MISE À JOUR
Denise Bombardier était une amie, et c’est le cœur serré que j’écris cette chronique, alors qu’elle vient de nous quitter.
Avant de parler de son parcours et de son œuvre, je tiens à dire quelques mots sur son génie de l’amitié.
Elle savait recevoir, organiser les plus belles soirées, à Montréal ou en Estrie.
Elle en était chaque fois la reine et accordait à chaque invité une place particulière. Elle menait la conversation, la relançait, savait basculer de la vie des idées aux histoires grivoises et graveleuses, en parsemant le tout de confessions improbables, qui étaient pourtant vraies.
Amitié
Elle s’était aussi spécialisée, avec les années, dans les discours de mariage. C’était, d’ailleurs, une grande amoureuse.
Mais tout cela dit, nous ne devons pas oublier qu’elle fut, au Québec comme en France, une intellectuelle de référence.
En France, elle était ambassadrice du Québec. Elle nous représentait, faisait valoir aux Français que la cause québécoise avait besoin d’eux.
Elle a connu la classe politique et le milieu intellectuel français sur plusieurs générations. Elle connaissait Paris de l’intérieur, et lorsqu’elle y passait, elle était chez elle.
Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.
On l’associe beaucoup à l’affaire Matzneff, où sur le plateau de Bernard Pivot, au risque de sa propre carrière, elle avait dénoncé l’écrivain.
Mais on aurait tort de la réduire à ce fait d’armes.
Car Denise s’était aussi imposée comme écrivain, comme romancière. J’entends par là qu’elle ne fut pas seulement reconnue pour un coup de gueule, ou pour une indignation, mais pour son œuvre propre, pour sa plume.
Elle avait su restituer, dans Une enfance à l’eau bénite, son premier roman, la vie familiale canadienne-française d’autrefois, dans ce qu’elle avait de chaleureux, dans ce qu’elle avait d’étouffant aussi. Elle s’y était arrachée par sa maîtrise de la langue, et ce n’est probablement pas un hasard si elle fut reconnue comme écrivain en France en revenant sur ses origines, qu’elle assumait et qui la troublaient.
Mais Denise Bombardier fut aussi l’ambassadrice de la France au Québec.
Elle nous rappelait que la France ne nous était pas étrangère, qu’elle était notre mère-patrie, qu’elle était aussi et encore une partie de nous.
Elle rappelait aux Québécois tentés de se fondre dans le continent, comme s’ils étaient des Nord-Américains comme les autres, qu’ils représentaient un point de contact existentiel entre le Nouveau Monde et la vieille Europe.
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Intellectuelle
Elle nous rappelait que notre force, comme peuple, venait aussi du fait que nos origines puisaient dans la civilisation française, une des plus grandes de l’histoire, et que nous étions en droit de nous en vouloir les héritiers.
Elle nous rappelait que la maîtrise de notre langue nous tirait vers le haut, et ne tolérait pas qu’on la piétine.
Cette femme plus grande que nature n’est plus, et nous prendrons du temps à l’accepter. On ne l’imaginait pas mourir.
Ses amis se raconteront longtemps leurs «histoires de Denise», reliront ses livres, et feront tout pour qu’on ne l’oublie pas.