Des parents montréalais invoquent le récent jugement de la Cour suprême, qui a autorisé le port du kirpan dans les écoles, pour contester l'instauration d'un uniforme obligatoire dans l'école secondaire de leurs enfants dès septembre prochain.
Benoît Bergeron et son épouse Chantal Proulx, les parents de deux enfants fréquentant l'école secondaire d'Anjou, ont demandé mercredi soir à la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSPI) «d'abroger des écoles tout code vestimentaire qui restreint les droits et libertés de la personne».
«Si on permet le port du kirpan dans une école, on peut certainement permettre à mes enfants de porter autre chose qu'un uniforme», dit M. Bergeron, qui affirme baser certains de ses arguments sur la jurisprudence récente dans l'affaire du kirpan mais aussi sur la Loi sur l'instruction publique (LIP).
Les parents prétendent ainsi que «le port d'une tenue civile des uns n'atteint ni aux libertés ni aux droits des autres». Ils avancent de même que le conseil d'établissement de l'école secondaire d'Anjou, qui a accepté l'idée d'un uniforme devant entrer en vigueur en septembre 2006, «atteint aux libertés fondamentales des élèves en édictant un code vestimentaire rendant obligatoire le port de l'uniforme».
Cette affaire a démarré lorsque l'école a expédié une lettre à tous les parents, à la fin de janvier dernier, les informant que la clientèle scolaire devrait porter l'uniforme à compter de l'automne 2006. Pour «diminuer, voire éviter toute forme de discrimination ou d'inégalité financière liée à la mode» et pour faciliter «la mise en application du code de vie à l'école» afin «d'augmenter la sécurité» et aisément «identifier les intrus» ou «diminuer l'identification à certains groupes», l'école y annonçait son intention de rendre le port de l'uniforme obligatoire.
La décision, entérinée par le conseil d'établissement, prévoit que l'uniforme sera «constitué d'un ensemble de vêtements dont le style et la couleur seront choisis par un comité d'élèves» au coût de 180 $, écrit le directeur Joe Cacchione dans la lettre expédiée aux parents.
«L'uniforme n'a pas sa place dans une école comme la nôtre, malgré tous les arguments qu'ils invoquent», croient plutôt les deux parents, qui mènent seuls cette bataille. «Ici, c'est la liberté d'expression de mes enfants qui est visée, et j'entends certainement faire valoir mon point de vue», ajoute Benoît Bergeron, qui précise qu'il n'est pas nécessairement prêt à porter cette querelle devant les tribunaux mais qu'il «prendra d'autres détours et invoquera peut-être l'argument financier» pour permettre à ses enfants de conserver leur tenue de tous les jours.
Après avoir frappé à la porte de la Commission des droits et libertés de la personne et de la jeunesse, Benoît Bergeron fouille du côté de la jurisprudence et suit avec intérêt les dénouements du jugement de la Cour suprême à propos du kirpan. Rappelons que cette juridiction fédérale a sanctionné en mars dernier le port de ce symbole religieux à l'école, renversant du coup les prétentions de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui associait plutôt ce «poignard» à un symbole de violence.
L'argument des juges de la Cour suprême reposait essentiellement sur le droit à la religion et insistait entre autres sur le fait que l'interdiction totale de porter ce symbole essentiel pour les sikhs orthodoxes envoyait «le message que certaines pratiques religieuses ne méritent pas la même protection que d'autres», notait la juge Louise Charron dans le jugement.
«Je sais que le droit à la religion n'est pas du tout invoqué ici, mais je comprends de ce jugement, auquel nous faisons un clin d'oeil, que, finalement, on peut porter un peu n'importe quoi dans une école, même une arme !», a expliqué Benoît Bergeron hier. Le jugement de la Cour suprême a toutefois clairement établi que le kirpan était un objet religieux.
À la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, on expliquait hier avoir écouté mercredi soir les arguments avancés par le parent plaignant, puis convenu de se pencher sur sa demande. «La demande de M. Bergeron sera étudiée et une réponse lui sera donnée», a expliqué la porte-parole de la CSPI, Christiane Saint-Onge.
Sans présumer de cette réponse, la porte-parole a toutefois précisé qu'il était «exceptionnel» que le conseil des commissaires use d'un pouvoir qui lui est dévolu par la Loi sur l'instruction publique (LIP, article 218.2) pour renverser une décision prise par le conseil d'établissement de l'école. Selon cet article, une commission scolaire peut mettre en demeure un établissement de se conformer à la loi ou à un règlement du gouvernement pour en assurer le respect.
Quoi qu'il advienne, M. Bergeron et son épouse préviennent que leurs enfants ne porteront pas l'uniforme à la prochaine rentrée. «Si cela devait entraîner la suspension de mes enfants, comme ça s'est vu dans d'autres écoles, nous allons invoquer le droit à un service éducatif gratuit, et donc l'impossibilité de perdre ce droit sous prétexte qu'on ne porte pas l'uniforme prescrit par l'école», a prévenu M. Bergeron.
Notons qu'il a été impossible de joindre les porte-parole de l'école secondaire d'Anjou hier.
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