Charte – « Moi, ça ne me dérange pas, donc… »

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La démagogie de certains anti-charte

« Moi, ça ne me dérange pas, donc… »
Ce qui précède, écrit et dit de toutes les manières, est un argument qu’on a maintes fois entendu venant de la part de personnes contre l’idée d’interdire les signes religieux dans la fonction publique (ou contre la neutralité représentative des employés de l’État, comme je me plais à le verbaliser). La semaine dernière, à RDI, durant une émission spéciale sur la charte, cet argument est revenu plusieurs fois et ça m’a mis la puce à l’oreille.
Durant un vox-pop où on entendait quatre adolescents se prononcer, les deux contre le projet de charte ont discouru dans ce sens. Rémi Bourget, un des panélistes invités à l’émission, l’avocat derrière Québec inclusif, y allait de son histoire personnelle où il était question de son problème de garderie. Pour appuyer sa position contre le projet de loi 60, il disait que c’était le moindre de ses soucis qu’une future éducatrice porte le voile. Un peu plus tard, un vox-pop tenu en Ontario mettait en scène entre autres un homme qui, pour justifier son désaccord, disait que personnellement ça ne le dérangeait pas. Donc.
Logiquement, si cet argument revient constamment, c’est qu’il a du poids pour les personnes qui s’en servent. Personnellement, je pense qu’il a autant de poids que quelqu’un qui dit : « c’est l’gros bon sens! » Cela relève du réflexe de croire qu’une problématique complexe peut se régler comme par magie avec une opinion étayée par un simple jugement personnel devant un choix de réponse binaire. Du point de vue argumentaire, il n’y a rien de plus bas niveau. Pourtant, c’est bombardé comme si c’était un uppercut qui devrait clore le débat.
Pour certains, dire « ça ne me dérange pas » devrait avoir autant de poids que de dire « ça me dérange ». Donc, pour eux, cette idée que la neutralité représentative règlerait le problème de ceux que ça dérange n’a pas lieu d’être puisque c’est du pareil au même. C’est une erreur logique que je tenterai d’expliquer dans les paragraphes suivants.
À la base, si on enlève la donnée personnelle, « ça ne me dérange pas » devient « ça ne dérange pas » et « ça me dérange » devient « ça dérange ». Pourquoi enlever la donnée personnelle? Parce que ce qui compte, ce n’est pas l’avis de chaque personne séparément, mais tout le tableau. Nous ne sommes pas dans une logique référendaire, mais bien dans une dynamique où il faut encadrer la problématique et évaluer les argumentaires.
Alors, maintenant, regardons les deux énoncés résultants : « ça ne dérange pas » et « ça dérange ». La question à se poser est donc : est-ce que ça dérange ou non? Nonobstant des raisons personnelles, à partir du moment où ça dérange, il est impossible de dire que ça ne dérange pas en général. Par conséquent, au niveau collectif, ça dérange, et toujours, au niveau individuel, ça dérange ou non. Voilà la réalité et le poids réel de l’énoncé « ça ne me dérange pas ».
À partir du moment où il est prouvé que ça dérange et qu’il est impossible de prouver que ça dérange seulement pour des raisons intolérantes comme le racisme et la xénophobie, le moyen de régler le problème, soit la neutralité représentative, est légitime. Voilà pourquoi parmi les arguments des gens contre la neutralité représentative des employés de l’État il y a l’énoncé individualiste « ça ne me dérange pas » et ce désir de mettre les adversaires dans le camp des racistes/xénophobes, de toutes les manières possibles.
En disant « ça ne me dérange pas », on se place volontairement en situation de supériorité morale, ce qui induit qu’on est tolérant, alors que les autres ne le seraient pas. Cela participe activement à la diabolisation de la position pour la charte, à cette tentative d’humilier tous les prochartes par l’accusation d’intolérance, fondée sur les réelles manifestations de racisme/xénophobie que l’on se plait à pointer comme si cela était des preuves d’un problème général.
Donc, là où le bât blesse, ce n’est pas tant de penser que ça ne nous dérange pas, mais d’avoir le réflexe de le dire, de le montrer comme si c’était un trophée.
C’est condescendant. Rien de bon pour calmer ce débat explosif.


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