J’ai eu le bonheur de connaître madame Henriette Rochette Le Hir. Invité à sa table régulièrement, profitant du moment où l’on échappe au quotidien pour se laisser aller à des conversations sur la philosophie, l'histoire, la culture, tout en taquinant Richard qui était aux fourneaux, nous discutions allègrement. Malgré ses 90 ans, elle était toujours alerte et prête à bondir, notamment sur cette « maudite réforme de l'enseignement ». Au fil des rencontres propices aux confidences, elle m'a donné à lire son journal personnel, le grand roman de sa vie
Je retiens cette période qui a marqué son destin et celui de ses enfants.
C'était durant la Deuxième Grande Guerre, vers 1942-43. Alors jeune enseignante à Acton Vale, elle recevait en quelque sorte un appel du front ! L'armée avait créé un programme consistant à inciter les jeunes filles à correspondre avec des soldats en Europe dans le but de soutenir le moral des troupes. Sans qu'elle ne s'en doute au début, en participant à ce projet, les Marraines de guerre, le destin venait frapper à sa porte et allait changer le cours de sa vie.
Qui était ce soldat Le Hir. Elle l'apprendra plus tard. Fuyant la France occupé, capturé puis évadé deux fois pour rejoindre les troupes de la France Libre du Général de Gaulle en Angleterre, il reviendra descendre les Champs Élysées avec la 2e division blindée du général Leclerc le jour de la Libération. Un héros de guerre ! Ses médailles qu'elle m'a montrées en témoignent. Pour une marraine de guerre, quel film !
Au fil des mots de cette correspondance, les cœurs se tissent. À la fin de cette guerre, elle n'aura qu'un désir qui l'anime, rejoindre ce soldat dont elle était la marraine.
Sa volonté était faite. Ignorant les craintes de sa famille, contre toute attente, elle part pour l'Europe. Oui mais, en 1946, le transport de civils n'avait pas encore repris. Qu'à cela ne tienne, tête de Rochette, elle force le jeu et, grâce à des relations de haut niveau à Ottawa et à New York, elle obtient la permission d’embarquer sur un navire-hôpital, un transatlantique de la French Line converti et affecté au rapatriement des blessés de guerre, en partance de New York. Elle se retrouve en compagnie de célébrités du monde des arts de l'époque. On imagine l'aventure pour une jeune québécoise de vingt-trois ans en 1946.
Elle débarque en France dans une Europe dévastée par ce grand conflit qui aura bouleversé tant de vies et de destins. Cette France où, pour se nourrir, il faut alors des coupons de rationnement, avec toutes les privations que cela suppose. L'intensité des sentiments trompait la misère du moment. En 1947, à Versailles huit mois avant son retour au Québec, elle donne naissance à un fils, Richard Le Hir, un enfant de la guerre.
Celui qui m'a donné de connaître sa mère.
Mes hommages, Madame la marraine de guerre
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7 commentaires
Bruno Deshaies Répondre
14 mai 2016Excellente initiative Jean-Claude.
Bel hommage remplit de mots simples et stimulants. Mes condoléances les plus sincères à Monsieur Le Hir ainsi qu'à ses proches.
Pierre Cloutier Répondre
14 mai 2016Très beau texte. Mes plus sincères condoléances, Richard,
Chrystian Lauzon Répondre
13 mai 2016Merci M. Pomerleau pour ce confidentiel et on ne peut plus vif hommage. C’est par votre témoignage et l’agir de cette femme, grande en elle-même, que nos valeurs profondes prennent sens et s’expriment concrètement, dans l’action - qui contient toujours-déjà le politique. Et c’est de ces marraines pour notre propre guerre de libération dont nous avons besoin incessamment. L’éducation familiale doit être le berceau de l’autonomie personnelle incitant à former et développer l’indépendance de Notre nation dans une conscience politique réelle et de fait. Les vrais cours d’histoire passent désormais par là, comme par soi-même essentiellement, plus que jamais. Mes sympathies à Richard Le Hir et sa famille. Je dois à M. Le Hir, donc indirectement à sa mère, un sens plus poussé sur Vigile de ma responsabilité politique. Nous sommes chacun d'où nous venons, pouvoir l'être plus et mieux librement pour faire l'avenir au présent, dans l'instant, en toute conscience collective, fera de Nous un peuple identifié, respectable et respecté: au pouvoir de Soi. À chaque départ, l'urgence d'agir Nous est signifiée.
Archives de Vigile Répondre
13 mai 2016Mes condoléances M.Le Hir.
Après la lecture de ce texte, je comprends très bien votre acharnement à défendre notre
QUÉBEC LIBRE. Continuons le combat!
Archives de Vigile Répondre
13 mai 2016En levant le voile sur qui était votre maman, on comprend d'autant mieux la fibre de liberté qui vous anime et dont vous êtes l'héritier.
Condoléances sincères à vous et à vos proches monsieur Le Hir.
Robert J. Lachance Répondre
13 mai 2016Merci Jean-Claude,
( nous aurions déjà été présenté)
Ça m'aide à comprendre le coup d'aile de papillon de M. Le Hir sur la suite du monde, en premier au Québec.
Archives de Vigile Répondre
13 mai 2016Bel hommage!
Mes condoléances à M. Le Hir et sa famille.