Semaine 1

ÉLECTION QUÉBÉCOISE 2012 (8)

Tribune libre

*Macrostratégie
Le PLQ aurait sans aucun doute préféré aller en élection dans un contexte plus favorable, mais la crise étudiante l'aura vraisemblablement contraint à plonger malgré lui. On a préféré en appeler au peuple plutôt que de recourir aux méthodes fortes pour mettre le couvercle sur la marmite étudiante. Les libéraux étaient cependant conscients du fait qu'ils auraient passablement de rattrapage à faire pour garder le pouvoir. Fin juillet, un sondage Léger Marketing les plaçait au deuxième rang dans la course électorale, à 31 %, contre 33 % pour le PQ. Suivaient, la CAQ à 21 %, QS à 7 %, les Verts à 4 % et ON à 2 % (J-1-8-12, p., 3). Plus inquiétant encore pour les stratèges du PLQ, le taux d'insatisfaction à l'égard du gouvernement faisait 70 % et il était encore plus élevé dans l'électorat francophone. Or, comme 80 % de la population voulait une élection, il était raisonnable de penser que le désir de changement risquait de peser lourd dans l'isoloir au moment du vote. S'ajoutait à cela le fait que les députés de l'opposition s'efforçaient depuis des mois de coller le carré de la corruption à l'abdomen des député gouvernementaux. Alors, les vents contraires soufflaient forts.
Mais, le PLQ n'avait pas nécessairement les mains vides. Au pic de la turbulence étudiante, 56 % de la population appuyait le gouvernement. Dans une certaine mesure, donc, la turbulence était du côté du gouvernement. Et, les étudiants en promettaient davantage. Ensuite, les libéraux se disaient fort probablement qu'ils pourraient compter sur leur base électorale anglophone, laquelle est moins volatile que la base nationaliste. Un peu dans le même sens, on regardait d'un oeil carnassier la possibilité d'une possible division du vote souverainiste entre le PQ, QS et ON. En fait, lorsque les vents se faisaient plus optimistes que d'habitude, on se prenait à croire que la CAQ répandrait la désolation dans les rangs péquistes. Alors, avec un soupçon d'aversion référendaire par-ci et un brin de crédibilité économique par là, la soupe libérale allait s'épaississant. En fait, en y ajoutant quelques cubes de Plan Nord, on se disait qu'elle deviendrait peut-être irrésistible. À la limite, on tablait certainement aussi sur la prime à l'urne du facteur M, ce que l'on aurait jamais admis même sous la torture. Il faut entendre ici le déficit de charisme de Mme Marois. L'horizon n'était donc pas aussi noir que certains voulaient bien le penser. Au pire, croyait-on, le PLQ risquait de se retrouver minoritaire.
Les choses allaient-elles se dérouler comme prévu? Les libéraux ont donc choisi d'abattre d'abord la carte de la loi et l'ordre. Le Québec, espérait-on, se rangerait évidemment derrière le parti de la stabilité plutôt que derrière celui du carré rouge, symbole de la turbulance étudiante. Et, les organisateurs libéraux étaient confortés en cela par le taux d'appui de 56 % dont avait bénéficié le PLQ de M. Charest dans le dossier étudiant. Mais, la gestion de crise du gouvernement avait également eu pour effet de diluer la puissance de cet argument. Avec la Loi 12, on avait suspendu la session d'hiver et rendu beaucoup plus difficile l'organisation de manifestations. Alors, qu'arriverait-t-il à l'argument de la loi et l'ordre si le soleil de l'été devait avoir raison de la détermination étudiante? À cela, les stratèges libéraux répondaient que le parti se retrouvait dans une situation win/win. Si, par exemple, la turbulence devait reprendre à la rentrée, la population se rangera derrière le gouvernement. Et, si la rentrée a lieu dans le calme, l'électorat nous donnera raison d'avoir adopté la Loi 12 et nous reportera au pouvoir. C'était là compter sur la reconnaissance de la population et nombreux sont ceux qui ont péri pour l'avoir fait. Règle générale, l'électorat accorde beaucoup plus d'importance à ce qu'il espère obtenir qu'à ce qu'il a déjà obtenu.
