Des excuses lamentables

Où sont donc les "indignés de la langue"?



Ça devait arriver. On venait à peine de ranger les restes de dinde dans le frigo qu'ils se sont empressés de paraître à la télé pour présenter leurs excuses. Pas d'avoir gâché nos repas des Fêtes, ils n'y ont pas pensé, mais plutôt d'avoir vexé leurs supporteurs... Les représentants du Canadien de Montréal faisaient leur acte de contrition. Il était plus que temps. Peut-être même était-il trop tard.
Ils avaient perdu un peu de leur superbe habituelle. Pierre Gauthier, le grand chef en personne, avait les certitudes ébranlées, c'était évident, mais il était impossible de dire s'il était blessé dans le haut ou dans le bas du corps... Ce qui est sûr, c'est qu'il réalisait que son pouvoir, habituellement indiscutable, venait d'être remis en question par «le monde ordinaire», celui qui paye ses billets, qui boit de la bière, qui mange des hot-dogs en chantant les louanges de la Sainte-Flanelle et qui remplit, par la même occasion, les caisses des propriétaires, en beaux dollars du Dominion comme disait Séraphin, toujours content du spectacle qu'on lui offre même quand les joueurs, trop souvent anglophones, se traînent les pieds dans leurs bottines. Monsieur Gauthier, si sûr de lui habituellement, n'était que l'ombre de lui-même, expliquant que la prochaine fois, on ferait ce qu'il faut pour que le coach parle français... Belle résolution pour 2012, mais ça va prendre un peu plus que ça.
Pas de Molson en personne à l'horizon. Juste un émissaire visiblement chargé de réparer les pots cassés. Devant lui, des journalistes sportifs polis, peut-être épuisés par les excès du temps des Fêtes, ou des petits jeunes à l'entraînement, en l'absence des grands analystes du sport, absents pour cause de vacances et qui, trop impressionnés, n'osent pas poser les «vraies questions» à Monsieur Gauthier qui patine mollement sans jamais se faire rentrer dans la bande. On admire plutôt sa souplesse.
Honnêtement, je n'en peux plus d'entendre parler de hockey. On avait plein de sujets intéressants pour les discussions des Fêtes, mais, à la dernière minute, le hockey a pris toute la place. Je ne devrais même pas m'étonner parce qu'en fait, ça nous ressemble tout à fait. Il sera toujours plus facile de parler des commotions cérébrales des joueurs de hockey que de se demander ce que nos députés ont entre les deux oreilles!
Il aura fallu qu'un entraîneur du Canadien ne puisse pas s'exprimer en français pour soulever le Québec au sujet du traitement qu'on fait à sa langue. Les Québécois ont haussé les épaules quand ils ont appris que les réunions au sommet de la Caisse de dépôt se faisaient en anglais; ils ont détourné la tête quand ils ont appris qu'il en était de même à la Banque Nationale, car ils se sont dit que l'Office de la langue française allait s'en occuper...
Autour de la fameuse dinde des Fêtes, on aurait pu se demander s'il était normal que la même banque ait donné 603 millions de dollars en primes et bonis à ses dirigeants? Est-ce normal que les six grandes banques canadiennes aient versé collectivement 9,47 milliards de dollars en primes à leurs dirigeants et bons employés en 2011? Est-ce normal que le Canada puisse se retirer de l'engagement de Kyoto malgré que sa signature soit au bas du traité et qu'il ait été signé par un gouvernement dûment élu? Est-ce normal que de l'uranium voyage incognito entre le Canada et les USA? Est-ce normal qu'on essaie toujours de réduire ce que nous coûtent les plus pauvres mais qu'on augmente sans cesse les revenus des plus riches? Est-ce normal qu'on paye les coûts d'une grossesse in vitro pour avoir plus d'enfants en refusant d'assumer le coût de leur instruction jusqu'à l'université? Est-ce normal qu'on pense que les guignolées vont régler les problèmes de pauvreté? Est-ce normal qu'en ce début de 2012, il y ait des travailleurs en lockout par -20 degrés dans le froid et des joueurs de hockey unilingues qui gagnent plusieurs millions par année?
Est-ce normal qu'on remette la canne à pommeau d'or au capitaine d'un pétrolier allemand qui s'est ancré dans le Port de Montréal? Est-ce normal que le nombre de pétroliers voyageant sur le fleuve ait augmenté considérablement depuis la fermeture de Shell dans l'est de Montréal, ce qui a permis au Port de faire sa meilleure année depuis longtemps?
Est-ce normal de se demander ce qui se passerait si l’un de ces pétroliers se vidait de son contenu dans les eaux du fleuve? Saurions-nous quoi faire? Sommes-nous prêts à faire face à un tel désastre? Qui s’en occuperait? L’Office de la langue française peut-être? Permettez-moi d’en douter… Les indignés sont rentrés chez eux. Dommage. Ce n’est pas le moment d’abandonner.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->