À l’annonce du décès de Ducharme, très vite, il a été entendu beaucoup de paroles semblables à celles-ci : « On ne l’aura connu que par son oeuvre » ou encore « On le connaissait si mal ». Il s’agit là d’expressions révélatrices d’un double regret. Celui bien sûr, d’une part, de la perte d’un écrivain immense ; et celui, d’autre part, du regret de son inexistence en tant que personnage médiatique, du moins selon ces formes carnavalesques qu’on tient aujourd’hui pour obligées.
Son oeuvre, n’est-ce pas pourtant tout ce qu’il suffit de connaître de lui ?
Pour maladive qu’elle fût, l’attitude de retrait de Ducharme par rapport aux médias en particulier et au monde en général n’en révèle pas moins, par un effet de miroir, cette fascination que nous entretenons tous pour un monde d’images de surface que nous confondons sans cesse avec la profondeur.
Un écrivain existe parce qu’il est à sa table. Autrement dit, la littérature ne se joue pas dans les jongleries d’une suite d’entrevues rieuses portées par des images retouchées. Comme le disait Ducharme, « un livre est un monde, un monde fait, un monde avec un commencement et une fin ». Pourquoi souhaiter entrer dans l’ordinaire d’un écrivain, alors que celui-ci vous convie plutôt sur les chemins de son écriture enchantée ?
À ce sujet, Ducharme fut tout de suite dans la moindre ambiguïté possible : « Je ne veux pas que l’on fasse de liens entre moi et mon roman », confiait-il à son ami Gérald Godin.
Dès la parution de son premier livre en 1966, à l’heure de l’intensification de la société du spectacle, on est allé jusqu’à remettre en cause son existence pour cause d’absence d’images. Jusqu’à sa mort, cette question de son existence — réelle ou non — va et vient, jusqu’à toucher souvent aux tréfonds du saugrenu. La question demeure intéressante, pour peu qu’on l’envisage au-delà du premier degré où elle fut sans cesse formulée. Autrement dit, est-il encore permis à un individu d’exister dans nos sociétés s’il n’est pas appuyé par un barrage d’images censées prouver la solidité de son identité ?
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