Élections israéliennes: les conséquences d'un virage à droite

Israël - Élection, mardi le 10 février 2009 - la montée aux extrêmes



Difficile de savoir qui, de Tzipi Livni ou Benjamin Nétanyahou, sera en mesure de diriger le prochain gouvernement israélien tant le système des proportionnelles intégrales est complexe en Israël. Cependant, quoi qu'il advienne, le résultat de ces élections sonne avant tout comme une revanche et un retour de la droite nationaliste au sein du pays.
Le véritable vainqueur de ce scrutin est finalement Avigdor Lieberman, avec son mouvement Israel Beïtenou («Israël notre maison»), qui devient désormais la troisième force du pays et obtient un rôle d'arbitre pour former le prochain gouvernement. Cette campagne électorale a révélé une volonté claire de la part des Israéliens de privilégier la solution sécuritaire au détriment des négociations de paix avec les Palestiniens, et d'un débat politique interne sur les questions économiques et sociales. Un paradoxe, étant donné que la grande majorité de l'opinion publique israélienne est en faveur de la création d'un État palestinien, mais qui s'explique par une lassitude et un manque de confiance de la population face aux luttes intestines des partis politiques et à l'absence de cohérence dans le discours des dirigeants au pouvoir.
Les Israéliens perçoivent leur environnement proche comme de plus en plus menaçant. L'Iran, qui est aujourd'hui une puissance incontournable dans la région, finance et soutient logistiquement deux mouvements catégoriquement opposés à l'existence même de l'État hébreu. Le Hezbollah au nord, qui a intégré le jeu politique libanais et qui dispose désormais d'un droit de veto sur les décisions prises par le pays du cèdre, et le Hamas au sud, qui maintient les tirs de roquettes sur le sol israélien. Une stratégie qui fonctionne sûrement pour entretenir l'image de résistance du mouvement islamiste palestinien, mais qui contribue aussi à orienter l'électorat israélien vers plus de sécurité et plus de fermeté.
Le lancement de l'opération «Plomb durci» le 27 décembre 2008, qui s'est traduit par une offensive aérienne et terrestre sur la bande de Gaza, aurait pu jouer en faveur de Tzipi Livni et du parti travailliste d'Éhoud Barak, puisque l'objectif de l'affaiblissement structurel de l'appareil militaire de Hamas a bien été atteint. Néanmoins, beaucoup d'Israéliens reprochent au gouvernement Kadima d'avoir procédé trop rapidement au retrait et de ne pas être allé au bout de sa logique, afin de nuire une bonne fois pour toutes au pouvoir en place à Gaza. Des roquettes continuent de tomber dans le sud du pays et le soldat Gilad Shalit n'a toujours pas été libéré. Ces éléments jouent en faveur de Nétanyahou et des autres mouvements de la droite, qui n'étaient pourtant pas aux commandes lors de l'opération.
La victoire de la droite n'est pas faite pour rassurer Mahmoud Abbas, représentant du Fatah, qui a déjà du mal à préserver une certaine crédibilité auprès de sa population, comme l'atteste sa baisse de popularité considérable depuis l'offensive à Gaza. Nétanyahou a en effet proposé tout au long de sa campagne de limiter les négociations avec les Palestiniens à des pourparlers économiques. Il se dit opposé au gel de la colonisation prévue par «la feuille de route» et reste intraitable sur le projet de réunification de Jérusalem, déclarant que «les Palestiniens seront bien forcés de se plier à la réalité face à la fermeté d'Israël». Enfin, il s'oppose catégoriquement à tout retrait du Golan en échange d'un accord de paix avec la Syrie. Une déclaration qui ne va pas dans le sens de l'allié turc qui tente de jouer depuis des années le rôle de médiateur impartial entre Damas et Tel-Aviv pour obtenir un tel accord. De même, les prises de position du Likoud et de la droite en général risquent de ne pas être en phase avec le changement de ton employé par l'administration Obama dans la région. Nétanyahou est déjà connu pour avoir eu de mauvais rapport avec Bill Clinton lors de son dernier passage aux affaires de 1996 à 1999, un argument utilisé par ses opposants tout au long de la campagne, alors qu'Hillary Clinton dirige désormais le département d'État au sein de la nouvelle équipe en place à Washington.
Politique musclée
Néanmoins, il ne faut pas nécessairement être «une colombe» pour aboutir à des négociations de paix dans la région. Et ce, particulièrement à Tel Aviv, où les représentants politiques de gauche ont tendance, une fois au pouvoir, à mettre en place une «politique musclée» afin de rassurer les Israéliens sur les questions de sécurité. Éhoud Barak l'a démontré très récemment dans le cadre de l'opération «Plomb durci», même si cette tendance n'est pas nouvelle. Amir Peretz avait fait de même en tant que ministre de la Défense lors de la guerre contre le Hezbollah en juillet 2006; une guerre qui faisait écho à l'opération «Raisins de la colère» en 1996, dirigée par Shimon Pérès alors au pouvoir, et qui avait conduit au tristement célèbre «massacre de Cana». En revanche, en dépit des vives tensions provoquées par le projet du retrait des colonies de Gaza, Ariel Sharon avait réussi à obtenir la confiance et un consensus auprès des Israéliens grâce à sa figure paternaliste à l'égard de la protection du territoire.
Tzipi Livni représente bien cet héritage laissé par son mentor en incarnant une image de dureté et de pragmatisme. La représentante de Kadima est loin d'être pacifiste ou d'avoir embrassé la cause palestinienne, mais elle demeure assez réaliste pour comprendre que la sécurité d'Israël sur le long terme passera par la création d'un État palestinien. Malgré tout, le sentiment qui prévaut avec le résultat de ces élections est que le moment des concessions doit être remis à plus tard et qu'il est nécessaire de faire preuve de fermeté.
Que ce soit Livni ou Nétanyahou, le prochain gouvernement devra encore une fois mettre en place une coalition rassemblant les différents partis en se tournant cette fois vers les factions de droite, accordant ainsi une place favorisée à la solution sécuritaire. Le phénomène inquiétant de ces élections reste bien sûr Lieberman, qui reflète incontestablement un nouveau visage de la société israélienne. Lieberman, décrit par ses opposants comme le nouveau «Mussolini» israélien, a basé l'essentiel de sa campagne sur la preuve de loyauté des citoyens israéliens et, plus particulièrement, des Arabes israéliens. Il n'hésite pas à parler de transfert des populations et propose un échange de territoire controversé en maintenant les colonies juives, mais en donnant des zones arabes israéliennes. Un discours dur, qui, en Israël, séduit de nombreux jeunes en recherche d'une solution de rechange claire à un gouvernement qui donne l'impression de répéter les mêmes palabres depuis des années. Nétanyahou, Barak, Shimon Peres et le parti Kadima ont tous été aux commandes de l'exécutif de Tel-Aviv, et les Israéliens veulent aujourd'hui du renouveau. Espérons qu'une nouvelle solution se présentera la prochaine fois, sous la forme d'un Barack Obama israélien.
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Julien Saada, Chercheur Moyen-Orient . Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques-UQAM


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