Carles Puigdemont: pestiféré au Canada

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La fiction du droit à l'autodétermination démontrée par l'attitude du Canada envers les séparatistes catalans


Pour un pays comme le Canada, se voulant démocratique et fier de sa charte des droits, cette histoire ne sent pas bon.  


La décision mystérieusement opaque prise à Ottawa de révoquer l’autorisation de voyage électronique (AVE) qui avait pourtant été accordée en février à l’ex-président indépendantiste de la Catalogne exilé en Belgique, Carles Puigdemont, choque plus qu’elle ne surprend.  


Ce dernier devait en effet faire une tournée de conférences au Québec et rencontrer les élus de l’Assemblée nationale. À Ottawa, quelqu’un, quelque part, aurait-il voulu le faire taire, tout simplement?  


Avec raison, le premier ministre François Legault demande des explications au gouvernement Trudeau pour ce revirement aux relents de censure politique digne de régimes, disons, plus autoritaires que le nôtre.  


En réaction, le premier ministre fédéral Justin Trudeau jure qu’il n’y a eu aucune ingérence politique. Que ce revirement serait une simple décision prise par des «fonctionnaires» indépendants du pouvoir politique.  


Je veux bien. Mais le ministre responsable de l’Immigration, Ahmed D. Hussen, pourrait révoquer cette décision et permettre ainsi à Carles Puigdemont de venir au Québec. Comment ne pas penser que la non intervention du ministre, elle, n’est pas politique ?  


Certains avancent toutefois que le Canada ayant une entente d’extradition avec l’Espagne, les autorités fédérales canadiennes auraient peut-être craint qu’en laissant entre M. Puigdemont au pays, l’Espagne aurait pu exiger son extradition. Cette explication ne tient malheureusement pas la route puisque le Canada lui avait accordé une AVE avant de la lui retirer.  


Sur ce, permettez-moi une parenthèse informative. Pour mieux comprendre le contexte dans lequel Carles Puigdemont en est venu à être considéré comme un criminel en Espagne, à l’instar d’autres prisonniers politiques catalans qui subissent leur procès pour sédition, vous le trouverez dans ma chronique «Coupables d’être démocrates».  


Rappelons tout de même que le 1er octobre 2017, un référendum sur l’indépendance de la Catalogne a été tenu sous la présidence de M. Puigdemont. Le Oui l’avait emporté massivement malgré la répression violente par le gouvernement espagnol, lequel considérait ce référendum comme «illégal». Cette même répression avait néanmoins fait chuter le taux de participation à 43%.  


À la fin octobre 2017, le Parlement catalan a déclaré unilatéralement l’indépendance de la Catalogne. Dans les heures qui ont suivi, le gouvernement espagnol annonçait que M. Puigdemont serait passible de prison pour «rébellion». Ce qui a obligé celui-ci à quitter l’Espagne et de partir en exil.  


Voilà pour le contexte.  


De retour à maintenant. Mon avis ? Quel que soit la raison pour cette révision de la décision initiale d’accorder une AVE à M. Puigdemont, le message que cette révision envoie est inquiétant et dévastateur. Cette révision soulève plus de questions qu’elle ne donne de réponses.  


Primo : Les autorités fédérales canadiennes considèreraient-elles Carles Puigdemont comme un «criminel» auquel le Canada devrait fermer ses portes ? Si oui, c’est qu’elles auraient épousé la même position anti-démocratique que celle du gouvernement espagnol.  


Lorsque le ministre fédéral des Infrastructures, François-Philippe Champagne, réplique que «la loi s’applique à tout le monde de façon égale», est-ce de cela dont il parle ? À Ottawa, considère-t-on maintenant Carles Puigdemont comme un criminel ?  


Secundo : Que vaut vraiment la liberté d’expression au pays si l’on ferme ses portes à un leader indépendantiste étranger renommé de surcroît pour son courage exceptionnel, sa droiture inattaquable et sa défense sans relâche du droit à l’auto-détermination des Catalans, qu’ils soient indépendantistes ou pas.  


Tertio : Quel message envoie-t-on aussi aux souverainistes du Québec ? Que leur option, aussi affaiblie soit-elle, n’est plus légitime ? Qu’un prochain référendum sur l’indépendance, aussi peu probable soit-il, serait un acte de sédition ? Que de faire une tournée pour parler d’indépendance, même celle de la Catalogne, serait un crime de lèse-Canada ?  


La seule manière de tirer le tout au clair est simple. Que le gouvernement Trudeau donne la vraie raison de la révocation de l’AVE de Carles Puigdemont.