Voilà! Le verdict est tombé en Écosse. Le remake britannique d'un film produit au Québec nous a fait revivre, du moins pour ceux qui ont vécu les référendums de 1980 et 1995, les douleurs de l'échec. Il nous ramène à notre devise collective : je me souviens. En suivant l'actualité écossaise et ce mauvais soap anglo-saxon, nous nous rappelions surtout les coups bas des fédéraux. Paradoxalement et malgré la clarté de ce nouvel échec, en Écosse celui-là, ça a restimulé les étapistes québécois. Et comme des masochistes nous n'avons jamais tiré aucune leçon de nos échecs et nous errons toujours dans nos erreurs.
Ceci dit, au Québec, pourquoi le PQ a-t-il décidé de suivre la voie référendaire? Au départ, il suffit de lire la question du référendum de 1980 afin comprendre pourquoi le PQ de l'époque souhaitait en organiser. Et la question était très claire à cet effet : négocier la souveraineté-association. Ainsi, forcer les fédéraux à négocier! Simplement.
Pourtant, il y a deux semaines, suite à la lecture de l'ouvrage de Chantal Hébert et de Jean Lapierre les Confessions post-référendaires, il est évident, clair et limpide que les fédéraux dans l'hypothèse d'un OUI sous les projecteurs auraient résisté. Les fédéraux n'auraient rien reconnu, pire ils nous auraient combattus. Ils auraient organisé leur propre référendum puis ils auraient remanipulé la population par la peur. Un peu comme en Écosse. En fait, il suffit de comparer ce que les Soviétiques ont fait avec les États baltes entre 1990 et 1992 pour comprendre l'importance du refus démocratique des fédéraux, car les similitudes sont frappantes (lois de sortie de la fédération la rendant impossible, la règle du 50% +1 non reconnue, organisation d'un deuxième référendum par le fédéral avec une question biaisée dont le seuil - lui - est de 50% +1, manœuvres politiques afin d'apeurer la population, manipulations électorales, etc). Certes, nous ne sommes pas en Union Soviétique, mais le parallèle mérite d'être souligné : les gouvernements fédéraux du monde ne veulent pas négocier. Les fédéraux canadian ne font pas exceptions. Finalement, l'adage anglais le résume bien : it takes two to tengo ; la voie référendaire est donc close!
Alors ce référendum, à quoi sert-il puisqu'il ne peut contraindre les fédéraux à négocier? Afin de crédibiliser la voie référendaire, les étapistes ont fabriqué une réponse étriquée affirmant qu'un référendum est nécessaire pour une reconnaissance internationale du Québec. Bien que les juristes internationaux sérieux ne soient pas d'accord là-dessus, il est intéressant de lire la stratégie de l'ex-premier ministre canadien à cet effet. Dans les mêmes Confessions post-référendaires, Jean Chrétien explique que les États qui composent le monde ont tous des « séparatistes » et qu'ils hésiteraient à nous reconnaitre pour cette raison à la suite d'un OUI majoritaire (p.243-244). En 1995, le Canada qui jouissait une bonne réputation internationale aurait évidemment joué cette carte. Ainsi, à l'en croire, la reconnaissance internationale viendrait des intérêts des États indépendants bien plus que d'une mécanique consultative quelconque. Et il a raison!
Mais aujourd'hui, le Canada de Stephen Harper a bien changé. Ses positions ont irrité la quasi-totalité des autres États indépendants. Il suffit de constater sa défaite « électorale » au Conseil de sécurité de l'ONU en 2010, une première historique, pour conclure qu'une majorité de pays aimeraient probablement reconnaitre le Québec afin de déstabiliser un Canada, et par la bande-son principal allié, les États-Unis, en réponse de leur politique étrangère décrite comme agressive.
De plus, il existe d'autres formes de légitimité reconnues à l'international beaucoup plus convaincantes que le choix d'une mécanique consultative. Par exemple, lorsqu'on impose une constitution sans le consentement d'une nation reconnue par ce même gouvernement fédéral; lorsqu'on vole un référendum comme le dénonce ardemment monsieur Bernard Landry, ex-premier ministre du Québec (2001-2003); lorsqu'on refuse systématiquement aux Québécois toute négociation constitutionnelle, même à des gouvernements fédéralistes, dans le cadre d'une politique de plus en plus claire d'enfermement par laquelle les fédéraux prennent tout et ne laisse que des miettes; tout ceci joue dans la balance du « droit des peuples opprimés à l'autodétermination » dicté par l'ONU.
