Émeute à Victo

Des citoyens indignés de la brutalité policière

« Une indignation et une rage, voilà ce que je retiens de la soirée de vendredi, mais surtout, une grande admiration pour le courage démontré par les jeunes »

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise


Claude Thibodeau - Marie-Ève Doré habite Saint-Louis-de-Blandford. On la connaît notamment comme journaliste pour le journal communautaire Le réveil de Saint-Louis-de-Blandford, mais aussi pour son engagement dans le dossier du gaz de schiste. Vendredi, à Victoriaville, elle a participé à la manifestation. «Pour supporter les élèves dans leur cause que je considère juste. Mais aussi, a-t-elle confié, parce que le gouvernement fait preuve d'une arrogance inacceptable face aux revendications populaires.»
La résidante de Saint-Louis-de-Blandford n'a pas tardé à se retrouver aux premières loges de la manifestation, goûtant aux bombes lacrymogènes, comme bon nombre de journalistes d'ailleurs.
«J'ai vu, par terre, un jeune homme inconscient, celui qui a perdu un oeil. Il a fallu 30 minutes, a-t-elle déploré, avant qu'un médecin puisse le voir. Les policiers empêchaient l'ambulance de s'approcher. Ils savaient qu'il y avait un blessé, et malgré tout, ils ont chargé la foule jusqu'à presque piétiner le blessé.»
Marie-Ève Doré dit ne pas comprendre le premier ministre Jean Charest de féliciter le travail accompli. «Quand un gouvernement piétine ses propres enfants, c'est qu'il sent la soupe chaude», a-t-elle souligné.
La dame salue, par ailleurs, le courage de plusieurs personnes qui ont érigé un mur humain, tenant le coup malgré les gaz, jusqu'à ce que le blessé soit transporté plus loin.
Mardi matin, Marie-Ève Doré, lors de l'entretien téléphonique avec le www.lanouvelle.net, a fait savoir qu'il lui faudrait encore quelque temps avant de s'en remettre. «Une indignation et une rage, voilà ce que je retiens de la soirée de vendredi, mais surtout, une grande admiration pour le courage démontré par les jeunes», a-t-elle conclu, tout en ajoutant qu'elle avait aussi participé, samedi, à la manifestation pacifique organisée par les opposants au gaz de schiste. «Efficace, le service d'ordre mis sur pied par les organisateurs a permis d'éviter des débordements», a-t-elle observé.

Colère et incompréhension
Le Victoriavillois, Joé Habel, un étudiant en génie physique à l'Université Laval, a aussi vu l'action de très près. Il a même vu son ami Alexandre tomber, après avoir reçu un projectile, une balle de caoutchouc.
«Parce que nous croyons à la cause, nous sommes venus manifester. J'étais avec Alexandre et une vingtaine de connaissances. C'était ma quatrième manifestation. Nous n'étions aucunement masqués et n'avions pas de projectiles», a-t-il raconté en entrevue téléphonique.
Au départ, a-t-il mentionné, ils se trouvaient à l'avant de la manifestation, près des manifestants expérimentés. L'ambiance, au début, était calme. Et puis, des ballounes d'eau, des branches de bois, des roches et morceaux de pavé ont été lancés. Ce à quoi les policiers ont répliqué avec des gaz lacrymogènes.
Le drame surviendra alors que Joé et Alexandre marchaient en direction Est sur la route 116, de l'autre côté de la rue. Quatre voies les séparaient des policiers, a expliqué Joé Habel. «À peine quelques manifestants, tenant une banderole, se trouvaient entre nous et les policiers. Soudainement, j'ai vu Alexandre recevoir une balle de caoutchouc sur le côté de la tête, près de la tempe», a-t-il souligné.
Rapidement, des manifestants expérimentés ont porté secours au jeune homme blessé, aidant aussi les intervenants médicaux venus l'aider. «Il n'y avait plus de confrontation et malgré cela, les policiers de l'antiémeute continuaient de lancer des bombes lacrymogènes même si on ne faisait plus rien, a-t-il déploré. Nous avons été obligés à trois ou quatre reprises de déplacer Alexandre, blessé et plus ou moins conscient.»
«C'est troublant et tout cela affecte ma confiance envers la SQ» - Joé Habel
Alexandre sera finalement conduit à l'hôpital à Victoriaville, puis transféré au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. Joé Habel, lui, retournera à la maison.
En regardant la télévision, le jeune Victoriavillois ne sait plus s'il doit rire ou pleurer en entendant un officier de la SQ insinuer qu'Alexandre a probablement été touché par un manifestant. «Ces mêmes manifestants, responsables, certes, d'une partie de la violence, ont fort possiblement sauvé la vie d'Alexandre», a-t-il fait remarquer.
Joé Habel manifeste de l'incompréhension. «Je ne comprends pas. Nous étions loin. Nous n'avions aucune raison d'être visés. Nous n'étions pas équipés pour brasser. On se serait attendu à d'autres gaz, mais pas à une balle de caoutchouc. Les grenades lacrymogènes ont fait la preuve de leur efficacité. Il n'y avait aucune raison d'utiliser autre chose», a-t-il soutenu.
Le jeune homme, finalement, se dit très déçu de la tournure des événements. «C'est troublant et tout cela affecte ma confiance envers la Sûreté du Québec», a-t-il conclu.


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