Cette Catalogne qui fait des jaloux

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Ça joue dur en Catalogne





BARCELONE | Quand vous jasez de l’indépendance de la Catalogne, les arguments économiques ne sont pas les premiers à surgir.


C’est étrange pour un Québécois habitué aux discours apocalyptiques sur la fin des pensions de vieillesse ou sur les entreprises qui partiraient en cas d’indépendance.


C’est parce que la viabilité économique d’une Catalogne souveraine n’est pas sérieusement mise en doute par quiconque.


On peut avoir d’excellents arguments contre l’indépendance, mais il n’y a personne pour nier que cette région a tout ce qu’il faut pour offrir un niveau de vie enviable aux siens.


Comme la Catalogne est la région la plus riche d’Espagne, c’est plutôt le reste du pays qui est terrifié à l’idée de voir partir son moteur économique.


De grands Atouts


La Catalogne actuelle, c’est 16 % de la population espagnole, mais elle fournit à l’Espagne 20 % de son PIB, 21 % de ses recettes fiscales, 25 % de ses investissements étrangers, 30 % de ses exportations et 50 % des activités à haute valeur ajoutée.


Le taux de chômage reste élevé (13 % en 2016) en Catalogne, mais il est habituellement plus bas de 3 ou 4 points que celui de l’Espagne.


L’économie catalane est diversifiée et on y retrouve tous les secteurs stratégiques : automobile, services, numérique, tourisme, banques, pharmaceutique, etc.


La dette publique y est lourde, mais celle de l’Espagne aussi. La dette catalane devient donc une carte dans l’argumentaire indépendantiste : Madrid devrait négocier de bonne foi, dit Barcelone, si elle veut que la Catalogne assume sa part de la dette espagnole en partant.


Le PIB actuel de la Catalogne est de 28 000 euros par personne, supérieur à celui de l’Italie, légèrement inférieur à celui de la France, plus élevé que la moyenne européenne.


Une Espagne sans la Catalogne glisserait du 5e rang européen au 14e rang pour le PIB total.


Déficit


Dans les débats, un chiffre revient continuellement : 16 milliards d’euros ou 8 % du PIB de la Catalogne.


C’est ce qu’on appelle ici le « déficit fiscal ».


Les indépendantistes soutiennent que la Catalogne verse à l’État espagnol, chaque année, autour de 16 milliards de plus que ce que la région reçoit en investissements et services du gouvernement central.


On peut chipoter sur le chiffre, mais tous reconnaissent que la Catalogne donne plus que ce qu’elle reçoit.


Madrid soutient que, à effort fiscal équivalent, pour chaque 100 euros de dépenses du gouvernement central pour l’Espagnol moyen, chaque Catalan reçoit 96,6 euros, un écart qui ne justifie pas un tel déchirage de chemise.


Chaque Basque touche cependant 227,8 euros.


On entend beaucoup de Catalans se plaindre que leur région « fait vivre » des régions « pauvres », comme l’Andalousie, où le taux de chômage monte parfois jusqu’à 25 ou 30 %.


Nombre d’entrepreneurs catalans pointent du doigt la fiscalité « punitive », un droit du travail dépassé et la mauvaise qualité des infrastructures sous la responsabilité du gouvernement central.


Les avantages de contrôler entièrement le port et l’aéroport de Barcelone sont fréquemment évoqués.


Chez les économistes académiques favorables à la souveraineté, on entend beaucoup que la politique économique du gouvernement central est centralisatrice et conçue pour favoriser Madrid.


C’est très similaire à l’argumentation des souverainistes québécois qui accusent Ottawa de favoriser l’Ontario.


En guise d’exemples, on mentionne des lignes de TGV d’une utilité très discutables entre Madrid et les villes environnantes, ou des investissements massifs dans des aéroports peu fréquentés ailleurs au pays.


En revanche, depuis des années, on réclame en vain des lignes de chemin de fer entre le sud de l’Espagne et la Catalogne et qui se prolongeraient ensuite en France.


Pas de guerre commerciale


Le conseil du patronat catalan s’inquiète moins des perspectives économiques à long terme que de l’incertitude juridique ou de la possibilité d’une guerre commerciale si l’indépendance de la Catalogne se faisait unilatéralement plutôt que d’être négociée.


Cela dit, comme 70 % des exportations catalanes sont écoulées dans le reste de l’Espagne, ni Madrid ni Barcelone ne gagnerait quoi que ce soit d’une guerre commerciale.


La clé, c’est évidemment l’accès au vaste marché européen.


Ébranlées par le Brexit, les autorités européennes préféreraient clairement le statu quo, mais on imagine difficilement le retour de contrôles aux frontières entre la Catalogne et ses voisins.


Quelques grandes entreprises disent, du bout de lèvres, qu’en cas de souveraineté, elles réévalueraient « leur stratégie d’implantation », mais cela ne veut pas dire qu’elles partiraient si les conditions locales restent avantageuses.


Entendu dans la rue



  • Je suis un orphelin politique. Ma gauche qui jadis voulait unir, aujourd’hui divise, et la droite contient encore des nostalgiques du franquisme.

  • Quoi qu’il arrive, c’est l’échec de toute notre classe politique. En Espagne, on va en politique et on y reste quand on ne sait rien faire d’autre.