Droits et Démocratie embauche un avocat qui a défendu des criminels de guerre

Droits et Démocratie - KAIROS - Développement et Paix


Alec Castonguay - La haute direction de l'organisme fédéral Droits et Démocratie vient de créer un poste stratégique qui sera occupé par un ancien candidat conservateur, Stéphane Bourgon, un avocat qui se spécialise dans la défense des dirigeants de la planète accusés de crimes de guerre et de génocide, a appris Le Devoir.
Droits et Démocratie, un organisme non partisan investi d'un mandat international, a été créé en 1988 par le Parlement canadien «pour encourager et appuyer les valeurs universelles des droits humains et promouvoir les institutions et pratiques démocratiques partout dans le monde», comme l'indique la description de l'organisme. Il concentre son action autour de la Charte internationale des droits de l'homme.
Basé à Montréal, Droits et Démocratie emploie une cinquantaine de personnes. Même s'il relève du Parlement fédéral, c'est le gouvernement qui nomme 10 des 13 membres du conseil d'administration, ainsi que le président. L'organisme a été secoué par une crise majeure l'hiver dernier, après la mort de son président, Rémy Beauregard, et les tensions au sein du conseil d'administration à propos du virage pro-Israël entrepris par les membres du conseil nommés par le gouvernement Harper.
Le nouveau président de l'organisme, Gérard Latulippe, un ancien candidat et organisateur de l'Alliance canadienne au Québec, a été nommé dans la controverse, en mars dernier.
Selon nos informations, M. Latulippe confirmera dans les prochains jours la nomination de Stéphane Bourgon à titre de directeur des communications, relations gouvernementales et planification stratégique. La nomination a été annoncée aux gestionnaires de l'organisme récemment.
M. Latulippe a refusé d'accorder une entrevue au Devoir pour expliquer son choix. La responsable des relations avec les médias, Marie-Hélène Bachand, a soutenu que la direction «refuse de confirmer ou d'infirmer cette information». «Les annonces seront faites au moment voulu», a-t-elle dit.
Lorsque Le Devoir a demandé s'il est approprié qu'un cadre de Droits et Démocratie, étant donné le mandat délicat de l'organisme, ait agi à plusieurs reprises comme avocat de la défense dans des causes de génocides et de crimes de guerre, notamment au Tribunal pénal international (TPI) à La Haye, il a été impossible d'obtenir une réponse, sauf celle-ci: «Me Bourgon est actuellement employé du Tribunal pénal international, où il a agi tant comme procureur du Tribunal et comme avocat de la défense. Il est généralement nommé d'office par le TPI pour la défense des cas.» Le Devoir a tenté de joindre Stéphane Bourgon hier, par téléphone et par courriel, sans succès.
Selon l'Hebdo Rive-Nord, qui lui a consacré plusieurs articles dans les dernières années, Stéphane Bourgon, 49 ans, a été avocat militaire dans les Forces canadiennes pendant 20 ans. Il est entré au Barreau du Québec en 1993. Il a récemment obtenu le titre «d'avocat émérite» du Barreau. M. Bourgon a aussi été candidat conservateur lors de l'élection partielle du 27 novembre 2006 dans la circonscription de Repentigny.
En 2009, il a défendu, devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, l'un des sept accusés du massacre de Srebrenica, qui avait fait près de 8000 morts. Il défendait le lieutenant Drago Nikolic, accusé de génocide.
Mais, depuis 2009 et jusqu'en août dernier, Me Bourgon agissait également en dehors du cadre officiel du TPI, puisqu'il représentait le chef des rebelles congolais, Laurent Nkunda, qui doit comparaître devant un tribunal militaire au Rwanda. La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda souhaitent que Laurent Nkunda «soit jugé pour ses actes au Nord-Kivu et Sud-Kivu», des régions instables de la RDC où des civils ont été massacrés par centaines, a récemment soutenu une porte-parole du gouvernement rwandais. Il a été impossible de savoir si Stéphane Bourgon représente toujours Laurent Nkunda.
L'organisme Droits et Démocratie a un programme pour aider les femmes victimes des atrocités en RDC, notamment les viols, commis par des groupes rebelles.
À Ottawa, le porte-parole du NPD en matière d'affaires étrangères, Paul Dewar, se dit «choqué» par la nomination de Stéphane Bourgon. «Les criminels de guerre ont droit à une défense pleine et entière, là n'est pas la question, dit-il. Le problème est l'incompatibilité avec le mandat de Droits et Démocratie. Comment avoir de la crédibilité pour défendre les droits humains quand on a défendu ceux qui les ont bafoués?»
Paul Dewar affirme que Gérard Latulippe n'a toujours pas présenté au comité permanent des Affaires étrangères ses orientations pour l'organisme. «On va le convoquer le plus vite possible, dit-il. Je veux qu'il explique non seulement le choix de M. Bourgon, mais aussi ce qu'il veut faire de Droits et Démocratie. Je suis inquiet.»


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