Dans les câbles

À partir du moment où elle s'engage à ce qu'un gouvernement péquiste annule toute hausse des droits de scolarité imposée par le gouvernement, Mme Marois invite clairement les étudiants à refuser tout compromis.

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012



En économie, deux trimestres consécutifs de croissance négative permettent de conclure à une récession. En politique, avec quatre hausses consécutives dans les sondages, on peut commencer à parler d'une tendance.
Même si le dernier sondage Crop-La Presse a été effectué dans les jours qui ont précédé la présentation du troisième budget Bachand, les réactions ont été trop mitigées pour qu'il ait un effet significatif sur l'opinion publique.
Le lendemain d'un budget, il suffit d'accuser le ministre des Finances d'avoir oublié la classe moyenne — un péché mortel — faire oublier tout ce qu'il peut contenir de bon. L'opposition ne s'en est pas évidemment privée.
Au cours des prochaines semaines, l'Assemblée nationale va consacrer l'essentiel de son temps à un long débat sur le budget, puis à l'examen systématique des prévisions de dépenses, qui comporte inévitablement son lot de mauvaises surprises. Rien pour améliorer la cote d'un gouvernement.
Le premier ministre Charest avait l'air préoccupé hier matin. Pendant un bref moment, il a même oublié qui était Isabelle Gaston, qui était pourtant de passage à Québec pour souligner l'annonce des nouvelles mesures visant les victimes d'actes criminels et leurs proches. Un peu plus tard, quand il a dit que son gouvernement envisageait des recours judiciaires contre le gouvernement fédéral dans le dossier Aveos, le ministre du Développement économique, Sam Hamad, a senti le besoin de préciser qu'il s'agissait plutôt de recours contre Air Canada.
Bien entendu, il peut arriver à n'importe qui d'avoir une distraction, ou même deux, mais M. Charest a toutes les raisons d'avoir la tête ailleurs et de s'interroger sur l'avenir, en particulier le sien. Il ne fait aucun doute qu'il adore son métier et qu'il souhaite être de la prochaine campagne électorale, mais sera-t-il bien raisonnable de risquer une aussi triste fin de carrière?
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Depuis septembre dernier, les intentions de vote du PLQ ne dépassent jamais les 30 % et le taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement demeure désespérément élevé. M. Charest a eu beau se résigner la mort dans l'âme à créer une commission d'enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction, multiplier les tournées de promotion du Plan Nord, tempêter contre le gouvernement Harper, rien n'y fait.
Le plus inquiétant est cette chute de la CAQ que rien ne semble vouloir arrêter. Le sondage Crop est clair: 40 % des électeurs qui désertent la CAQ se rallient au PQ, et seulement 17 % au PLQ. Assez ironiquement, le sort des libéraux et de M. Charest lui-même dépend dans une large mesure d'un homme, François Legault, dont les qualités de leader n'impressionnent vraiment pas le premier ministre.
Il est vrai que la cohésion idéologique de la CAQ laisse parfois à désirer. Hier matin, il était assez savoureux d'entendre Gérard Deltell tenter d'expliquer à un animateur de radio de Québec réputé pour ses convictions de droite que ses propres positions sur la loi fédérale C-10 et l'exploitation des gaz de schiste n'étaient pas diamétralement opposées à celles de son chef. Son interlocuteur était pour le moins sceptique.
En juin, le gouvernement Charest arrivera à la moitié de la quatrième année de son mandat. Si rien n'a encore bougé dans les sondages, il faudra aussi oublier la fenêtre de l'automne. On entrera alors dans la cinquième année. La commission Charbonneau a beau s'enfarger avec une impressionnante régularité, elle finira bien par démarrer. Au moment où les témoins les plus embarrassants comparaîtront, le gouvernement se trouvera prisonnier du calendrier.
S'il veut laisser un peu de marge de manoeuvre à son éventuel successeur, il devra prendre une décision rapidement. Son expérience au Parti conservateur lui a certainement appris à quel point un départ trop tardif peut être dommageable.
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Maintenant que son adversaire est dans les câbles, Pauline Marois n'entend lui donner aucune chance de récupérer. Le bras de fer qui oppose le gouvernement aux associations étudiantes est peut-être l'occasion de lui donner le coup de grâce.
La chef péquiste s'est indignée du «mépris» que la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, manifeste envers les étudiants. À la veille de la plus grande manifestation depuis le début du mouvement de grève, son appel au dialogue équivalait toutefois à jeter de l'huile sur le feu.
À partir du moment où elle s'engage à ce qu'un gouvernement péquiste annule toute hausse des droits de scolarité imposée par le gouvernement, Mme Marois invite clairement les étudiants à refuser tout compromis.
Bien entendu, elle refuse de donner la moindre indication sur ce qu'elle pourrait elle-même proposer à l'occasion du grand sommet sur l'enseignement supérieur que le PQ convoquerait une fois au pouvoir. Il est facile de promettre «un mode de financement acceptable pour toutes les parties», mais on ne l'a jamais trouvé.
La manoeuvre est habile, mais elle est également risquée. L'opinion publique manifeste présentement une certaine sympathie pour le mouvement étudiant, d'autant plus qu'elle en a peu pour le gouvernement. La patience de la population a cependant des limites. Si les excès se multiplient, encouragés tacitement par le PQ, elle pourrait bien changer d'avis.


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