Freins et lueurs souverainistes

Chassons nos peurs, et soyons souverains

Harpeur m'a guéri de la peur de séparatistes

Tribune libre 2010



La peur fait des miracles, là où la volonté ne cesse d'échouer.
Malgré de bonnes intentions et de solides amitiés, je n'aurais pensé devoir
un jour envisager le pire, ou le meilleur selon certains : l'éclatement du
Canada et la constitution du Québec. Depuis fort bien longtemps, le Canada
me fascinait. La paix, la dignité universelle, l'ouverture de soi sur le
monde et sur autrui, la justice et la solidarité internationales. Ces
attraits sont également québécois. Mais le Canada est plus grand aux yeux
de mon monde que le Québec. Jusque récemment encore, j'y croyais.
Et voici qu'en quelques années de règne, Harper me fait si peur que j'ai
peur du Canada. La paix brûle en Afganistan, l'assistance aux victimes de
guerre gèle en Palestine, la démocratie s'évapore aux communes, la
compassion envers des citoyens en détresse à l'étranger vire en
sous-traitance de persécution, la justice internationale se plie aux
dictats de criminels immunisés. Le Canada ne rapatrie pas des criminels, il
expatrie même des citoyens le moindrement suspectés d'être de mèche avec
les confréries de la violence. Ainsi, Ronald Ellen Smith est ignoré
derrière la ligne verte aux USA alors que Omar Kader est maintenu à
Guantanamo, Maher Arar est sous-traité aux américains pour être détenu et
torturé en Jordanie et en Syrie, les prisonniers afghans sont livrés à
leurs frères ennemis, etc. Les droits des vivants ne sont pas les seuls
violés par le Canada d'aujourd'hui. Les soins à la terre sont réservés aux
vers de terre, l'information et la culture universelle sont réduites et
soumises à sa foi religieuse. Produire le pétrole et l'argent des riches,
constitue sa seule et stérile passion. Qui reconnaît le Canada d'avant
Chrétien dans le visage politique d'aujourd'hui et des dernières années ?
Peut-il y avoir pire à nous faire plus peur ? Pour les souverainistes, je
crois que c'est plutôt différent. Leurs peurs sont d'une tout autre nature.
Les peurs de Québecois.
Les Québécois n'ont pas tous une peur bleue de Harper. Ils le croient
passager. Plutôt les fédéralistes québécois ont peur des souverainistes
séparatistes, inversement les souverainistes ont peur des fédéralistes.
Doublement avec raison. Ils ont peur les uns des autres qu'ils n'osent se
parler librement et clairement du problème qui les oppose, et tous ont
peur des premières nations. Je me demande combien pensent et sont
conscients que les amérindiens sont des Québécois. On les exclut et on
préfère les ignorer ou au pire les stigmatiser Et eux, se perçoivent-ils «
québécois » ?
Nous avons peur d'être des immigrants, et nous avons par ailleurs peur des
nouveaux immigrants. Il y a de quoi. Nous voyons les premières nations dans
des réserves et craignons un possible notre tour. Insensé ! La guère des
colonies à l'ancienne, c'est fini ! Peut-on alors dormir sur des lauriers ?
Les souverainistes ont peur des anglophones. En fait, c'est d'eux-mêmes
qu'ils ont peur, la peur de ne pouvoir communiquer et s'imposer face à
l'autre. En conséquence, nous oublions que ces autres sont nos
concitoyens, jusqu'à nouvel ordre. Nous avons peur de l'anglais, langue
qui se veut la clé du monde. Comment réconcilier notre attachement au
français et au monde, et notre phobie de l'anglais ?
Nous avons par ailleurs peur, non pas d'être souverain, d'assumer
l'indépendance. Pourquoi avoir peur ? Pourquoi a-ton peur ? Ces deux
questions sont complémentaires. On a peur soit de l'inconnu, soit de perdre
le connu. Et c'est perdre qui fait peur. Quand on n'a rien ou que l'on se
trouve dans la tourmente, quand on est dans l'obscurité, on ne craint pas
risquer de s'en sortir.
Des Québécois ne manquent pas de l'essentiel pour avoir faim de
souveraineté ou de l'indépendance. Ce qui nous manque, nous avons appris et
sommes conditionnés à nous en accommoder. Qui se compare se console. Ne
sommes nous pas à tous les jours gavés de comparatifs et à toutes les
tribunes pour nous dire que nous sommes "chialeurs" ! Le projet de
souveraineté fera peur pour deux raisons : il est plus idéologique que
concret, et il manque de leadership inspirant (champion).
La revendication indépendantiste évoque la lutte contre le colonisateur. Or
au Québec, le colon est invisible du quotidien des citoyens. Si l'on ne
saurait nier sa réalité, c'est alors qu'il est plus imaginaire que
démonstratif. Que changeraient le drapeau ou l'hymne de pays dans la vie de
tous les jours des Québécois ? Peu de gens y entrevoient un rehaussement de
leur statut. Peut-on se mobiliser autour d'un projet aux apparences
excentrique ?
Tout projet idéologique se doit de se construire sur le socle et la
charpente d'un leadership champion. La recette de ce type de leadership est
simple : du charisme et du contexte. Un érable a beau être un érable, il ne
produira pas de sucre sans hiver ni dégel. Non plus un jeune ou trop vieux
érable aura beau subir l'hiver, il ne produira rien. Au Québec, nous
manquons de leaders champions de la trempe de ceux de la révolution
tranquille. Ou plutôt c'est le contexte qui est stérile. Nous avons un
leadership des moments présents, des enjeux actuels. La situation doit
s'empirer, pour que des leaders puissent émerger et nous satisfaire. Tant
et aussi longtemps que nous saurons nous accommoder de ce que nous avons,
nous serons cyniques et trop exigeants envers tout aspirant leaders et
continuerons à les casser en série sans nous questionner. Et nous
continuerons de rêver d'une souveraineté sans jamais la voir lever. Il est
temps de passer le flambeau aux plus jeunes, ils sont nés pour vaincre nos
peurs et rebondir de nos échecs.
***
Francois Munyabagisha (fmunyabagisha@hotmail.com)