Mais, il y a l'atout du vote anglophone. Est-il besoin, cependant d'être fin stratège pour comprendre que le PLQ devra plus tôt que plus tard élargir sa présence dans l'électorat francophone. Pourtant, chez les libéraux, on s'applique studieusement à ignorer la réalité. En toute justice pour la nomenklatura libérale, cependant, il faut bien admettre que cette aberration stratégique ne relève pas d'un déficit cognitif. Si le PLQ voulait regagner la considération du Québec français, il lui faudrait se faire passablement plus nationaliste au plan identitaire, ainsi que plus revendicateur dans ses rapports avec le gouvernement fédéral et le reste du Canada. Or, il ne saurait revêtir la cape nationaliste sans indisposer sa base anglophone. Et, s'il devait s'aventurer à réclamer plus que de la péréquation dans ses rapports avec le Canada, il s'exposerait à des refus humiliants qui ne feraient, à terme, que souffler la flamme indépendantiste. Et, il semble bien que le PLQ s'apprête jouer la présente élection emprisonné dans ce carcan plus ou moins suicidaire. (Jean Charest vient d'annoncer qu'il accepterait peut-être de renforcer la Loi 101, mais nous n'en sommes ici qu'à la semaine 1- J'irai moins en détail pour les semaines subséquentes, même s'il y aurait un intérêt historique à le faire, comme vous vous en êtes probablement rendu compte). Depuis le début de la campagne, M. Charest colle en effet à sa stratégie électorale traditionnelle, soit celle de brandir le spectre d'un référendum péquiste à chaque fois qu'il a l'occasion de le faire. Mais, en s'enfermant dans cette recette, le PLQ joue 24 circonscriptions anglophones contre 121 circonscriptions à dominance francophone. On peut toujours, donc, écouter sans trop rigoler les libéraux faire étalage de leur compétence dans les questions économiques, mais il ne faudrait pas qu'ils s'aventurent à revendiquer une habilité distinctive en arithmétique...
Alors, la conjoncture politique peut-elle venir au secours des libéraux? Autrement dit, les souverainistes voteront-ils stratégique en se ralliant au PQ ou voteront-ils selon leur convictions en élisant des candidats QS et ON? Après une semaine de campagne, il est difficile de le dire. Mais, il en va tout autrement concernant le fantasme libéral qui envoyait le vote péquiste vers la CAQ. Les stratèges libéraux n'ont rien compris à la démarche de François Legault. Lorsque le chef caquiste est revenu en politique après avoir quitté le PQ, il l'a fait en affirmant qu'il ne voyait pas le Québec se ranger derrière l'option indépendantiste dans un avenir prévisible. En outre, son nouvel entourage était plutôt d'allégeace fédéraliste. De toute évidence, il n'avait pas l'intention de retourner au PQ dans un avenir immédiat. En fait, il n'avait pas l'intention d'y retourner...pour au moins dix ans. Manifestement, François Legault avait décidé de passer au camp fédéraliste, mais son passé l'empêchait de le faire sur un dix cents, comme le veut l'expression populaire. Alors, pourquoi pas sur un vingt-cinq cents? Il s'est donc entouré du très fédéraliste Gérard Deltell. En tout début de campagne, il disait ne plus croire en l'indépendance (D-2-8-12, p., A-1). Quelques jours plus tard, il montrait patte blanche à l'électorat anglophone en affirmant qu'il ne serait «jamais» question de souveraineté à la CAQ (D-9-8-12, p., A-5). Puis, il allait voter par anticipation à un éventuel référendum, enregistrant d'avance son vote négatif (J-9-8-12, p., 6). Et, avec Robert Libman comme caution, il était en droit d'espérer que l'électorat anglophone lui pardonnerait...ses erreurs de jeunesse. Pourtant, Jean Charest s'acharne à la décrire comme un crypto séparatiste.
Et, la menace d'un éventuel référendum péquiste n'est pas beaucoup plus crédible, même si elle n'est pas inexistante. Depuis 2007, le PQ n'est plus tenu d'organiser un référendum au cours du mandat suivant son accession au pouvoir. Les péquistes peuvent désormais attendre «le moment jugé opportun» (D-9-8-12,p., A-4). Certes, Mme Marois a exprimé son souhait d'en tenir un «le plus tôt possible», mais elle n'est pas formellement tenue de le faire. À tout événement, il y a depuis peu une alternative crédible libre de la tare référendaire à la disposition de l'électorat et ils'agit de la CAQ. Il semble bien, donc, que les stratèges libéraux ont abordé la campagne en prenant pour acquis que le PQ était leur seul véritable adversaire et qu'il suffirait d'agiter le spectre d'un référendum pour effrayer l'électorat. Quant à François Legault, on croyait pouvoir le marginaliser en le décrivant comme un loup séparatiste revêtu d'une rassurante peau fédéraliste. Les organisateurs libéraux ont opté pour un paresseux raccourci stratégique et ils pourraient bien le regretter.
