Crise avortée

Un ministre auto-embarrassé...



Le Dr Bolduc trouvait-il son été trop calme? D'habitude, les ministres de la Santé se contentent d'éteindre les feux, en croisant les doigts pour qu'il n'en éclate pas trois en même temps dans le réseau. Yves Bolduc, lui, a créé une crise de toutes pièces avec les cliniques d'avortement privées. Un dérapage qui aurait facilement pu être évité.
Il suffit de revoir le film des événements pour s'en rendre compte. Lorsque Le Devoir annonce, vendredi dernier, que la clinique L'Alternative cessera de pratiquer des avortements en septembre, on est encore bien loin d'une crise. Un conflit, tout au plus. Les autres cliniques d'avortement dénoncent les exigences requises pour obtenir leur nouveau permis en vertu de la loi 34. Si Québec s'entête à leur imposer des normes inutilement élevées, elles devront fermer.

Sauf qu'à ce stade-ci, le ministre a encore beaucoup de marge de manoeuvre. La date butoir est dans plus d'un mois. Il a le temps d'étudier la question, de consulter des experts - un environnement de type bloc opératoire est-il vraiment indispensable? Ce jour-là, c'est une porte-parole du Ministère qui répond aux médias. Si l'avortement est couvert par la loi 34, c'est à cause d'une recommandation du Collège des médecins, dit-elle.
Le Dr Bolduc se prononce le lendemain, en marge du congrès des jeunes libéraux. Il dit que les normes ne peuvent pas être changées, plaide l'importance de la qualité des services, ouvre la porte à un soutien financier pour les cliniques. En aucun temps il ne rectifie le tir sur la supposée recommandation du Collège. Et voilà! La situation, qui était jusqu'ici parfaitement gérable, vient de se transformer en crise majeure. Et le ministre ne doit s'en prendre qu'à lui-même.
Quand on confie la Santé à un médecin, on s'attend à ce qu'il navigue avec une certaine aisance dans le système. On ne lui demande pas de connaître les normes de ventilation nécessaires pour pratiquer des avortements. Mais on aimerait, quand il évoque des exigences de qualité et de sécurité, qu'il sache de quoi il parle. Hélas, le Dr Bolduc était complètement dans le champ. Il a fallu que le Collège et des médecins pratiquant en milieu hospitalier sortent sur la place publique pour qu'on ait enfin l'heure juste.
Non seulement le Collège n'a-t-il jamais demandé que les avortements soient encadrés par la loi 34, mais il trouve ses exigences excessives. D'ailleurs, une bonne partie des interventions effectuées dans les hôpitaux et les CLSC se font dans des conditions semblables à celles des cliniques privées, et non dans un bloc opératoire. Le Dr Bolduc n'aurait même pas dû être pris au dépourvu. Au printemps déjà, les fédérations de médecins avaient prévenu que la loi 34 découragerait certains de leurs membres de faire des avortements en clinique.
Le ministre se montre maintenant ouvert à assouplir ses normes. Bravo. Mais il aurait pu arriver aux mêmes conclusions plus tôt, et sans se mettre dans l'embarras, s'il avait pris la peine de se renseigner.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé