La pourpre cardinalice est-elle prête à se remettre en question ?

En réponse à M. Fortin à propos d'un Pape pour l'humanité

L'Esprit-Saint aura-t-il voix au synode ?

Tribune libre

M. Fortin,
Vos réflexions m’en inspirent quelques unes; entre autres, ces extraits de l’ouvrage d’Eugen Drewermann ‘’Dieu Immédiat’’. À la question qui lui est posée concernant l’avenir de l’Église, il répond :
“[… Aussi loin que nous puissions porter le regard, les perspectives ne sont guère réjouissantes. L’Église romaine, en effet, semble prise de panique face à la simple éventualité d’une réforme, telle que depuis longtemps on aurait pu la souhaiter pour que s’effondre enfin ses structures sclérosées. Une telle peur, d’ailleurs, est désormais plus que justifiée; car le temps est passé où pareil renouvellement aurait eu quelque chance de prendre et porter du fruit. En fait, le mouvement que lança Luther il y a de cela près d’un demi-millénaire, il eût fallu l’intégrer et s’approprier ces remises en cause qui auraient affermi l’Église dans sa vitalité. À défaut de cela, il est inscrit dans la logique d’histoire que pendant un temps, long encore, cette Église continuera de se crisper sur son centralisme, tentera de renforcer les éléments propres à une psychologie de masse, favorisera une recherche en visibilité, et mobilisera de plus en plus de partisans inconditionnels prêts à arpenter les chemins ainsi orientés.
Deux mille ans après la fondation de cette communauté, l’Europe se trouve aujourd’hui à peu près déchristianisée; ce qui fut imposé aux hommes par une sorte de contrainte a disparu comme neige au soleil. Face à cela, on fonde tout sur les vertus d’une nouvelle « mission » dont notre continent pourrait être le théâtre, tout comme ce fut le cas en d’autres contrées au temps du colonialisme – avec les mêmes compromissions qu’alors du côté du pouvoir et de l’argent. On crut naguère pouvoir évangéliser la Chine en dépêchant des astronomes à la cour de Pékin; on projette maintenant une nouvelle évangélisation de l’Europe par le biais des cercles de l’Opus Dei et des Chevaliers du Saint-Sépulcre, qui infiltrent déjà copieusement les médias et les milieux de la politique.
Ces efforts connaissent, il est vrai, des succès ahurissants. Nous sommes ainsi témoins de ce que, comme par miracle, les catholiques envahissent aujourd’hui des régions d’Europe de l’Est où, jusqu’à présent, ils étaient pratiquement marginaux. Ce qui implique des manœuvres de longue haleine. Les bureaux romains s’y entendent, remarquables en tout ce qui regarde la diplomatie secrète et l’infiltration. Il faut pourtant que ces entreprises échouent, et elles échoueront. Le plus stupide d’entre nous ne verra-t-il pas qu’elles n’ont rien de commun avec ce que Jésus a voulu et dit? La domination du monde est en effet d’autre venue que la culture et la promotion de la liberté de l’homme; or c’est pour cette dernière que Jésus a plaidé. Il m’est évident, au demeurant, que la voie sur laquelle s’engage l’Église aujourd’hui, et où elle connaît il est vrai quelques succès spectaculaires, comme le fut le voyage du pape en Asie, ne mène à la longue qu’au musée…]”
Plus loin il ajoute : “[…En ce qui concerne l’Église catholique, quantité de sujets nécessiteront que l’on coupe court à ses menées : la menace de l’expansion démographique, le sida, la cause de l’égalité de la femme, la résistance durable qu’elle oppose à la liberté de penser des les domaines où elle doit prendre la parole. Cela viendra de soi, car il est nombre de points en ces questions délicates où il faudra bien que la législation remette l’Église à sa place…]
[… J’espère – j’en suis presque sûr – que nous nous acheminons lentement vers un horizon de complémentarité en ce qui regarde le « vivre-ensemble » des grandes communautés religieuses. À ce moment-là, le souci commun sera de s’accompagner, non en concurrents, mais comme des hommes qui se valorisent mutuellement. En tout cas, il est clair déjà que comprendre le message de Jésus est devenu une aussi-gageure pour la tradition occidentale chrétienne limitée à elle-même. A cet égard, je dirais que, pour reprendre les éléments expérientiels d ce que Jésus voulait dire et annoncer, les sagesses asiatiques et la mystique japonaise s’avèrent plus appropriées que ne l’est le langage dogmatique de l’Église. S’il en est ainsi, tout plaide, en bonne logique, pour qu’il nous faille devenir bouddhiste afin d’être meilleurs chrétiens. Cela en tant de points – à commencer par notre relation à la nature ou par la bonté qu’il nous faut exercer envers les animaux. Ces réalités, il nous incombe de les apprendre au lieu de nous agripper à notre « bien-commun ». Que si nous tardions à le faire, la nécessité nous y contraindrait de l’extérieur. Pour l’heure, ce qui me fait mal, ce sont les ravages qui ne manquent de se faire jour alors qu’ils auraient pu être évités…]”
L’Église catholique telle que nous la connaissons et l’observons aujourd’hui, au moment de se choisir un nouveau pasteur, montre-t-elle quelque signe d’un réel désir de changer les choses? La pourpre cardinalesque est-elle prête à se remettre en question? L’Esprit-Saint aura-t-il voix au synode ou l’esprit de clocher occupera-t-il tout l’espace? S’il est vrai que le passé est garant de l’avenir, ma question en laissera plus d’un sceptique, voire dibitatif. J’aime à croire que celui qui dit que le passé est garant de l’avenir vit dans le passé et que seul compte le présent. Mais nos cardinaux eux, qu’en pensent-ils?
Claude G. Thompson


