En transition

Québec 2007 - Résultats et conséquences


Jean Charest formera un gouvernement libéral minoritaire très fragile. Le taux d'insatisfaction dans la population dépassait les 60% après un premier mandat libéral et plus de deux Québécois sur trois ont fait un autre choix, hier. Sa légitimité est certainement aléatoire et le premier ministre ne devra jamais l'oublier.
Le Parti québécois, de son côté, s'est écrasé. Pour André Boisclair, il s'agit aussi d'un cuisant échec personnel. Le PQ a dégringolé depuis son arrivée à la direction du parti. Les militants et l'establishment du parti verront à le remplacer très rapidement s'il ne s'empresse pas de démissionner.
L'Action démocratique a défoncé toutes les projections sur la répartition des sièges à l'Assemblée nationale basées sur les derniers sondages. Mario Dumont dirigera l'opposition officielle, à la surprise générale. Le Parti québécois détiendra certes la balance du pouvoir, mais il sort si amoché de cette campagne électorale que ses députés devront d'abord s'occuper de la reconstruction de leur formation. Le Parti libéral a par ailleurs arraché cette mince victoire grâce à son monopole sur les circonscriptions à forte concentration d'électeurs anglophones et allophones. L'île de Montréal sera surreprésentée au Conseil des ministres, alors qu'au contraire, Québec et plusieurs régions seront en déficit. La fracture constatée ces dernières années entre Montréal et les régions ne peut que s'élargir. C'est malsain. Ce gouvernement de parenthèse sera déséquilibré sur le plan de la représentation des régions et des communautés qui forment la mosaïque québécoise.
Un tel gouvernement ne pourra évidemment que gérer les affaires courantes à la petite semaine. Le Parti libéral et le Parti québécois traverseront des crises de leadership. Dans les deux cas, les problèmes vont bien au-delà du seul leadership. Le Parti libéral est coupé de l'électorat francophone qui compose la majorité dans la société québécoise. Il devra identifier les causes et s'appliquer humblement à se reconnecter sur cette même majorité dans la population. De nombreux militants libéraux ne voudront pas retourner au combat sous les ordres du même général. Jean Charest est en sursis. Quant au Parti québécois, il ne pourra plus faire l'économie d'une modernisation de son programme, tant sur la démarche d'accession à la souveraineté que sur la social-démocratie et l'interventionnisme de l'État. Le bipartisme dans lequel nous étions enfermés depuis plus de vingt-cinq ans en raison de la polarisation du débat sur l'avenir du Québec avait un côté pervers. Trop d'électeurs se sentaient captifs du camp libéral ou péquiste. Assurés qu'il n'y aurait pas de référendum à court terme, ils furent très nombreux à se tourner en hâte vers le troisième parti, qui tenait un discours dans lequel ils se retrouvaient bien plus que dans le dogmatisme du PQ, alors que les libéraux, de leur côté, les avaient trompés depuis 2003.
Par ailleurs, Québec ne comptera qu'un seul ministre, Philippe Couillard, parachuté dans Jean-Talon, peu au fait des dossiers régionaux et sans réseau parmi les acteurs socio-économiques de la capitale. Au mieux, la capitale en aurait deux avec une réhabilitation de Sam Hamad. Québec a été coupée des cercles du pouvoir à Ottawa pendant plus de dix ans et elle s'en est ressentie. Il ne faudrait pas que cette situation perdure, comme cela s'est produit sur la scène fédérale jusqu'à la vague conservatrice de janvier 2006.
Ce gouvernement faiblard en sera évidemment un de transition, le temps que les libéraux et péquistes règlent la question de leur direction. Le Parti québécois n'aura pas intérêt à précipiter trop les choses et il n'a pas d'affinités idéologiques avec l'opposition officielle formée par l'ADQ. Dans la mesure où les libéraux éviteront les provocations inutiles, ils pourront se maintenir le temps que les choses se placent dans chaque camp. Mais après un pareil désaveu populaire, ils devront mettre sur la glace toute action controversée, comme l'application des transferts de péréquation à des baisses d'impôt. Ils sont tenus de prendre acte du rejet qui leur a été signifié et de rester bien sages.
Mario Dumont, lui, se préparera avec application pour le prochain rendez-vous. Les candidats de poids afflueront et les souscriptions seront généreuses. Tout sera alors possible pour lui.


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