Mais, le carquois libéral inclut toujours une flèche économique. Cette fois, on l'a nommée Plan Nord. Étrangement, le premier ministre en a peu parlé au cours de la première semaine de campagne. C'est un peu comme si le PLQ avait honte du «projet d'une génération». Certes, M. Charest l'a mis en évidence pour étayer sa promesse de 250 000 emplois au cours des vingt prochaines années, mais on ne peut certainement pas l'accuser d'avoir exagérément fait étalage des vertus du Plan Nord au cours de la première semaine de campagne (D-3-8-12, p., A-3). Et, cela s'explique aisément. D'abord, le Plan Nord est une entreprise nébuleuse que la population ne comprend pas véritablement. D'ailleurs, si elle le comprenait comme il faut, le PLQ serait probablement rayé de la carte électorale. En fait, il faut se demander si M. Charest lui-même en saisit bien les tenants et aboutissants. Quoiqu'il en soit, même si tel était le cas, il est douteux que le PLQ pourrait tirer un avantage concurrentiel de l'«arnaque d'une génération». Les deux autres partis sont en effet plus ou moins en accord avec le principe du Plan Nord. Le PQ en propose en effet une variante «améliorée», avec des redevances plus généreuses et plus d'activités de transformation en sol québécois (D-2-8-12, p., A-1). À la CAQ, on parle d'y faire intervenir la Caisse de dépôt encore plus férocement que les libéraux, une idée vraiment terrifiante, et d'utiliser les redevances pour payer la dette (D-2-8-12, p., A-1; D-7-8-12, p., A-3). On ne semble pas comprendre que le Plan Nord aura vraisemblablement pour effet de l'augmenter, la dette, et substantiellement. L'opposition a manqué une belle occasion de reprocher au gouvernement de vendre le minerai québécois...«une cent la tonne». Or, comme la cent est sur le point de disparaître, on a manqué une opportunité historique...
À tout événement, le calme relatif qui prévaut actuellement aux plans économique et financier joue contre le gouvernement. En 2008, les libéraux avaient pu tirer profit de la débâcle des marchés pour faire jouer la crainte en leur faveur. Le contexte actuel, par contre, favorise plutôt ceux qui proposent le changement. Fin juillet, l'emploi comptait pour 14 % dans l'échelle des priorités de l'électorat. Le Plan Nord venait assez loin derrière, à 6 %. (J-1-8-12, p., 2). Rien ne dit cependant que le prochain gouvernement bénéficiera d'une économie bienveillante, très loin de là.
Reste le facteur M, le rêve inavouable des libéraux. De sondage en sondage, on retrouve M. charest dans la pole position parmi les candidats au poste de premier ministre. Un sondage Léger Marketing de la fin de juillet le plaçait en effet en¸tête à 23 %, devant Mme Marois à 21 % et M. Legault à 16 % (J-1-8-12,p., 2). Le gâteau de Mme Marois refuse obstinément de lever. Mais, celui de M. charest n'a pas nécessairement fière allure non plus. Son taux de 23 % représentait en fait un recul de 3 % par rapport au sondage précédent, tout comme M. Legault. Mme Marois, elle, n'avait pas bougé. La candidate Indécision, par contre, avait progressé de 3 %. De ce côté également, la tendance ne semblait pas vouloir favoriser le PLQ. D'ailleurs, toujours selon un sondage Léger Marketing effectué au cours de la première semaine de campagne, seulement 16 % de l'électorat avait l'intention de voter en fonction de la personnalité des chefs, contre 32 % en fonction des plateformes proposées, 27 % en fonction des partis et 18 % en fonction des candidats locaux (J-7-8-12, p., 2). Le PDG de la maison de sondage, M. Jean-Marc Léger était finalement d'avis que la population se prononcerait beaucoup plus contre un chef que pour un chef le 4 septembre. Cela correspondait assez bien avec le vecteur premier de la stratégie péquiste.
