CHARTE DE LA LAÏCITÉ

Couillard rompt une promesse électorale

Les avis juridiques portant sur certains aspects du projet de loi 60 ne seront pas divulgués

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Déjà les cachotteries

Québec — S’il n’existe pas un avis juridique embrassant l’ensemble du projet de loi 60 sur la charte de la laïcité, les juristes du ministère de la Justice ont tout de même rédigé pour le compte du gouvernement péquiste des avis juridiques traitant de différentes dispositions de ce projet de loi. Or, rompant avec un engagement électoral de Philippe Couillard, le gouvernement libéral n’entend pas les rendre publics.
Au cabinet de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, on a confirmé que les juristes du ministère avaient produit des avis juridiques sur des éléments du projet de loi 60. Ces avis juridiques portaient sur des points très précis « qui peuvent avoir un lien avec le projet de loi, oui », a indiqué l’attachée de presse de la ministre, Marie-Pier Richard.
« On s’est engagés à dire que, s’il y avait des avis juridiques sur l’ensemble du projet de loi, sur le projet de loi, on les rendrait publics. Là, il n’y en a pas », a-t-elle précisé.
Pas question de dévoiler les avis juridiques portant sur des éléments spécifiques du projet de loi 60. « Non, ils ne seront pas rendus publics », a affirmé Marie-Pier Richard.
En campagne électorale, Philippe Couillard n’avait pas fait ce genre de distinction, s’engageant à dévoiler le ou les avis juridiques portant sur la charte de la laïcité. « En toute transparence, effectivement, lorsqu’on arrivera au gouvernement, si les Québécois nous font confiance, ces avis seront publiés », avait déclaré le chef libéral le 4 avril.
Dans une lettre rédigée à la demande de la ministre de la Justice le 30 avril dernier et rendue publique par cette dernière, la sous-ministre Me Nathalie G. Drouin écrit qu’« il n’y a eu aucun avis juridique formel rédigé par le ministère de la Justice sur la constitutionnalité et la légalité de l’ensemble des dispositions du projet de charte de la laïcité ». Dans cette lettre finement ciselée, la sous-ministre évite toutefois d’affirmer qu’il existe ou non des avis juridiques sur des éléments du projet de loi 60. Une règle non écrite de l’institution qu’est le ministère de la Justice veut que le gouvernement ne rende pas publics ses avis juridiques ni ne confirme s’ils existent ou non.
La sous-ministre reconnaît en revanche que les juristes du ministère ont été consultés sur des questions touchant la charte de la laïcité, comme l’égalité entre les femmes et les hommes, la liberté de religion et le recours à la clause dérogatoire. Mais elle ne précise pas si ces consultations se sont conclues par la rédaction d’opinions juridiques.
Mardi, le ministre péquiste qui était responsable de la charte de la laïcité, Bernard Drainville, tiendra une conférence de presse pour répliquer aux affirmations de Stéphanie Vallée qui a accusé le gouvernement péquiste d’avoir « manqué de sérieux » en présentant le projet de loi 60 sans avoir fait « un travail rigoureux ». Lundi, l’ancien ministre a refusé d’avoir un entretien avec Le Devoir à ce sujet.
L’avis d’Henri Brun
Outre des avis juridiques produits par le ministère de la Justice, le gouvernement Marois avait en main l’avis d’Henri Brun, un document de sept pages dont Le Devoir a obtenu copie. Ainsi, le juriste ne s’est pas contenté de livrer oralement son avis.
Cet avis porte sur le mémoire, daté du 8 avril 2013 et présenté par Bernard Drainville au Conseil des ministres. Ce mémoire concernait non pas le projet de loi 60, mais le projet de charte des valeurs qui l’a précédé.
Dans cet avis juridique, Henri Brun, tout en approuvant les orientations gouvernementales, se montre critique de certains éléments qui se sont retrouvés, par la suite, dans le projet de loi 60. C’est le cas du terme « ostentatoires », associé aux signes religieux, qu’il suggère de remplacer par « visibles ».
De plus, l’interdiction faite à tous les fonctionnaires de porter des signes religieux ostentatoires lui apparaît trop large. « On peut toujours penser, enfin, que l’application de la norme à tous les fonctionnaires tout comme le choix de la visibilité pourraient être jugés invalides parce que ne portant pas à la liberté de religion une atteinte minimale. Les tribunaux ont tendance à préférer l’imprécision à l’intrusion », écrit le juriste.
Henri Brun estime que la charte de la laïcité aurait eu des chances de passer avec succès le test des tribunaux, la jurisprudence de la Cour suprême ayant évolué depuis peu « de manière à permettre au gouvernement du Québec de prétendre de façon assurée que les orientations que révèle le présent mémoire sont constitutionnellement valides ». À la fin de son avis, l’expert émet toutefois de sérieuses réserves : « Mais dans tous les cas, bien sûr, les tribunaux pourraient parvenir à la conclusion que la mesure, telle que retenue, est trop intrusive en ce qu’elle porte atteinte à la liberté de religion plus qu’il n’est raisonnablement nécessaire de le faire. Ainsi va le chartisme. »


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