Duceppe au PQ?

PQ - succession de Boisclair



«Est-ce que c'est responsable d'avoir deux courses au leadership avec le même monde et une élection qui s'en vient? Non.»
Dixit Gilles Duceppe, il y a tout juste deux ans, alors qu'il décidait de ne pas se porter candidat au leadership du PQ. Aujourd'hui, les mêmes objections valent tout autant, mais cette fois M. Duceppe semble intéressé...
La différence, c'est qu'en 2005, le Bloc avait le vent dans les voiles grâce au scandale des commandites, et que le Parti conservateur de Stephen Harper n'avait pas encore pénétré le Québec. Cette année, par contre, les élections fédérales s'annoncent mal pour le Bloc, qui a fait très mauvaise figure en 2006 et dont la cote vient de tomber à 28 %. Mieux vaut quitter le bateau avant qu'il ne coule, même si c'est pour tenter de sauver un autre navire en perdition. Au moins le plongeon aura quelque chose d'héroïque.
En 2005, Gilles Duceppe savait qu'il ne partait pas gagnant dans une course au leadership, car les péquistes (pour leur plus grand malheur) s'étaient amourachés d'André Boisclair. Cette fois, la voie paraissait à peu près libre... du moins jusqu'à ce que Pauline Marois laisse savoir, hier, qu'elle n'exclut pas un retour.
Plusieurs péquistes souhaitent une course au leadership, mais pour qu'il y ait course au leadership, il faut qu'il y ait des coureurs! Le problème, c'est que tant Mme Marois que M. Duceppe souhaitent sans doute être élus par acclamation... Cette dernière, en tout cas, ne voudra certainement pas s'exposer à une troisième humiliation, après avoir échoué dans les précédentes courses au leadership.
Elle est en tout cas la seule qui pourrait faire ombrage à M. Duceppe : intellectuellement, les deux se valent, mais Mme Marois dégage plus de chaleur humaine, et elle a plus de racines dans le parti. Un sondage Léger indiquait mardi que 28 % des répondants trouvaient qu'elle serait le meilleur leader pour le PQ, alors que M. Duceppe ne ralliait que 17 % de répondants... résultat surprenant, car le chef bloquiste a joui depuis 14 ans d'une extraordinaire visibilité.
En tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est que les élections internes réussissent mal au PQ : les deux seuls chefs à avoir été élus à la suite d'une course au leadership (Johnson en 1985 et maintenant Boisclair) ont été chassés du parti qui les avait pourtant choisis avec de très fortes majorités.
Même si M. Duceppe était élu à la tête du PQ par acclamation - un «couronnement» que souhaite ardemment Sylvain Simard, l'homme aux loyautés successives qui change d'allégeance comme il change de cravate - il n'en serait pas au bout de ses peines.
Au PQ, l'ancien «mao» issu de la CSN retrouverait de vieux amis comme Louise Harel ou Bob Dufour, et l'aile syndicaliste du parti l'accueillerait à bras ouvert. Mais d'autres le voient venir avec méfiance, notamment les «permanents» qui risquent de se voir remplacés par la garde rapprochée du chef bloquiste, lequel, n'en doutons pas, traversera la frontière outaouaise avec «son monde».
Adoubé par l'aile gauche du parti et homme de gauche depuis toujours, M. Duceppe maintiendrait le PQ à gauche, cela est évident... mais pas électoralement rentable, puisque c'est à droite que se trouvent les électeurs qui ont lâché le PQ pour l'ADQ. Un Joseph Facal, avec son programme «lucide», serait mieux placé pour les convaincre... mais on le voit mal dans un rôle de leader, encore moins d'orateur.
Gilles Duceppe est un gros travailleur : il ne lui faudra guère de temps pour maîtriser les dossiers provinciaux, lui qui a assimilé des dossiers fédéraux beaucoup plus compliqués. C'est à l'interne que la transition sera difficile. Le PQ et le Bloc n'ont pas la même culture politique. Le premier est une coalition agitée, dont les militants ont toujours donné du fil à retordre à leurs chefs.
Le Bloc, par contre, est un parti qui suit son chef en silence, selon le modèle établi par le père-fondateur Lucien Bouchard et ensuite institutionnalisé par Duceppe, dit le Père Fouettard, qui exerce d'autant plus d'ascendant sur son parti que le Bloc compte relativement peu de personnalités d'envergure (c'est le sort d'un parti à jamais écarté du pouvoir) et que M. Duceppe est un homme autoritaire, qui ne supporte pas la contestation. Mme Marois, plus souple et plus accommodante, pourrait plus facilement faire le pont entre les différentes factions du parti.


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