Quelques considérations sur la crise russe (et aussi sur celle américaine). Tout d’abord, il parait évident que la crise financière russe est totalement fabriquée par les USA pour des motifs géopolitiques et économiques (et d’ailleurs à ce sujet, je n’ai entendu aucun « libéral » hurler contre la distorsion du « marché libre »). Les fondamentaux russes ne justifient en aucune façon un tel effondrement de la monnaie russe : des finances étatiques saines, une dette publique très basse, de grosses réserves en devises étrangères et en or (et il s’agit véritablement du métal or et nonpas de papier).
Tout a commencé par la forte baisse du prix du pétrole voulue par les Saoudiens (voir les articles sur le récent sommet de l’OPEC), probablement sur demande des USA. En même temps que le prix du pétrole s’effondrait, la même chose se produisait avec le rouble qui a chuté de façon vertigineuse le 16 décembre, avant de connaitre une trêve le lendemain. Cela pourrait laisser penser que cet effondrement concentré sur un seul jour est davantage dû à la vente à découvert de roubles suivie le lendemain d’une récupération des bénéfices, qu’à une véritable « fuite de capitaux » de la Russie (mais je peux aussi bien me tromper sur ce point : l’alchimie du marchés des valeurs est complexe et il peut s’être passé tout autre chose… mais cette hypothèse me parait tout de même la plus convaincante).
Quelles conséquences pour la Russie de l’écroulement du pétrole accompagné de celui du rouble ?
Du point de vue de la balance commerciale russe, le double effondrement est plutôt bénéfique : si le prix du pétrole s’effondre de 40 % mais qu’en même temps le rouble baisse fortement par rapport au dollar, l’État inscrira au bilan plus ou moins le même chiffre. Donc, aucun effet sur les finances publiques de l’État.
Il y aura certainement une augmentation de l’inflation, mais tempérée par la substitution par des produits indiens, chinois ou sud-américains.
Les produits occidentaux de haut de gamme deviendront très chers, et donc, sous cet aspect, il y aura certainement un mécontentement de la classe moyenne russe naissante : et c’est sans doute là-dessus que compte Obama.
Quelles conséquences pour les pays occidentaux ?
Il y en aura de plusieurs types :
Pour les USA, les effets resteront très modestes pour ce qui est de la balance du commerce extérieure : les échanges commerciaux USA-Russie n’ont jamais été très importants.
La chute du prix du pétrole aura en revanche de grosses conséquences sur l’industrie pétrolière nord-américaines si les prix ne remontent pas. En particulier sur l’industrie du « Fracking » (fracturation hydraulique pour le gaz de schiste – NdT) qui sera totalement sapée par des prix du pétrole aussi bas.
L’effondrement de l’industrie du Fracking créera des problèmes également dans le secteur financier aux Etats-Unis, car celui-ci est fortement exposé avec les entreprises de ce secteur. Pour l’Europe en revanche, il y a aura de gros problèmes au niveau de la balance commerciale, la Russie étant un client très important qui a beaucoup perdu dans ce rapport euro/rouble, en plus des sanctions économiques. Cela aggravera énormément la crise en Europe, et en particulier en Italie et en Allemagne.
Pourquoi cette soudaine guerre économique ?
L’équilibre a été brisé en tout premier lieu par l’accord Russie-Turquie pour la construction d’un gazoduc qui remplacera le « South stream ». En pratique, l’Europe devra désormais traiter avec le « sultan » Erdogan, qui s’est assuré 60 milliards de m3 de gaz par an (il en suffit de 16 pour son pays). En somme, il revendra à l’Europe le gaz du Tsar Poutine. A noter qu’après l’annonce de l’accord, tout le monde s’est précipité à Istamboul, à commencer par Matteo Renzi et Federica Mogherini, ou encore le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, tous prêts à promettre à la Turquie l’entrée dans l’Union européenne. Mais ils ne sont plus crédibles après quinze ans d’humiliation subie par la Turquie sur ce sujet. En effet, les promesses européennes doivent être tombées à plat vu la rhétorique utilisée continuellement par les Occidentaux à propos du « dictateur Erdogan », un peu comme la rencontre Lavrov-Kerry qui s’est plutôt mal passée dernièrement à Rome. En fait, c’est précisément le lendemain que s’est déchainée la tempête sur les marchés financiers. Une arme somme toute émoussée et surtout à double tranchant. Mais nous en verrons d’autres, de ces opérations hasardeuses, dans cette partie d’échecs mortelle.
Aujourd’hui, Obama répond au partenariat turc de Poutine par le rapprochement avec Cuba. C’est peut-être pour ne pas se retrouver un jour sous le feu rapproché de missiles russes voyageant à Mach-7 et tirés depuis le jardin d’à côté. C’est surtout la fin d’une situation liée à l’ancienne Guerre froide, mais qui peut parfaitement être utilisée dans le cadre de la nouvelle Guerre froide d’aujourd’hui.
En somme, une situation plutôt complexe qui touche les quatre coins du globe, et qui portent sur différents aspects commerciaux, financiers, géopolitiques et militaires. Et ceux qui simplifient à outrance ne sont que des imbéciles (toute allusion à différents économistes n’est pas fortuite).
Giuseppe Masala
Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
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