De quelle sécurité est-il question ?

Sommet de Montebello - 20 et 21 août 2007



Les présidents des États-Unis et du Mexique, et le premier ministre du Canada, tiennent à Montebello une rencontre au sommet dans le cadre du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP). Ce partenariat est le résultat de pressions des milieux des affaires du Canada et du Mexique en vue de faciliter et de garantir la poursuite du commerce entre leurs pays et les États-Unis en satisfaisant l’obsession sécuritaire de l’administration Bush. Elle poursuit et intègre, tout en les élargissant, les objectifs de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et de l’Accord sur la frontière intelligente mis en œuvre après les attentats du 11 septembre 2001. De plus, elle permet d’adopter rapidement des politiques importantes – déguisées en règlement – sans aucun contrôle public.



Ces politiques sont élaborées par des comités de travail composés de hauts fonctionnaires et de représentants des grandes entreprises qui n’ont à rendre de compte à personne ; de plus, elles sont mises en œuvre principalement sous forme de règlements qui ne font l’objet d’aucun débat public et qui ne sont jamais soumis aux débats des élus au Parlement.
Et pourtant, ces ententes, littéralement dictées par le Conseil canadien des chefs d’entreprises (CCCE) et son pendant au Mexique et aux États-Unis, détermineront les politiques du Canada dans des domaines aussi vitaux que ceux des ressources hydrauliques et énergétiques – convoitées par les États-Unis, les normes environnementales et la privatisation des services publiques. Elles ont d’ailleurs déjà permis une augmentation importante des importations de pétrole aux États-Unis et remis à l’ordre du jour l’exportation de l’eau des Grands Lacs vers le midwest américain.
Cette façon de procéder en petits comités fermés et à coups de communiqués de presse prive les citoyens de leur droit fondamental à l’information. On apprend qu’après coup les décisions majeures prises en catimini. Les journalistes ne sont admis qu’à constater des états de fait.
Une sécurité dictée de l’étranger ?
Un volet qui est nouveau dans le Partenariat sur la sécurité et la prospérité, et qui n’apparaissait pas dans l’ALENA, est celui de la « sécurité ». En effet, cette entente vise une intégration plus grande des forces policières et des politiques en matière d’immigration, de contrôle et de surveillance des populations. L’introduction de documents biométriques, le partage des renseignements entre les forces policières canadiennes et étasuniennes et la mise en place d’une liste des passagers interdits de vol sont quelques-unes des mesures mises en œuvre dans le cadre du PSP.
En effet, dans le but d’élaborer une approche comparable à celle des États-Unis dans la vérification des passagers aériens, le 18 juin dernier, le Canada mettait en œuvre sa propre liste de personnes interdites de monter à bord d’un avion. Cette liste canadienne, qui comporterait environ 2000 noms, s’ajoute à la liste américaine de 45 000 noms. Une personne ne saura pas si elle est sur la liste avant de se présenter à l’aéroport et, alors, on ne lui communiquera pas les motifs pour lesquels elle s’y retrouve. Fin juin, deux garçons canadiens de familles différentes, âgés de 10 et de 15 ans, se sont vus refuser le droit de prendre l’avion parce que leur nom – Alistair Butt – figurait sur une liste. Lorsque la mère du garçon de 15 ans a voulu savoir de quelle liste il s’agissait, on n’a pas pu (ou voulu ?) le lui dire. Quand elle a demandé ce qu’elle pouvait faire, le fonctionnaire lui a tout bonnement suggéré de changer le nom de son fils !
C’est aussi dans le cadre du PSP que nous assistons à la mise en place de nouvelles mesures de contrôles frontaliers qui – ironiquement – compliquent la circulation des personnes, alors qu’on prétend favoriser la libre circulation des… marchandises ! Les journaux ont récemment rapporté le cas de plusieurs canadiens qui se sont même vus refuser l’accès au territoire des États-Unis pour des offenses mineures, commises il y a de nombreuses années, et pour lesquelles ils ont soit purgé une peine ou même obtenu le pardon.
Le PSP vise aussi une plus grande intégration et partage des renseignements entre forces policières. N’oublions pas que Maher Arar a été déporté en Syrie par les autorités américaines afin d’y être torturé sur la base de renseignements erronés fournis par la GRC. Et même après avoir été totalement lavé de tout soupçon par la Commission Arar, il est toujours sur la liste terroriste des États-Unis.
Le Partenariat pour la sécurité et la prospérité non seulement porte atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels des canadiens et canadiennes, mais sacrifie les libertés et la sécurité des Canadiens au profit de la sécurité des intérêts économiques des entreprises.
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Dominique Peschard
L’auteur est deuxième vice-président de la Ligue des droits et libertés.


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