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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7 commentaires

  • Gilles Bousquet Répondre

    1 juin 2010

    M. Robert Chevalier de Beauchesne écrit quelque chose de joli : « Ainsi, cette lâche peur de la différence qu’on constate en québécitude, est bien moins celle de l’Autre, que celle de nous-mêmes, de notre distinction nationale pieusement, courageusement conservée par nos ancêtres au fil des siècles mais dont maintenant on nous apprend à avoir honte. Et c’est de cette peur indissociable de la pensée souverainiste, de cette honte si aliénante dont nous nous mourrons aujourd’hui. »
    C’est rendu quoi exactement notre « distinction nationale » en 2 010 ?
    La langue française ; les ceintures fléchées ; la poutine ; les sets carrés ; les chansons à répondre; la messe les dimanches ; les samedis soir dans le salon à encourager le CH avec cokes et chips ; Céline Dion ; les nids de poule ; la messe de minuit, les By by à Radio-Canada ; la belle-mère le dimanche midi ; pelleter la neige en hiver et le gazon au printemps et à l’été ; laver le char, les vitres et l’asphalte quand il fait beau en été et les déficits de nos gouvernements tout le temps…quoi exactement ? L’ordinateur, le téléphone cellulaire, le I pad, les élections, les scandales et nos humoristes aussi ?
    Nous avons un penchant pour les Palestiniens pendant que le ROC en a un pour les Israéliens. Nous aimons les victimes ils aiment les bourreaux, nous, les mesures sociales, eux, les petits gouvernements, c’est peut-être ici quelques différences qui, avec les langues différentes, nous séparent le plus.
    Entre vous et moi, M. Beauchesne, comme le chantait M. Trenet : Que reste-t-il de tout cela, dites-le-moi ? De tout ce passé folklorique disparu ? Ce cher visage de mon passé.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2010

    Monsieur Munyabagisha
    Je n’ai peur ni des Anglais ni de l’anglais. Les Québécois n’ont peur ni des Anglais ni de l’anglais. Nous désirons tout simplement vivre en français, dans un pays francophone, dans le respect de nos valeurs, de notre culture et de nos aspirations, afin d’assurer à nos enfants et aux enfants de leurs enfants la pérennité de notre nation.
    Il n’y a là rien que de parfaitement légitime.
    Votre réflexion mérite notre attention et m’amène à vous inviter à prendre connaissance de l'-APPEL CITOYEN à l'UNION | 20 mai 2010de nos forces que nous avons diffusé le 20 mai dernier et dans lequel vous trouverez réponses aux « pourquoi et au comment » nous proposons à nos concitoyens de faire le pays en donnant à notre nation son statut d’État libre et indépendant.

