La Banque du Canada a été au bout de son arsenal conventionnel. Le temps que la baisse de 400 points de base de son taux directeur fasse pleinement effet, et devant l'inefficacité des réaffectations ciblées de liquidités dans le marché financier, la banque centrale s'engage dans la non-orthodoxie. Tout est désormais sur la table!
La Banque du Canada ne s'en cache pas. Elle a été surprise par l'ampleur et la vitesse de la détérioration de l'activité économique. Il y a eu brisure ou cassure au quatrième trimestre de 2008, entraînant une dégradation rapide. Ayant épuisé son arsenal conventionnel, la banque centrale passe à un autre régime en ouvrant la porte à une série d'actions non orthodoxes. Octroi direct de crédit et recours à des mesures quantitatives visant un accroissement de la masse monétaire pouvant être massif sont désormais dans les cartes. Tout est sur la table, pour éviter qu'on ne s'en remette à imprimer directement l'argent. L'utilisation pure de la planche à billets reste le recours ultime qu'on pense pouvoir éviter. Mais il faut, pour cela, que le système financier retrouve sa stabilité.
L'état de santé de l'économie s'est fortement détérioré depuis les dernières prévisions officielles de la Banque du Canada. Encore à la mi-février, le gouverneur Mark Carney réitérait ses prévisions, que d'aucuns qualifiaient d'optimistes, prévoyant une contraction de 1,2 % du PIB canadien en 2009 suivie d'une forte reprise, de 3,8 % en 2010. Il faudra revoir tout cela. Tout indique cependant que la révision ne portera pas tant sur la vigueur attendue de la reprise que sur le moment où elle s'amorcera. L'on entrevoyait l'atteinte d'un plancher au troisième trimestre suivie par un renversement de tendance au quatrième. Le tout pourrait être décalé d'un trimestre. Le prochain Rapport sur la politique monétaire, à paraître au début d'avril, sera plus loquace.
Cela étant, et même si beaucoup a été fait depuis un an et demi maintenant, la Banque du Canada s'attend visiblement à d'autres mois difficiles. Surtout, la grande inconnue demeure cette stabilisation du système financier aux États-Unis qui tarde et que les analystes de la banque centrale ne parviennent pas à modéliser. Dans l'attente, tout sera fait, promet-on à la banque centrale.
Depuis décembre 2007, l'assouplissement monétaire s'est traduit par une baisse cumulée de 400 points de base du taux cible à un jour, le taux directeur de la Banque étant désormais à 50 points. Le communiqué de la banque centrale émis mardi précise également que l'«on peut s'attendre à ce que le taux cible du financement à un jour demeure à ce niveau ou à un niveau inférieur au moins jusqu'à ce que des signes évidents montrent que l'offre excédentaire se résorbe». Puisque ces signes probants de relance ne sont pas anticipés avant le premier trimestre de 2010, des pressions à la baisse s'exercent sur l'ensemble de la courbe de rendement, avec les taux de six mois et d'un an se rapprochant de ceux du taux cible. Un allégement que souhaite également l'institution fédérale.
À cet assouplissement sous forme de réductions du loyer de l'argent s'ajoutent des interventions répétées de la banque centrale depuis un an et demi afin d'alimenter les marchés financiers en liquidités. Les interventions consistaient à réallouer les liquidités existantes, en retirant des liquidités sous forme d'emprunts pour les réinjecter de manière précise ou stratégique, là où la banque souhaitait obtenir l'effet stimulant. Ce jeu d'allocation et d'arbitrage consistant à recycler les liquidités existantes dans le système n'a pas produit les retombées escomptées.
La Banque du Canada se dit donc prête à passer à un degré supérieur d'intervention, ouvrant la porte à d'autres mesures plus «agressives». La Réserve fédérale en est déjà là, et l'inspiration vient de l'expérience japonaise. La suite des choses implique un taux directeur ramené en définitive à zéro et l'octroi direct de crédits, notamment sous la forme d'achat d'obligations et de papiers commerciaux émis par les entreprises, comme cela s'est pratiqué aux États-Unis, qui a vu la Réserve fédérale étendre aussi son champ d'action au crédit à la consommation. Ici, la banque centrale joue le rôle de banque de dernier recours. Poussant plus loin, une véritable politique quantitative impliquerait une injection massive de liquidités provoquant un accroissement, voire un gonflement de la masse monétaire, et une tombée du taux cible à un jour à zéro.
L'étape ultime reste le recours pur et simple à la planche à billets, une étape que l'on veut éviter en raison de ses effets déflationnistes et de dilution. Nous sommes d'ailleurs loin de là. L'assouplissement monétaire, l'intervention énergique des banques centrales et les plans de relance multimilliardaires... Les doigts sont croisés, dans l'espoir d'une stabilisation imminente du système financier mondial.
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