(Québec) Vous voulez mettre mal à l'aise l'entourage du premier ministre Jean Charest? Très facile. Parlez de redevances minières. Un peu normal après tout. Le régime québécois est tellement mal ficelé qu'il ferait mal paraître n'importe quel élu.
Présent à Fermont vendredi dernier pour annoncer un investissement de 2,1 milliards $ d'ArcelorMittal, le premier ministre a patiné très fort pour défendre le régime québécois de redevances minières. Personne de son entourage n'a d'ailleurs été capable de chiffrer avec précision les redevances qu'ArcelorMittal allait verser au Québec au cours des prochaines années. «Aaaaaaa», «eeeeeee», «iiiiiiiiii» : on se perdait en explications de toutes sortes. La scène, qui valait son pesant d'or, illustre à quel point le régime des redevances est gênant pour les Québécois. Eux qui s'attendent à être compensés équitablement pour l'épuisement de leurs ressources naturelles sur leur territoire.
D'autant plus qu'avec ArcelorMittal, Hydro-Québec a aussi consenti un rabais important (plusieurs millions de dollars par année) sur le prix de l'électricité (147 mégawatts) qui sera consommée ces prochaines années sur la Côte-Nord. «Nous avons fait passer le taux de redevances de 12 à 16 %», a martelé avec vigueur le premier ministre à Fermont vendredi. Vrai. Au Québec, le régime de droits miniers a toutefois ceci de particulier : le taux de 14 % (16 % l'an prochain) ne s'applique qu'aux profits d'une mine, et non sur la valeur du minerai qui en est extrait.
Or, pas une seule minière ne versera 14 % du profit de ses mines au gouvernement québécois. Aucune. En coulisses, on nous parle plutôt d'un faible taux variant entre 2 et 4 %. Ce qui n'empêche pas certaines minières de ne rien payer ou d'être carrément déficitaires sur papier.
Pourquoi? Parce que notre régime est si généreux qu'il permet de déduire une foule de dépenses (comme les coûts des travaux d'exploration) avant que les minières ne pensent à verser des redevances. Inutile de dire que les sociétés minières (souvent des multinationales) savent très bien compter et tirer avantage de ce régime.
Ce n'est pas tout. Le Québec est également très généreux envers les minières par l'octroi de subventions année après année. En 2007-2008, les subventions québécoises versées aux sociétés minières ont atteint 157 millions $, avait calculé une chercheuse de l'Institut de recherche d'informations socio-économiques (IRIS) l'an dernier. Et c'est là que le bât blesse. L'an dernier, les redevances payées par les minières à l'État du Québec se sont élevées à 133 millions $, alors que la valeur du minerai extrait a atteint 6,8 milliards $.
Il y a deux ans, un rapport dévastateur du vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, avait décelé des ratés importants dans le système de redevances minières. Entre
2002 et 2008, les minières québécoises n'ont ainsi versé que 259 millions $ en redevances, soit 1,5 % d'une production totalisant 17,1 milliards $. Pendant cette période (2002 à 2008), le vérificateur constatait que l'État du Québec a remis plus de 700 millions $ en aides fiscales de toutes sortes à l'industrie.
Dans les jours qui ont suivi le dépôt du rapport du vérificateur général (cela se passait en 2009), le Québec tout entier avait poussé un grand cri de honte. On nous avait alors promis un nouveau régime de redevances plus musclé. Un régime que l'on attend toujours d'ailleurs... Inutile de dire que le Québec arrive bon dernier au Canada en ce qui concerne les redevances minières. L'an dernier, la Colombie-Britannique a touché 413 millions $, soit le triple de la somme encaissée par le Québec. Une situation aberrante.
À titre d'exemple, le Québec pourrait s'inspirer de l'Australie, pense la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine! Là-bas, l'État australien impose deux redevances aux minières : une dite «plancher» sur la valeur brute produite (variant entre 3 et 8 %) et une autre sur les profits (jusqu'à 30 % dans le cas du fer). En appliquant une telle redevance dite plancher à, disons, 5 %, le Québec pourrait alors dégager tout près de 350 millions $ supplémentaires par année dans ses coffres. De quoi faire rêver n'importe quel politicien en mal de réélection. Pourquoi alors se priver d'une mine d'or?
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