Compétition désordonnée

Ce qu'ils veulent aussi, en allant jusqu'à évoquer la Constitution, c'est reconquérir une partie du vote francophone au Québec

Conseil de la fédération - les "fruits amers"...


On assiste depuis quelque temps à une compétition nationaliste chez les partis politiques québécois. Ce n'est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière. Mais celle-ci est totalement désordonnée. Attention : encore un peu et on pourra parler de bête surenchère électorale.
Le dernier exemple en date est celui du Parti libéral du Québec. Le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a proposé d'enchâsser une "Charte du fédéralisme d'ouverture" dans la Constitution canadienne. Son objectif déclaré est de mieux asseoir les pouvoirs du Québec.
Dans son esprit, ce document devrait reconnaître la spécificité québécoise - une notion qui a semé un émoi irrationnel dans le reste du pays il y a 20 ans, à l'époque de Meech.
Est-ce que les Canadiens accepteront un jour que le mot "nation", désormais agréé par une motion de la Chambre des communes, fasse son entrée dans la Constitution canadienne, même par une toute petite porte ? Pas sans l'ouverture d'une véritable ronde de négociations constitutionnelles en tout cas. Au mieux, il pourrait donc s'agir d'un objectif à très long terme.
Pour le gouvernement du PLQ, cette éventuelle charte devrait également réaffirmer les compétences des provinces et du gouvernement canadien, ce qui serait une façon de limiter le "pouvoir fédéral de dépenser". C'est du moins ce qu'espère le ministre Pelletier.
Rendu tout-puissant par ses indécents surplus budgétaires, Ottawa ne s'est pas gêné pour envahir les champs de compétence des provinces au fil des ans. Le "règlement" du déséquilibre fiscal, qui est en vérité fort partiel, ne suffit pas et ne suffira pas à rétablir l'équilibre politique.
Mais pourquoi vouloir inscrire dans ce lointain projet de charte les pouvoirs des différents gouvernements alors qu'ils figurent déjà dans la Constitution ? Et pourquoi, surtout, vouloir les inclure dans une charte qui serait enchâssée dans la Constitution, sachant qu'un tel scénario ne se réaliserait pas avant plusieurs années au moins ?
Le règlement de cette question est urgent.
Ce que veulent les libéraux provinciaux en avançant de la sorte, c'est bien sûr de forcer la main aux conservateurs de Stephen Harper. De les obliger à agir vite.
Ce qu'ils veulent aussi, en allant jusqu'à évoquer la Constitution, c'est reconquérir une partie du vote francophone au Québec. Ils estiment - à tout le moins M. Pelletier - que c'est en plaçant la barre le plus haut possible dans les relations fédérales-provinciales qu'ils peuvent espérer marquer des points au Québec.
Voilà pourquoi les initiatives du genre se multiplient depuis quelque temps. Pensons, par exemple, au projet de Constitution québécoise. "Aux projets", faudrait-il plutôt écrire.
La formation de Mario Dumont en a lancé l'idée, même si elle n'a pas le moins du monde défini ce qu'elle veut. Le Parti québécois, par la voix du député Daniel Turp, a emboîté le pas à l'ADQ. Le Parti libéral, qui s'est d'abord montré réticent, a ensuite estimé que ce serait une bonne chose de suivre cette direction...
Honnêtement, on ne voit pas tellement à quoi, concrètement, servirait une Constitution québécoise dans le contexte fédératif canadien, mais il n'y a pas vraiment de raison de s'y opposer non plus. Il faudra juger sur les contenus.
Ce que l'on doit réaliser, c'est que chacun des trois partis représentés à l'Assemblée nationale tente de rivaliser sur le terrain nationaliste dans l'espoir de se faire bien voir des électeurs. C'est ce qui donne cette compétition désordonnée face à Ottawa.
En bout de ligne, c'est le sérieux des projets présentés et la crédibilité des partis et des chefs qui feront la différence. Souhaitons-le en tout cas.


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