Combattre la loi 101 avec de l'argent public - Courchesne défend les commissions scolaires anglophones

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême

Robert Dutrisac - Québec -- La ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Michelle Courchesne s'est portée hier à la défense des commissions scolaires anglophones qui ont financé la contestation réussie de la loi 104, cette loi qui était destinée à colmater une brèche dans la loi 101 et qui a été invalidée la semaine dernière par la Cour suprême.
«Si ces élus, à titre de commissaires de communautés anglophones, veulent défendre les droits de leur population en leur âme et conscience, ce n'est pas à nous d'en juger», a fait valoir Michelle Courchesne à l'Assemblée nationale.
Lors de la période de questions, le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et de langue, Pierre Curzi, a demandé: «Pourquoi la ministre a toléré que de l'argent public soit utilisé pour contester et combattre la loi 101?»
En mars 2008, il fut révélé que cinq des neuf commissions scolaires anglophones, réunies sous la Québec English School Board Association (QESBA), avaient contribué à hauteur de 200 000 $ pour la contestation de la loi 104, menée par l'avocat Brent Tyler devant la Cour suprême. La QESBA estime aujourd'hui que c'est une somme 100 000 $ qui a finalement été versée.
Adoptée en 2002 à l'unanimité par l'Assemblée nationale, la loi 104 empêchait qu'un bref passage dans une école privée de langue anglaise suffise pour qu'un enfant obtienne le droit de poursuivre ses études en anglais dans le réseau public ou dans une école privée subventionnée. La Cour suprême a jugé inconstitutionnelle la loi 104, reconnaissant le droit aux parents francophones ou allophones qui en ont les moyens de payer l'école anglaise à leur progéniture.
En 2008, la réaction de la ministre Courchesne avait été toute différente. Plutôt que de défendre les commissaires, elle s'était inquiétée du fait que les commissions scolaires anglophones puissent utiliser des fonds publics pour contester la loi 104. «Cette question soulève des questions très certainement», avait-elle dit à l'Assemblée nationale. La ministre avait demandé par la suite des avis juridiques sur cette question.
L'opposition officielle a tenté d'obtenir ces avis juridiques par la voie d'une demande d'accès à l'information, a indiqué M. Curzi. Sans succès, puisque les avis juridiques ne sont pas visés par la Loi sur l'accès à l'information. On se demande d'ailleurs pourquoi l'opposition officielle, par ailleurs aguerrie, a fait une telle requête inutile.
La ministre, qui avait manifestement pris connaissance de ces avis juridiques, a signalé que les commissions scolaires touchaient des revenus autonomes -- les taxes scolaires -- et que la somme de 100 000 $ qui a servi à la contestation était minime. «Ça fait partie des valeurs de notre société: des élus peuvent défendre les droits de leur population», a déclaré Mme Courchesne.
Quelles soient anglophones ou francophones, les commissions scolaires tirent en moyenne 15 % de leurs revenus d'une taxe foncière, donc perçue localement auprès de l'ensemble des propriétaires. Plus de 75 % de leurs revenus proviennent du ministère.
Interrogée par le député de Borduas, la ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, a indiqué que des équipes du ministère de l'Éducation, du ministère de la Justice et du Secrétariat à la politique linguistique, qui relève du ministère de la Culture et des Communications, étaient «au travail pour trouver une solution et voir comment nous pouvons répondre à ce que la Cour suprême nous dit».
Hier, les parlementaires libéraux se montrés respectueux de la Cour suprême et de son jugement. Ils n'ont pas voulu «dénoncer» la décision de la Cour comme le souhaitait l'opposition officielle, qui a présenté la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale du Québec réitère la position défendue par tous les gouvernements du Québec depuis l'adoption unanime de la loi no 104 en 2002, et qu'elle dénonce la décision rendue par la Cour suprême du Canada invalidant les dispositions de cette loi.»
Lors du débat portant sur cette motion, le député de Verdun, Henri-François Gautrin, a proposé, au lieu du mot «dénonce», celui de «prend acte». Mais l'opposition l'a jugé insignifiant.
Se disant «consternée» et «outrée» par ce jugement de la Cour suprême, la députée de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, Véronique Hivon, a suscité les protestations des libéraux quand elle a dénoncé «ces juges nommés par la nation canadienne», par le gouvernement fédéral, qui viennent «décider d'éléments aussi fondamentaux» pour la survie de la langue française et de la nation québécoise. La députée a rappelé la position constitutionnelle du Parti libéral du Québec, définie dans le rapport signé par Benoît Pelletier, qui veut que le Québec puisse nommer des juges à la Cour suprême.
C'est aujourd'hui, après la période de questions à l'Assemblée nationale, que la motion devrait être rejetée par la majorité libérale.


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