De l’antiracisme extrême

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Le silence complice des bien-pensants

Lundi dernier, lors de la victoire des Bleus contre le Nigeria, le hasard a voulu que je me retrouve dans la petite ville de Péronne, en Picardie. Cette commune de 10 000 habitants, à 150 kilomètres de Paris, est une petite ville typique du nord de la France. Malgré le chômage, son centre-ville est demeuré élégant et la ville ne semble pas trop avoir souffert de la crise. Partout, des maisons proprettes et plutôt bien entretenues accueillent le visiteur.

En ce lundi soir, c’était le calme plat. On aurait dit qu’une bombe était tombée sur la ville. À 20 h, on entendit un premier pétard. Puis ce fut l’explosion lorsqu’Antoine Griezmann compta le second but français qui scellait le sort des Nigérians. Tout à coup, le centre-ville de Péronne prit des allures de carnaval. Les drapeauxvolaient dans tous les sens et les klaxons se firent entendre jusqu’en fin de soirée.

À Paris, au même moment, les mêmes foules envahissaient les Champs-Élysées. Pourtant, malgré les explosions de joie, la police n’a eu à déplorer que très peu d’incidents. La plupart des 29 interpellations qui se sont produites ce soir-là en France ne suivaient d’ailleurs pas le match France-Nigeria, mais celui où, deux heures plus tard, l’Algérie fut défaite par l’Allemagne.

Cette soirée joyeuse, mais somme toute plutôt calme, n’a rien eu à voir avec le déchaînement de violences auquel on avait assisté le jeudi précédent lors de la qualification de l’Algérie en huitième de finale. Des incidents ont alors éclaté dans la plupart des grandes banlieues françaises, le périphérique parisien a été bloqué, la police a dû utiliser leslacrymogènes et 82 personnes ont été interpellées. À Roubaix, les pompiers ont été sauvagement agressés et un peu partout des dizaines de voitures ont flambé. Une situation que dans la plupart des pays on n’aurait pas hésité à qualifier d’émeutes.

Le lendemain, j’écoutais un animateur de Radio-Canada tenter de minimiser la casse et raconter que des incidents identiques se seraient produits si la France avait gagné. Un argument évidemment repris en boucle par la plupart des organisations dites antiracistes, qui tentèrent d’excuser ces débordements. L’argument n’aura cependant pas tenu plus de quatre jours puisque, quatre jours plus tard justement, lors de la qualification de la France en quart de finale, rien de tel ne s’est produit.
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On a là un bel exemple du caractère malsain d’un certain antiracisme pour lequel toute critique adressée au communautarisme et à certaines minorités est synonyme de racisme. Un antiracisme qui pratique le silence et le déni au prix d’être régulièrement désavoué par la réalité elle-même, comme ce fut le cas lundi. Oui, les supporteurs de l’Algérie ont fait de la casse ! Non, les supporteurs de la France n’en ont pratiquement pas fait ! Qui pourra le nier ?

Le plus étrange dans ce genre de situations, c’est que nos antiracistes extrêmes, obnubilés par leurs bonnes intentions, croient ainsi servir leur cause alors même qu’ils la discréditent. Combien de fois ces violences ethniques, comme lors des émeutes de 2005, ont-elles été « couvertes » par ces bonnes âmes sous prétexte de ne pas faire le jeu du Front national ? Or c’est exactement le contraire qui se produit. Chaque fois que les militants antiracistes se voilent la face, qu’ils se taisent par idéologie, qu’ils refusent de constater le déficit d’intégration, quand ce n’est pas le refus, ils font justement le jeu du Front national.

En répétant « Il n’y a pas de problème, circulez ! », ces antiracistes ne font qu’aggraver les choses. Le résultat de ce déni, c’est de concéder à Marine Le Pen le monopole de la parole. Car tous ceux qui ne sont pas aveuglés par le radicalisme antiraciste voient bien que, si le Front national n’a guère de solutions à proposer, il est malheureusement souvent le seul à reconnaître l’existence d’un véritable problème d’intégration et d’immigration en France.

Le silence des antiracistes radicaux a beau être bien intentionné, il n’en est pas moins coupable. Comme l’écrit si bien le fondateur du Nouvel Observateur, Jean Daniel, le Front national a « empoisonné les débats » au point d’« étouffer en nous les réactions légitimes et opportunes » (Comment peut-on être français ? — Les Belles Lettres). De peur de se faire comparer à Le Pen, toute une partie de l’intelligentsia se tait et garde le silence sur les problèmes réels de l’immigration.

Or le pacte de l’immigration n’est-il pas celui de l’intégration ? Sans intégration en échange de l’accueil généreux des immigrants, il n’y a plus de règle qui tienne. Le pacte est rompu. La règle est faussée. Rappelons que, face à une droite nationaliste et xénophobe, c’est justement la gauche qui a longtemps défendu la laïcité et l’intégration comme les seules garanties de l’ouverture à l’Autre, pour utiliser un terme à la mode. Il est étonnant d’entendre aujourd’hui qualifier ces idéaux de gauche que sont la laïcité et l’intégration de réactionnaires, voire d’ethniques, simplement parce que Marine Le Pen en a prononcé le nom.

Vendredi dernier, ce sont ceux qui refusèrent de se taire qui furent au fond les véritables antiracistes.


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