Jean Charest s'est engagé, lundi, à négocier avec Ottawa l'application de la loi101 aux organismes fédéraux sur le territoire du Québec, antique revendication du Bloc québécois. La promesse risque de créer une onde de choc dans les milieux anglophones de Montréal. " Avec cette déclaration de M.Charest, je pense que les anglophones ont maintenant encore plus de raisons pour regarder la Coalition [avenir Québec] comme une option valable ", a déclaré l'ancienne députée libérale fédérale Marlene Jennings, en entrevue au Devoir lundi soir. Cette dernière était passée à deux doigts de porter les couleurs de la CAQ à Montréal pour le scrutin du 4 septembre, mais avait soutenu récemment que tout compte fait, le PLQ protégeait bien la communauté anglophone. Elle a même déjà déposé son bulletin dans l'urne, appuyant Pierre Arcand dans Mont-Royal, a-t-elle confié. Mais c'était avant qu'elle n'apprenne l'engagement du chef du PLQ au sujet de la loi101, dont elle se dit " très déçue ". Lorsqu'elle était députée fédérale de Notre-Dame-de-Grâce -Lachine, Mme Jennings avait combattu cette idée chaque fois que le Bloc québécois avait tenté de la faire avancer, notamment par des projets de loi en 2007 et en 2009. En 2008, dans le mensuel anglophone The Suburban, elle avait vertement dénoncé l'intention du député néodémocrate Thomas Mulcair d'appuyer le projet de loi C-307 du Bloc. La décision du NPD et de Mulcair relevait de " l'opportunisme politique " qui allait contribuer à " marginaliser les Anglo-Québécois ", avait-elle écrit.
Consensus québécois
C'est au cours de son entrevue avec la table éditoriale du Devoir, jeudi, que Jean Charest avait révélé qu'il appuyait une extension de l'application de la loi 101 aux organismes et entreprises fédéraux.
Lundi, en conférence de presse, le chef libéral est allé plus loin, prenant l'engagement de " s'asseoir avec le fédéral pour voir de quelle façon le gouvernement fédéral devrait participer à ce consensus québécois sur la façon dont nous voulons traiter notre langue au Québec ". M. Charest a pris la peine de dire qu'il n'est pas nécessaire d'amender la constitution pour étendre ainsi la loi101. " Le parlement fédéral [...] a quand même reconnu le Québec comme nation. Bon ! Donnons un sens au mot ", a lancé lundi le chef libéral.
Duceppe
Gilles Duceppe est d'accord, c'est l'argumentation qu'il avait d'ailleurs développée lorsqu'il était chef du Bloc. " Il est clair, à ce moment-là, que ça prend une entente administrative avec Ottawa ", a-t-il confié. L'appui de Jean Charest à l'idée ne le surprend guère : " Je ne vois pas qui, au Québec, pourrait dire que ça ne serait pas souhaitable. Ça serait le comble ! Je parle tout au moins de ceux qui ont pour objectif de se faire élire à l'Assemblée nationale. " Selon l'ancien chef du Bloc, assujettir les entreprises québécoises sous juridiction fédérale à la loi 101, " ce ne sont pas des petites affaires ". " C'est le secteur bancaire. C'est les transports interprovinciaux. C'est le port de Montréal, et ainsi de suite. C'est tout ce qui relève du code fédéral du travail ! Et aussi d'un certain nombre d'autres lois sur l'incorporation d'entreprises à la charte fédérale. " En tout, c'est entre 200 000 et 350 000 francophones qui ne sont " pas assurés de pouvoir travailler dans leur langue ".
Une telle extension de l'application de la loi 101 recueillerait sans doute beaucoup de réticences au gouvernement fédéral et dans le reste du Canada, a fait remarquer un journaliste anglophone, lundi, lors de la conférence de presse du chef libéral. M. Charest s'est alors lancé dans une défense de la dualité canadienne, laissant entendre que la loi 101 avait permis de la préserver.
En 2009, le Parti conservateur de Stephen Harper et le Parti libéral de Michael Ignatieff avaient voté contre le projet de loi C-307. Son premier article était : " Le gouvernement fédéral s'engage à ne pas entraver l'application de la Charte de la langue française, L.R.Q., ch. C-11, sur l'ensemble du territoire du Québec "
Selon Jean Charest, toutefois, procéder par une entente administrative serait plus prometteur. Il confiait lors de son entrevue avec Le Devoir que " généralement, sur la question de la langue, le fédéral a été assez sensible. Il ne cherche pas à effacer la langue française. Moi, je l'ai vécu à l'interne quand j'étais là. La culture du gouvernement fédéral n'est pas hostile aux lois linguistiques québécoises, en passant ".
Scepticisme
Le nouvel engagement de Jean Charest en matière linguistique a été accueilli par un haussement d'épaules par le critique péquiste en la matière, Yves-François Blanchet, à Drummondville : " C'est aussi crédible que moi qui veux faire une carrière professionnelle au basketball ! "
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Avec la collaboration de Robert Dutrisac
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