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2013

    Le silence presque total des autorités ecclésiastiques sur les disparités socio-économiques qui s'accentuent partout dans le monde depuis les trente dernières années en particulier et sur la pauvreté qui en résulte et qui ne cesse ainsi de s'accroître, brisant carrément des vies et instituant une sorte de sélection naturelle des plus aptes à répondre aux besoins du marché.
    C'est cela qui nuit à l'Église catholique aux yeux de ceux qui s'attachent au message évangélique d'aimer son prochain comme soi-même, c'est à dire de vouloir pour les autres les mêmes avantages dans la vie que l'on désire pour soi-même ou, en d'autres mots, faire aux autres ce qu'on aimerait qu'on nous fasse à nous.

  • Oscar Fortin Répondre

    13 mars 2013

    @Peter : Il est toujours difficile de décoder ces prophéties que l'apôtre Jean nous laissa dans le livre de l'Apocalypse. N'empêche que les temps que nous vivons et ce que nous en voyons projettent sur ces prophéties un éclairage bien particulier, comme si nous en étions à la fois les acteurs et les témoins.
    De toute évidence, l'histoire récente de l'Église l'associe étroitement aux forces politiques et économiques qui dominent nos sociétés et ces forces sont celles de la consommation, de la domination, du prestige et des grandeurs. Elles ne sont pas celles des pauvres, des humbles, des laissés pour compte de nos sociétés.
    De quoi nous faire tous réfléchir.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 mars 2013

    Une étude sur les origines du Vatican et de l'Église apostate comme possible "grande prostituée" des Écritures (anglais)
    "Et l'un des sept anges qui tenaient les sept coupes s'avança et me parla en ces termes : Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui réside au bord des océans. Avec elle les rois de la terre se sont prostitués, et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de sa prostitution. Alors il me transporta en esprit au désert. Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, couverte de noms blasphématoires, et qui avait sept têtes et dix cornes. La femme, vêtue de pourpre et d'écarlate, étincelait d'or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d'or pleine d'abominations : les souillures de sa prostitution. Sur son front un nom était écrit, mystérieux : « Babylone la grande, mère des prostituées et des abominations de la terre. » Et je vis la femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus."
    http://biblelight.net/vatican.htm

  • Oscar Fortin Répondre

    12 mars 2013

    @M. Tompson : Vous référez à un ouvrage important d’Eugen Drewermann ‘’Dieu Immédiat’’. Il s’agit d’une analyse et réflexion qui démantèle cette infrastructure ecclésiale qui a fini par prendre toute la place et à s’imposer dans divers milieux et auprès d’un nombre important de croyants.
    Aujourd’hui, ma compréhension personnelle de l’Église n’a guère de liens véritables avec cette institution. Dans un article récent « Je renonce à l’État du Vatican, à ses pompes et à ses œuvres » je me dissocie de tout ce volet institutionnel qui n’a rien à voir avec le message évangélique et les consignes données par Jésus à ses disciples.
    http://www.vigile.net/Je-renonce-a-l-etat-du-Vatican-a
    Je crois qu’il y a une Église bien vivante dans le monde à travers ces millions de personnes qui se donnent pour qu’il y ait moins de souffrance, plus de justice, plus de vérité, plus de compassion. Des millions de personnes qui ne contentent plus de beaux discours portant sur la paix et toutes ces valeurs, mais qui reconnaissent ceux et celles qui en témoignent. Là, est l’église, là sont les authentiques membres de corps porté par le Christ et son Esprit.
    Je vous remercie pour ces réflexions de Drewermann. Pour le moment, l’avenir de l’Église ne passe pas par le Vatican, mais par les croyants.
    Oscar Fortin

  • Oscar Fortin Répondre

    12 mars 2013

    J'espère que vous avez reçu mon courriel porteur d'un bref commentaire.
    Merci et bonne fin de soirée
    Oscar fortin