Seuls les anges dans nos campagnes référendaires s'étonneront de ce que le gouvernement du Canada ait largement subventionné, à l'automne 1995, un petit cercle de libéraux québécois qui s'était baptisé Option Canada pour faire la promotion du fédéralisme. A Québec comme à Ottawa, avant le déclenchement officiel des hostilités, les fonds publics coulaient à flots pour préparer les munitions. Les millions valsaient à travers études, sondages, colloques, publications, publicités subliminales ou pas. Mais pourquoi, comme une remarquable et difficile enquête du quotidien The Gazette vient de le dévoiler, Option Canada a-t-elle été et continue-t-elle à être traitée comme une organisation secrète par ceux qui l'ont créée et par le gouvernement qui l'a subventionnée?
Le camouflage a été systématique, constant, et dure toujours.
Incorporé en septembre 1995 par des dirigeants du Conseil pour l'unité canadienne, organisme à but non lucratif qui vit de la bienfaisance fédérale mais se dit apolitique, Option Canada a rempli ses formulaires québécois en se présentant comme une organisation aux buts «imprécis et indéterminés» mais a affirmé au même moment dans ses formulaires canadiens, se vouer à la promotion de l'unité canadienne «par tous les moyens, légaux, politiques et autres». Pourquoi ce double visage?
Quelques jours après l'incorporation, à une vitesse dépassant toutes limites connues, le ministère du Patrimoine accordait coup sur coup à Option Canada les deux premières tranches (trois millions) d'une subvention totale de 4,8 millions. Cette fois, le camouflage était triple. 1) La subvention provenait de crédits supplémentaires surgis dans des programmes destinés aux minorités de langue officielle, qui ont ainsi servi de déguisement pour de la propagande politique. 2) Le communiqué de 19 lignes émis pour annoncer (ou faire semblant d'annoncer) la création d'Option Canada, évitait de mentionner de quelque façon l'attribution de crédits fédéraux. 3) La contribution était faite sous forme de subvention, comme elle l'aurait été à un artiste par exemple, ce qui exemptait d'avance le bénéficiaire de toute transparence quant à son usage.
Depuis, le mystère n'a cessé de s'épaissir.
Les fondateurs d'Option Canada affirment n'avoir prêté leur nom à cette aventure que brièvement, et ne rien savoir de la façon dont l'argent a été dépensé. L'ancien député libéral Claude Dauphin, qui en a été le président, souffre d'un énorme trou de mémoire et soutient qu'on peut présider une compagnie en ignorant tout à fait à quoi elle s'occupe!
Le gestionnaire de ces fonds, le relationniste René Lemaire, semble être le seul à savoir mais refuse de dire. Il parle confusément de consultants qui se seraient occupés d'études ou de plans de communications ou d'organisation politique dans les comtés, mais il n'en nomme aucun.
La ministre du Patrimoine, Sheila Copps, sait où est allé l'argent mais ne voit pas pourquoi elle le dévoilerait. Que les contribuables, dont elle trouve la curiosité coupable, se le tiennent pour dit.
Et tout ce monde, même ceux qui ignorent ce qu'Option Canada a fait en leur nom avec ses millions, jure dur comme fer que pas un sou n'en a été versé en contravention de la loi référendaire québécoise. Comment peuvent-ils en être si certains?
Seul M. Lemaire a, pour l'instant, offert une explication de ces multiples camouflages. Selon lui, les fédéralistes se sentent si persécutés au Québec qu'ils préfèrent professer leur foi dans les catacombes. Alors on comprend mal que leur ange, Mme Copps, qui les incite sans cesse à s'afficher à pleins drapeaux, les expose de façon aussi insouciante à tous les dangers.
Il revient toutefois au Conseil de l'unité canadienne, autant sinon plus qu'à la ministre du Patrimoine qui se débrouille mal avec un dossier hérité de son prédécesseur, de faire la lumière sur cette affaire. C'est là, chez un organisme qui a toujours joué au grand seigneur au-dessus de la mêlée, au défenseur apolitique de la noble idée du Canada, qu'a été concocté le subterfuge d'Option Canada et les trucs discrets de son financement C'est de là, si ses dirigeants tiennent à leur crédit et mesurent les soupçons qui desservent leur cause, que devrait enfin sortir la vérité.
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