Après sept jours de campagne, la macrostratégie libérale ne semble donc pas avoir mis le parti sur la bonne voie. Et, cela inclut vraisemblablement l'emprunt du PLQ aux méthodes des conservateurs fédéraux. Ces derniers excellent en effet dans l'art d'être continuellement en campagne électorale. On se rappellera ici de leurs entreprises de dénigrement des chefs libéraux Stéphane Dion et Michael Ignatieff longtemps avant que ne débutent les campagnes disputées contre ces derniers. Alors, on diffusera une vidéo montrant M. Charest vêtu de blanc livrant le message libéral dans le rôle du politicien recherchant inlassablement l'intérêt public. Et, dans une autre vidéo, on verra Mme Marois battant une casserrole affublée d'un carré rouge. Les stratèges libéraux ont oublié que l'on ne crée pas nécessairement une impression durable en deux semaines.
Et, ils ont affiché le même genre d'amateurisme dans le langage qu'ils ont suggéré à M. charest pour imager son discours. Celui-ci s'est en effet dit confiant du fait que «la majorité silencieuse» se rangerait sans hésitation sous le parapluie de stabilité que représentait le PLQ. Or, il s'agit-là d'une expression rendue célèbre par Richard Nixon, ce président américain qui a dû se résigner à démissionner de son poste en 1974, étouffé qu'il était dans le scandale du Watergate. Au même effet, on ne se taillera pas une place de choix au palmarès des grands messages subliminaux avec le slogan du parti, Pour le Québec. Sans être mauvais, il n'a rien d'exceptionnellement original. Espérons que le PLQ n'a pas encore payé les honoraires de ses stratèges.
La macrostratégie péquiste valait-elle mieux?
Le contexte social et médiatique qui prévalait quelques semaines avant le début de la campagne offrait au PQ quelques thèmes évidents susceptibles de lui servir dans l'élaboration de sa stratégie. Il y avait, bien sûr, l'épineux dossier étudiant, mais dans la mesure où la population n'était pas nécessairement friande de carrés rouges, il aurait été suicidaire pour le parti de lier son sort à celui des manifestants. Comme les députés péquistes avaient passé la majeure partie de la session à dénoncer la corruption du régime libéral, il aura probablement semblé logique de poursuivre dans la même veine. Pourquoi, en effet, s'écarter du confort de la routine? Le PQ s'est donc efforcé de transformer l'élection en un...référendum sur le gouvernement «corrompu et usé» de Jean Charest. Dans les circonstances de la présente campagne, cependant, cet angle d'attaque n'était pas sans substance stratégique. Avec le départ des Normandeau, Beauchamp, Gagnon-Tremblay, Courchesne, Vallières et MacMillan, M. Charest se retrouvait plus ou moins seul à tenir le fort. Et, en mettant le roi en échec, on espérait évidemment prendre la ville. Sur un autre plan, le PQ étant le PQ, il lui était impossible de s'engager dans une campagne électorale sans un élément identitaire dans sa plateforme, tout en s'efforçant de l'enrober d'un certain degré d'ambiguïté. Les stratèges péquistes allaient également inclure à leur arsenal un effort d'élargir la base électorale du parti. Finalement, soucieux de ne pas laisser M. charest seul au volant du volet économique de la campagne, ils ont mis de l'avant une version «améliorée» du Plan Nord. À première vue, donc, il n'y avait rien de révolutionnaire dans la macrostratégie péquiste non plus.
En début de campagne, la lutte à la corruption dans l'industrie de la construction comptait pour 22 % dans l'échelle des priorités de la population. La piste pouvait sembler prometteuse, mais la vénalité du régime libéral était devenue notoire et rien ne mettait M. Charest en cause personnellement. En outre, hormis sa vieille promesse de ramener la limite des dons aux partis politiques à 100 $, il faut bien admettre que les mesures anticorruption suggérées par le PQ au cours de la première semaine de campagne étaient somme toute...désertiques. La promesse de Mme Marois de diriger un gouvernement «exemplaire» qui montrerait un niveau de «tolérance zéro» pour ceux de ses ministres qui se permettraient des écarts de conduite n'aura vraisemblablement convaincu que les convertis et les naïfs. À tout événement, en se limitant à divulguer un autre cas de corruption libérale pour contrer l'effet de l'arrivée de Jacques Duchesneau à la CAQ, le PQ tirait sur un cheval mort. Plus personne ne croit à la vertu du PLQ.
