De séparatistes à islamophobes

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« Il faudrait donc s’intéresser aux activistes à temps plein qui cherchent à prouver que le Québec est une terre islamophobe. Ils trouveront certainement des alliés au Canada anglais. »

Avec la disparition imminente du Parti québécois, il va devenir impossible pour le reste du Canada de dénoncer les Québécois séparatistes, dynamiteurs éventuels du Canada anglais.


Durant plusieurs décennies, cette étiquette nous a collé à la peau si bien que, pour être persona grata au Canada anglais, un Québécois devait mettre son nationalisme, même modéré, en veilleuse. Ou alors l’affirmer à ses risques et périls. Il fut une époque où des Québécois étaient incapables de décrocher des emplois prestigieux dans la fonction publique fédérale sans faire profil bas. Compte tenu de la peur que les Québécois turbulents provoquaient d’un océan à l’autre, c’était de bonne guerre, dira-t-on.


Le Canada anglais a perdu son thème favori. Il est impossible de diaboliser les séparatistes, qui n’ont plus qu’un pouvoir, non pas de nuisance, mais d’agacement épisodique.


Dénonciations


Il fallait donc que le pays retrouve une autre corde à son arc pour décrire le Québec, francophone, il va sans dire. Dans le passé, les séparatistes étaient associés au racisme. L’abbé Groulx et son nationalisme conservateur ont été étudiés avec minutie dans les universités canadiennes afin que nos compatriotes puissent fourbir leurs armes. Toute manifestation ou expression du nationalisme exacerbé était qualifiée de raciste dans les médias canadiens, même les plus sérieux.


Nous étions aussi supposément corrompus. Et sur ce thème, nos confrères se sont déchaînés. Que l’on se souvienne de la page couverture spectaculaire du magazine Maclean’s où le Québec a été décrit comme une société qui de haut en bas pratiquait la corruption systématique. Un peu plus et la mafia italienne apparaissait comme une organisation criminelle relativement bénigne comparée au Québec.


De séparatistes à racistes corrom­pus, nous voici désormais dans l’ère nouvelle de l’islamophobie. Il faut dire que notre premier ministre Couillard, avec sa tendance à poli­tiser les questions relatives à l’islam, a dérapé à quelques reprises. Il s’est ressaisi, les yeux fixés sur les sondages indiquant le recul constant du vote francophone. Une journée nationale de l’islamophobie n’est plus pertinente, a-t-il déclaré il y a quelques jours, alors que Justin Trudeau, pour sa part, est toujours en réflexion sur ce sujet.


Culpabilisation


Les Québécois subissent des accusations, les mettant constamment sur la défensive. Et puisqu’ils ont une tendance à culpabiliser rapidement, un vieux réflexe de la culture catholique d’antan, ils ont du mal à se défendre. D’ailleurs, se faire traiter d’islamophobe ou de raciste est une condam­nation sans issue.


Le rappel de la tragédie du 29 janvier 2017 à la mosquée de Québec ne doit pas être une journée d’accablement du peuple québécois. À cette occasion, tout excès de langage, toute enflure verbale, toute généralisation irresponsable seraient une atteinte à la réputation et à la dignité des Québécois.


D’ailleurs, les réactions des Québécois lors de la tuerie et dans les jours qui l’ont suivie ont été empreintes de tristesse et de sentiments d’horreur pour le geste d’Alexandre Bissonnette. Il faudrait donc s’intéresser aux activistes à temps plein qui cherchent à prouver que le Québec est une terre islamophobe. Ils trouveront certainement des alliés au Canada anglais.