Corruption et cie

Le double mandat de la GRC

Canoe.ca
05/10/2012 09h15
Jacques Lanctôt
La corruption, les pots-de-vin, les fausses factures, les petits et gros extras, on savait tout cela. Le témoignage de Lino Zambito est venu corroborer la rumeur publique, nos doutes, les ouï-dire, les affirmations off record.
On savait tous, sauf le maire Tremblay, qu'on paie 10, 20, 30% de plus sur les travaux de voirie, d'aqueduc, de construction. On savait tous, sauf le maire Tremblay, que l'asphalte coûte plus cher ici que de l'autre côté de la frontière étasunienne.
On savait tous, sauf le maire Tremblay, que les entrepreneurs s'en mettent plein les poches et que la mafia joue un rôle primordial dans l'attribution des contrats lucratifs, grâce à son copinage avec le pouvoir politique.
Et avant eux, avant les Zambito et cie, il y en a eu d'autres. L'autoroute des Cantons de l'Est, si je me souviens bien, a été refaite à plusieurs reprises, en raison de la mauvaise qualité de l'asphalte qu'on utilisait, et les noms des entrepreneurs n'avaient pas une consonance italienne à l'époque.
Ce qui me choque et m'inquiète, surtout, c'est pourquoi la GRC n'a pas dévoilé plus rapidement les crimes de collusion et de corruption que l'on découvre avec la Commission Charbonneau. La GRC est une police politique, cela ne fait aucun doute, et si elle n'a pas révélé plus rapidement ces méfaits commis à grande échelle, c'est nécessairement pour protéger ceux qui sont au pouvoir, à Ottawa comme à Québec, du temps du gouvernement libéral de Charest.
Car les renseignements que contiennent les centaines d'heures d'écoute électronique ou de vidéos démontrent de façon éloquente qu'il y a collusion entre le milieu de la construction et la mafia. Sous le prétexte de ne rechercher que les renseignements pertinents reliés au crime organisé - blanchiment d'argent, drogue, paris illégaux, prostitution, monopole alimentaire (fromage, crème glacée, etc.), la GRC a omis délibérément de signaler aux autorités compétentes tout ce que révèle, jour après jour, à la manière d'un mauvais feuilleton, la Commission Charbonneau. Pourquoi?
Le sergent à la retraite de la GRC, Mark Bourque, a été assassiné en décembre 2005, en Haïti, alors qu'il s'était porté volontaire pour une mission humanitaire dans ce pays. J'avais rencontré cet agent de la GRC quelque temps auparavant, alors qu'il préparait un film, avec la cinéaste Carmen Garcia, sur « Montréal, capitale du blanchiment d'argent ». Il était intéressé à publier un livre sur le même sujet.
J'étais passablement nerveux car je n'ai pas l'habitude de pactiser avec la police. J'avais proposé d'aller le rencontrer dans ses bureaux de la GRC, à Westmount, mais il avait préféré me rencontrer dans mon petit bureau d'édition - il y serait plus à l'aise - et j'imaginais que mon bureau était peut-être truffé de micros et de caméras cachées, comme l'était le café Cosenza, mais pour d'autres raisons.
Car Mark Bourque appartenait justement à un corps policier qui avait pour mission, entre autres, de défendre coûte que coûte l'unité du Canada. René Lévesque n'avait-t-il pas fait l'objet d'une surveillance continue jusqu'à sa mort de la part de la GRC, car dans les filières de ce corps policier, il était classé comme « un danger à l'unité canadienne » au même titre que moi!
La rencontre fut des plus cordiale. Il m'apprit qu'il avait travaillé depuis des années à infiltrer les milieux de la mafia au Québec. À ce titre, il avait accumulé des montagnes de preuves contre des dirigeants mafieux, des dirigeants d'entreprise et des hommes politiques et il avait même rencontré le juge italien Giovanni Falcone, avant que celui-ci ne périsse dans un attentat, en Sicile, en 1992. Il me révéla plusieurs faits qui font aujourd'hui apparaître les déclarations de Lino Zambito comme de la petite bière.
(À suivre).


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