    Claude G. Thompson

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2010

    La lucidité.
    La lucidité, c’est refuser l’extinction, la décomposition, la dissolution, la démolition, la désintégration, l’assimilation américaine.
    C’est refuser d’être à quatre pattes devant le Fédéral à faire le gentil chien obéissant, salivant les yeux mouillés pour obtenir son biscuit.
    La lucidité, c’est avoir l’intelligence de savoir que changer le modèle de province à pays, c’est exigeant de sacrifices.
    La lucidité, c’est savoir que personne ne peut prouver que faire notre pays sera un échec.
    C’est découvrir que nous avons confiance, que nous croyons au succès du pays Québec.
    C’est retrousser les manches de notre chemise de bûcheron et bâtir avec nos connaissances, nos compétences et nos expériences.
    La lucidité, nous l’avons dans notre génétique étant tous des enfants d’immigrés par nos ancêtres de souches diverses.
    La lucidité, c’est se souvenir du jour où nous avons quitté le confort de notre famille pour affirmer nos capacités, nos habiletés et notre fierté dans l’indépendance.
    Nous l’avons réussie.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 juin 2010

    Il y a une peur fondamentale que vous ne semblez pas saisir, la peur que les Canadiens-Français éprouvent pour eux-mêmes, pour ce qu’ils sont : des catholiques et français de culture en terre d’Amérique. Cette peur, qui vire chez certains au dégoût et qui nourrit une haine de soi implacable (notre nationalité est devenue tabou!), explique le blocage politique et social dans lequel nous nous débattons : collectivement nous n’avons presque plus rien d’original à promouvoir ou à défendre (nous en sommes réduits à «lutter» pour l’environnement ou pour l’égalité homme-femme). Cette peur et cette haine, qui proviennent d’une intériorisation de la vision dépréciée que l’Anglais entretient de nous depuis la Conquête, expliquent le multiculturalisme «canadian» et aussi le pluralisme québécois. Les deux idéologies émanent de l’école de pensée cité-libriste farouchement opposée au nationalisme et à laquelle on peut rattacher non seulement Pierre Elliott Trudeau, mais aussi René Lévesque. Selon cette école, la nation canadienne-française étant par trop arriérée du fait de sa francité et de sa catholicité, devait se dissoudre en autre chose de plus moderne, de plus acceptable aux yeux du monde et enfin faire partie des «winners». Pour Trudeau cela passait par l’édification d’un Canada multiculturel; pour Lévesque, par la souveraineté d’un Québec pluraliste de nature. Ainsi, cette lâche peur de la différence qu’on constate en québécitude, est bien moins celle de l’Autre, que celle de nous-mêmes, de notre distinction nationale pieusement, courageusement conservée par nos ancêtres au fil des siècles mais dont maintenant on nous apprend à avoir honte. Et c’est de cette peur indissociable de la pensée souverainiste, de cette honte si aliénante dont nous nous mourrons aujourd’hui.
    Cordiales salutations,
    RCdB (robertchevalierdebeauchesne@yahoo.ca)