Alors pourquoi insiste-t-on sur l'idée du référendum? Les étapistes radicaux répliquent qu'on ne peut changer de méthode parce que la voie référendaire tracée en 1980 et 1995 nous y condamne. C'est un choix historique, on ne peut pas y revenir. Suivant ce sophisme, il nous faudrait oublier non seulement le pays, mais aussi la défense des intérêts des Québécois. Parce que l'indépendance est le corolaire de la gestion de nos propres intérêts. Et pourtant le fédéral fonctionne bien lui, contre nos intérêts, et sans référendum. Pourtant la totalité des pouvoirs que nous avons récupérés du fédéral (les miettes) ne l'ont été que grâce à des actes unilatéraux et à des avocats plaidant à la Cour suprême du Canada, et non par référendum. Et la Cour suprême n'a pas tranché dans quelques rares cas en notre faveur par amour pour nous, mais bien parce que les attaques fédérales violaient leur propre constitution qu'ils nous ont pourtant imposée, faut-il le rappeler? Pire, suivant cette logique, nous devrions subir toutes ces transgressions malgré le fait que nous n'avons jamais adhéré à cette fédération via une consultation populaire, qu'elle soit référendaire ou électorale. Jamais.
Alors accorder de la crédibilité à cet argument à sens unique serait en accorder tout autant aux kamikazes étapistes, ces « patriotes de cœur » qui affirment la main sur la poitrine que si nous sommes incapables de gagner un référendum, nous ne méritons pas notre pays! En définitive, avec des souverainistes comme ceux-là, on a plus besoin de fédéralistes!
La leçon enfantine de Pierre et le loup et le PQ prophétisant la venue du pays : à force de l'annoncer, plus personne n'y croit.
La chute du PQ et du Bloc entre 2011 et 2013 est clairement associée à l'échec politique du projet, non pas à cause de l'indépendance en soi, mais bien à cause de l'impossibilité d'une victoire référendaire à moyen ou à long terme. Rien n'est plus normal. Et l'indépendance, devenue ostentatoire depuis plus d'une décennie pour ces partis, ne sert qu'une élite de carriéristes n'ayant aucune autre ambition que de prendre le pouvoir provincial sur ces convictions pour ensuite les rejeter une fois élus sur le dos de la température électoral. Ce genre de corruption idéologique que permet l'étapisme n'est possible que parce que la consultation populaire s'est dissociée du mandat électoral. L'exemple le plus pitoyable est celui de François Legault, pour qui un temps branle un budget de l'an Un du Québec indépendant réclamant haut et fort un référendum le plus tôt possible lors d'une course à la chefferie péquiste pour ensuite devenir le chef d'un parti nationaleux qui condamne son ancien groupe parlementaire de « (rêver) de pays imaginaire ». Seul l'étapisme permet ce genre de dérive. Et M. Legault n'est pas le seul, ils sont légion.
Alors que reste-t-il? Pierre Bourgault disait avec sagesse dans « Maintenant ou jamais » que le référendum a beaucoup d'avantages, « mais (que) s'il n'y a pas de référendum, il faudra bien s'y résigner (à la voie électorale) » (p.174). Or il est évident que nous n'en ferons pas de référendum. Dire le contraire tient du déni ou de l'hypocrisie. Alors la voie électorale reste l'expression démocratique par excellence au Québec, et ce depuis sa fondation en 1791. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.
Elle a surtout l'avantage de clarifier le mandat d'un parti indépendantiste puisque le bon gouvernement provincial n'y est plus possible. L'action du gouvernement servira l'indépendance. Entièrement. Mieux, elle l'établira. Mais surtout la voie électorale, seule crédible parce qu'un parti se disant indépendantiste a déjà pris le pouvoir à de multiples reprises, a l'avantage de faire fuir ces carriéristes qui paralysent le mouvement souverainiste. Ces politiciens de carrière ont horreur de la sincérité indépendantiste, comme l'ont si bien démontré ces dernières semaines les trop nombreux couteaux plantés dans le dos de Mario Beaulieu, le nouveau chef du Bloc québécois. Et ce uniquement parce qu'il souhaite relancer la souveraineté suivant la formule de 1995. Alors, imaginez l'élection!
Finalement, l'étapisme écarté, nous ne perdrions plus de temps dans de pitoyables tergiversations de dates comme on l'a vu lors des dernières élections, lors des dernières courses à la direction du PQ et, en fait, lors de la presque totalité de l'histoire du PQ depuis 1973. Le rendez-vous historique serait à tous les 4 ans. Et là les fédéraux auraient raison d'affirmer que l'élection déciderait du pays et nous, indépendantistes, nous ne feindrions plus notre option comme si nous la cachions dans une garde-robe ou une hypocrisie quelconque. Oui, voter pour des indépendantistes signifierait enfin, grâce à la voie électorale, de voter pour l'indépendance. Rien ne serait plus clair!
Il faut donc en finir avec cet optimisme coupable, cette obsession référendaire qui nous paralyse et transforme le désir du pays en « mur des lamentations ». Albert Einstein disait : «La folie, c'est se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent». L'hécatombe électorale de 2012 et 2014 n'est pas la responsabilité des indépendantistes « pressés » comme le supposent certains médias, ils ne souhaitent que proposer au peuple une option nationale, une vraie. Mais elle est bel et bien la responsabilité de ceux qui ont leurs mains sur le volant du pouvoir, ces soi-disant souverainistes obnubilés par l'étapisme rejetant une image de loosers sur une population qui a très bien compris instinctivement que si ça n'a pas fonctionné avant, et ce à plusieurs reprises, ça ne fonctionnera pas plus tard. Ni au Québec, ni en Écosse, ni ailleurs.
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