L'idée de demander une trêve aux étudiants était-elle potentiellement plus rentable? Évidemment, cette manoeuvre visait à neutraliser l'avantage que le PLQ entendait tirer se son argument de la loi et l'ordre. Mme Marois n'était probablement pas réfractaire, non plus, à la perspective de ranger son carré rouge aux archives de l'oubli. Mais, cela équivalait à demander aux étudiants de parier sur son élection. Ces derniers ont plutôt choisi de continuer de travailler à la défaite des libéraux et de la CAQ. On est jamais si bien servi que par soi-même. Mme Marois aura cependant sa trêve, le soleil de l'été se montrant plus fort que la Loi 12 à calmer les étidiants.
Au plan économique, les stratèges péquistes se sont plus ou moins accrochés au train libéral, à quelques variantes près. On améliorera le Plan Nord. Des fonds publics pourront être investis dans l'exploitation des énergies fossiles. Il y aura un BAPE concernant le développement des ressources de l'Île d'Anticosti, mais cela n'exclut pas le fait qu'elles puissent éventuellement être exploitées. On attendra les résultats de l'étude portant sur l'exploitation du projet Old Harry avant de prendre une décision finale dans le dossier. À bien y regarder, la différence entre le programme économique libéral et le programme péquiste est un peu la même qu'il y a entre tamdidelam et tamdidelum. Grosso modo, on est d'accord en principe, mais on diverge sur des détails qui donnent l'impression que le parti est plus soucieux de l'intérêt public. Encore une fois, on touche surtout les convertis. Certes, le PQ a promis de lancer une banque de développement économique, mais il a plus ou moins présenté son projet comme un changement de nom chez Investissement Québec. On parle en outre de réclamer 400 millions $ du fédéral au titre du développement économique. S'il y a une vague péquiste au cours de la présente campagne, elle ne viendra pas de la plateforme économique discutée au cours de la première semaine de la joute électorale.
En acceptant de monter dans le « Gros Train du Nord» libéral, le PQ a manqué une chance d'établir sa compétence en économie. Le secteur des ressources naturelles est en effet un secteur très volatil, spéculatif et risqué qu'il faut aborder avec la plus grande prudence. Il ne s'agit certainement pas d'un endroit où il faut mettre la Caisse de dépôt à risque de façon inconsidérée. Et, il n'est pas plus raisonnable de vouloir y mettre Hydro-Québec à contribution pour 47 milliards $...en argent emprunté. D'ailleurs, il se pourrait fort bien que le boom des ressources des dernières années tire à sa fin. En Chine, où l'on consomme 60 % du fer à l'échelle mondiale, la capacité industrielle n'est plus utilisée qu'à 60 %, contre 80 % en 2007. En Australie, où on avait mis en place quelque chose se rapprochant du Plan Nord, on a commencé à annuler des investissements dans les secteur des infrastructures minières. À tout événement, le PQ aurait eu une chance de se démarquer des deux autres partis dominants et il ne l'a pas saisi. Un parti qui vise à réaliser l'indépendance du Québec devrait avoir de meilleures antennes économiques.
Les stratèges péquistes, donc, évitent les positions tranchées, préférant se réfugier dans les demi-teintes. Ce faisant, on cultive l'ambiguïté. En fait, on le fait à un point tel qu'il est possible de s'interroger sur l'intégrité intellectuelle du PQ (Mes textes sont non partisans...je dis les choses telles qu'elles sont). À tout événement, au cours de la première semaine de campagne, Mme Marois a à quelques reprises affirmé son désir d'organiser un référendum le plus vite possible (D-6-8-12, p., A-4; D-9-8-12, p., A-4). Plutôt que de s'en tenir au programme de son parti, la chef péquiste ajuste son discours à l'aile référendiste de sa formation. Si tous les partis doivent tenir compte des factions dont ils se composent, cela est plus évident et plus destructeur au PQ. Il arrive bien souvent qu'il y ait contradiction entre les stratégies péquistes destinées à l'aile pressée du parti et les stratégies péquistes destinées à l'électorat en général. Et, le parti en fait les frais à l'urne. Le «plus tôt possible» de Mme marois ne fera probablement qu'apporter de l'eau au moulin référendaire de M. Charest, sans vraiment raisonner l'élément pressé du parti. Le contexte actuel n'est pas celui de 1994. Et, le Québec n'optera pas pour l'indépendance en raison de juges unilingues, de fonctionnaires fédéraux unilingues et d'un déficit de français aux Olympiques.