  • Tremblay Sylvain Répondre

    31 mai 2010

    Un dirigeant champion, une équipe championne, ça m'a fait penser tout de suite à la très belle nouvelle chanson de Viviane Chidid, que j'aime beaucoup, "Champion":
    ----------------
    Champion / Viviane Chidid, en direct des Sunu Music Awards
    --------------
    Si ça peut nous inspirer un peu, c'est pour ça que j'y réfère, des fois ... .
    Je vous lis souvent, m. Munyabagisha, et je trouve que vous avez un très beau style d'écriture. Ça aide à revenir.
    La peur, non, nous n'avons pas peur des anglais. Si c'était le cas, ils n'auraient même pas eu besoin de nous faire la guerre, ils auraient envoyé un émissaire pour nous dire de nous effacer pendant qu'ils s'en viennent s'établir ici sans même nous demander la permission. Ils l'ont d'ailleurs essayé mais ils ont frappés un noeud!
    La peur de l'indépendance? Bien non, nous avons toujours été indépendants, c'est nous qui avons construit ce pays. Nous n'avons pas besoins des anglais pour ça, encore moins des canadiens anglais, qui ne nous font que du trouble, à part ceux qui ses ont intégrés à nous.
    Ce que je vois dans votre texte, au-delà des mots, c'est la division de notre pays, en gens qui ne veulent pas parler français, en amérindiens qui préfèrent vivre à l'écart pour toutes sortes de raisons, en immigrants qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas, pour toutes sortes de raisons aussi, s'intégrer à nous. M. Harper n'en n'est pas le seul responsable, bien que ces différences soient amplifiées sous son règne, tellement il veut nous isoler pour mieux nous brimer. Ce sont des centaines d'années de fabrication de murs (de toutes sortes), de contre alliances, de déni de justice et de droit qui ont fait ça. À la longue, ça commence à paraître, les apparences se font évidences. On voit leur jeu (et on en a soupé!).
    Mais je pense qu'il ne faut pas trop s'en faire avec ça. C'est artificiel, fabriqué, à coups de politiques et de réglementation impopulaires au fil des ans, d'argent détourné du bien public vers des objectifs politiques anti-nous.
    Nous, c'est tout le monde, au-delà des divisions fabriquées de toutes pièces. Nous sommes tous victimes d'être séparés les uns des autres. Et ça fait un semblant de peur, les uns des autres, effectivement, car nous percevons la séparation qui nous a été imposée. Nous ne voulons pas blesser les uns en favorisant les autres. C'est ça que ça fait, finalement, des politiques de division, ça détruit, la confiance, le vouloir travailler ensemble, construire un pays ensemble.
    Tout ne se resoudra pas d'un coup, malgré la victoire d'une cohésion éventuelle pour un but commun. Mais il faudra abattre des murs, après celà, ceux qui ont été construits et qui sont vieux et délabrés, dangereux, ou neufs mais carrément laids et ignobles. Pas pour en reconstruire d'autres. D'ailleurs, les murs, nous, ce n'est pas dans notre mentalité; il n'y a pas à craindre pour ça. Ce qui est divisé aujourd'hui depuis hier pourra être réunifié dans l'avenir, un avenir qui nous appartient.
    Champions! C'est ça le leitmotiv. Gardons-le!

  • Archives de Vigile Répondre

    31 mai 2010

    Monsieur François,
    Moi, je vous le dit, je n'ai pas peur.
    Notre combat a commencé en 1629, quand les corsaires anglais ont pris Québec (les sinistres frères Selkirk). Et oui ça s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui.
    De colonisateurs, nous sommes devenus colonisés. Le temps a semé tout en variantes.
    Les nations autochtones ne sont pas Québécoises: elles sont Micmacs, Innus, Algonquines... Quand je me bat pour nous, je me bat pour elles, pour qu'elles soient. Les Québécois ont oublié que les plus farouches alliés cotre l'invasion britannique étaient les Abénakis, les Hurons, et même certains de la confédération Iroquoise. Je les défendrai toujours, et toujours, et toujours.

    Comme Québécois d'origine africaine ( Congo, Rwanda? Excusez mon ignorance), vous avez vos paradigmes, nous avons les nôtres. Je sens cependant que vous essayez sérieusement de comprendre.
    Vous doutez du Canada? Je ne vous blâme pas : les Conservateurs de Harper sont le truc le plus à droite qu'on a pas vu depuis longtemps. Si cela peut vous amener à mieux vous sentir avec les "de souche" comme nous, excellent.
    Nous discutons, on échange, et je sens que vous serez des nôtres, et nous avec vous, tout ça pour ne faire qu'un.
    Nous avons peur? Non. Mais les Québécois méritent qu'on leur fouette l'esprit. Vous, vous êtes en train de fouetter le vôtre. Et cela est tout à votre honneur.
    Salutations sincères (et surtout, ne nous quittez pas pour un monde soi-disant meilleur!).

  • Archives de Vigile Répondre

    31 mai 2010

    Si nous refusons de consommer lorsqu’une personne nous vend en anglais,le commerce perd une vente et son profit .
    Si chaque francophone faisait cela,dans l’émission et la réception des messages verbaux, ce n'est pas long que le français reviendrait à la mode,en particulier dans la région de Montréal.

    Ça vaut la peine de montrer que nous sommes capables d’être « des fiers debout ». Servons nous de notre poids économique pour faire la promotion de notre langue française.