Conservateurs

Ce pays ne leur appartient pas

Canadian Devoir... Un Devoir de révolution "démocratique" ou de révolution "nationale"? Régression fédéraliste? "Libre de penser"? Vraiment?


Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a promis loi et ordre, et il s'applique depuis le 2 mai à livrer la marchandise tambour battant. Il n'a pourtant pas peur de contourner la légalité pour arriver à ses fins. Quant à l'ordre, seul le sien compte: les provinces le découvrent peu à peu, elles doivent marcher au pas.
La dernière manigance attribuée aux conservateurs constitue une incroyable provocation: avoir fait croire à des électeurs libéraux ou néodémocrates que leur bureau de scrutin avait été déplacé, histoire de les décourager d'aller voter. Le député du NPD Pat Martin ne pouvait mieux dire: c'est l'équivalent téléphonique de bloquer le vote avec des fiers-à-bras.
Bien sûr, le Parti conservateur (PC) se distance de la manoeuvre, et il y a enquête d'Élections Canada, et il y a la présomption d'innocence, et toutes ces précautions d'usage. Il semblerait même qu'un coupable, militant de la base, ait été identifié. Il y aurait donc, dans ce gouvernement où tout, mais littéralement tout, passe entre les mains du bureau du premier ministre, un militant qui aurait fait preuve d'autonomie en matière de stratégie? Ce serait en soi une nouvelle!
Mais pour le moment, retenons les manchettes. Car la tactique, avec quelques variantes, a eu cours dans plus d'une circonscription lors des dernières élections. Et les conservateurs savent utiliser le téléphone pour nuire à l'adversaire, comme ils ont reconnu l'avoir fait dans Mont-Royal pour affirmer, faussement, que le député libéral Irwin Cotler allait se retirer. Les soupçons envers le PC sont donc plausibles, d'autant qu'il n'est plus à démontrer que les conservateurs ne débordent guère de respect envers les élus qui ne sont pas de leur côté.
Ce qu'on mesure moins, c'est que cette culture de l'irrespect déborde les rivalités politiques et se déploie même à l'égard des provinces. Ainsi, le resserrement des règles en matière criminelle entraînera une coûteuse augmentation de la population dans les prisons provinciales. Québec, comme d'autres, a beau bruyamment protester, le gouvernement conservateur ne tiendra pas compte de ses récriminations — M. Harper l'a encore dit cette semaine.
Autre exemple: lorsque Jason Kenney, ministre de l'Immigration, a présenté récemment son projet de loi resserrant les règles pour les réfugiés et les titulaires de visas, une petite phrase est passée inaperçue: les provinces seront «encouragées» à revoir leurs programmes sociaux afin de ne pas favoriser la venue de faux immigrants. Dire que lundi, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse demandait au gouvernement Charest d'assouplir ses critères envers les travailleurs étrangers temporaires (aides familiales, travailleurs agricoles...). Québec voudrait-il agir qu'il se buterait aussitôt à l'intransigeance fédérale. La marge de manoeuvre qui nous permet de nous distinguer ne cesse de s'étioler.
De la même manière, le Globe and Mail citait hier le premier ministre qui soulignait qu'en matière d'économie, c'est à Ottawa de donner le ton, aux provinces de suivre, peu importent leurs particularités. Le ministre des Finances Jim Flaherty était encore plus clair: «Nous formons un seul pays [...]. Nous voulons que tout le monde rame dans la même direction.»
En somme, les conservateurs ont décidé de faire main basse sur ce pays. Ils le veulent conforme à leur idéologie, sans égard à son histoire, ses fondements, sa structure, ses spécificités, sa dynamique. Cette appropriation sans précédent commence à ressembler à un vol de démocratie.


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