La première semaine n'a pas été particulièrement fertile en engagements identitaires spécifiques non plus, une figure imposée au PQ. Un gouvernement péquiste, donc, renforcerait la Loi 101, adopterait une charte de la laïcité et réintroduirait l'enseignement de l'histoire du primaire à l'université. De toute évidence, on vise à faire le plein d'électeurs dans l'électorat francophone. Mais, l'intérêt pour la Loi 101 et une charte de la laïcité dépasse-t-il les limites de la Ville de Montréal? Autrement dit, les gains potentiels résultant de cette stratégie valent-ils les pertes possibles qui pourraient découler d'un excès de zèle perçu ou imaginaire à ce titre? À tout événement, Mme Marois n'a pas manqué d'attribuer à M. Charest le recul du français dans la métropole québécoise (D-6-8-12, p., A-4; D-8-8-12, p., A-6).
Alors, comment le PQ pourrait-il élargir sa base électorale? Mme Marois a fait un effort en ce sens en première semaine de campagne lorsqu'elle a invité les «fédéralistes fatigués» à donner leur appui au PQ, quitte à se dissocier de celui-ci lors d'un évenuel référendum. (D-9-8-12, p., A-4). Cet appel stratégique à l'électorat fédéraliste sera-t-il rentable le 4 septembre? L'aile droite du PLQ a un parti d'accueil à la CAQ. L'aile gauche pourrait bien rester à la maison, justement pour éviter un référendum. Minoritaire, le PQ ne pourrait évidemment pas organiser une consultation sur la question nationale. Alors, l'appel de Mme Marois ne risque-t-il pas de garnir les rangs d'ON? Jean-Martin Aussant n'a à tout événement pas raté l'occasion pour affirmer qu'il avait quitté le PQ en raison de ce genre de dilution de la fibre indépendantiste du parti (D-9-8-12, p., A-4).
Il faut bien admettre que la macrostratégie péquiste est fortement assaisonnée d'ambiguïté. Lorsque le débat se corse, le parti tente de souffler le chaud et le froid. Donc, on est pour un retour en classe à 100 %, mais on est pas nécessairement pour la fin des grèves. Et, on refuse de dire si les professeurs qui refuseraient de donner leurs cours en raison d'une grève encourraient des sanctions, le problème n'étant pas susceptible de se produire sous un gouvernement péquiste (D-8-8-12, p., A-5; D-9-8-12, p., A-3). Ce faisant, le PQ ne gagne pas beaucoup de votes, mais il évite probablement d'en perdre.
Le PQ a également été capable d'égrener une liste somme toute bien garnie de candidatures de prestige, ce qui a donné un élan de départ à sa campagne. Mais, ces prestigieuses recrues sont toutes associées à l'aile identitaire du parti, ce qui diminue un peu l'effet mobilisateur de leur arrivée en politique active. Un jour ou l'autre, les péquistes devront dépêcher leurs éclaireurs dans les arénas favorisant les disciplines économiques. Évidemment, les joueurs évoluant dans ces ligues sont généralement réfractaires à joindre le circuit identitaire. Le PQ devra donc mettre l'accent sur les coûts économiques du fédéralisme canadien. Il y en a. Et, si ces coûts devaient devenir trop évidents, la classe entrepreneuriale pourrait revoir ses positions. Pour l'instant, le PQ limite ses efforts à la question identitaire comme telle et, de ce fait, il se renferme plus ou moins dans la mouvance culturelle de l'électorat.
La macrostratégie péquiste at-elle été efficace, du moins au cours de la première semaine de campagne? À bien des égards, elle donne l'impression d'avoir été élaborée comme si la CAQ n'existait pas. Comment a-t-on pu, au PQ, articuler la campagne autour du thème de la corruption sans penser que la CAQ finirait vraisemblablement par s'inviter au tableau? Les stratèges péquistes ont lancé leur caravane sur une autoroute achalandée, l'autoroute de la vertu. Il s'agit pourtant d'une autoroute toujours fort encombrée en période électorale, l'autoroute de la vertu. Autrement dit, le PQ s'est plus ou moins présenté à l'électorat comme un gouvernement par défaut dans un contexte où l'humeur était au changement. Cela pourrait lui coûter une majorité, voire plus.
La CAQ a beaucoup mieux évalué le contexte.
À suivre...


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