste à voter authentique, à voter pour des candidats indépendantistes. Toute élection canadienne a un caractère inévitablement référendaire au Québec. Aux yeux des médias, chaque vote compte pour le fédéralisme ou pour l’indépendance. On l’a bien vu en 2011 : la défaite du Bloc a eu un effet démobilisant pour l’ensemble du mouvement indépendantiste.


 

Elle a aussi privé le mouvement d’une partie de ses défenseurs et de ses moyens, lesquels sont utilisés par des députés fédéralistes et leur personnel. Environ 250 personnes du Québec travaillent pour un régime politique qui nie les besoins et les valeurs du Québec. Nous ne pouvons nous permettre cela en vue de l’élection québécoise de 2018.


 

D’un point de vue indépendantiste, on doit faire en sorte que cette élection du Canada sur le territoire du Québec soit la dernière ou, au pire, l’avant-dernière. D’ici l’indépendance, des indépendantistes à Ottawa pourront non seulement mieux défendre les intérêts du Québec, mais aussi lier chaque question débattue au Parlement d’Ottawa avec notre avenir national plutôt qu’avec celui du Canada.


 

Voter stratégique ?


 

À l’opposé, certains indépendantistes proposent de voter stratégique. Devant le bilan particulièrement néfaste du gouvernement canadien actuel dans la réponse aux besoins du Québec, il faudrait jouer le jeu pancanadien et maintenir une forte délégation fédéraliste du NPD au Québec pour provoquer un changement de gouvernement.


 

Or avec 338 circonscriptions au Canada, cela voudrait dire au moins 170 députés NPD pour former un gouvernement majoritaire à Ottawa, dont au moins 120 seraient élus dans les autres provinces que le Québec. Ce simple fait nous rappelle que ce n’est pas le Québec qui va choisir le prochain gouvernement canadien.


 

Avec 54 députés du Québec sur 101, le NPD prend déjà soin de ne pas apparaître trop québécois, car c’est ailleurs qu’il doit progresser. En analysant les débats à Ottawa, on constate l’absence du Québec dans les interventions de presque tous les députés, sauf ceux du Bloc québécois. Qu’en sera-t-il si les néodémocrates, autant que les libéraux d’ailleurs, forment le gouvernement avec des députés du Québec minoritaires dans leur caucus ? La simple démocratie n’implique-t-elle pas qu’ils devront épouser les intérêts de leurs électeurs, comme ce fut le cas des gouvernements libéraux ou conservateur, même dotés d’une forte délégation du Québec, lors du rapatriement de la constitution ou de l’échec du lac Meech?


 

Majoritaire ou minoritaire ?


 

Raisonnons stratégiquement, mais en indépendantiste. Quel que soit leur parti, les Québécois à Ottawa ne sont pas au pouvoir et sont de moins en moins nombreux. C’est vrai des députés indépendantistes, mais aussi des députés fédéralistes. Ces derniers, contrairement aux députés indépendantistes, doivent convaincre la majorité de leurs collègues provenant des autres provinces de tenir compte des besoins du Québec, alors que leurs électeurs n’ont pas les mêmes intérêts.


 

L’intérêt du Québec n’est pas de contribuer à élire un gouvernement majoritaire fort à Ottawa, quelle qu’en soit la couleur. L’intérêt du Québec est un gouvernement minoritaire à Ottawa. En votant pour des candidats indépendantistes, on favorise un gouvernement minoritaire qui pourra plus facilement être contré dans ses mesures contre le Québec, que ce soit l’utilisation du territoire du Québec pour le transport du pétrole ou des mesures centralisatrices, comme un ministère fédéral des Affaires urbaines ou une commission de valeurs mobilières.


 

En votant authentique, nous votons stratégique. Avec un gouvernement minoritaire à Ottawa, les 78 députés québécois à Ottawa pourront mieux défendre les intérêts du Québec. S’ils sont indépendantistes, ils pourront faire avancer l’idée d’indépendance par leurs actions plutôt qu’en nous maintenant de fait dans une sorte de dépendance politique. Voter authentique, c’est voter stratégique, c’est créer les meilleures conditions possible pour l’émancipation du Québec.






Squared

Gilbert Paquette68 articles

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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