C'est clair

Depuis le temps qu'on demande à Michael Ignatieff de dire ce qu'il entend faire pour donner une signification concrète à la reconnaissance de la nation québécoise, il faut lui être reconnaissant d'avoir enfin répondu à la question: il ne fera rien.

Ignatieff - le PLC et le Québec

Depuis le temps qu'on demande à Michael Ignatieff de dire ce qu'il entend faire pour donner une signification concrète à la reconnaissance de la nation québécoise, il faut lui être reconnaissant d'avoir enfin répondu à la question: il ne fera rien.
On s'en doutait un peu, me direz-vous, mais il est toujours préférable de l'entendre de la bouche du cheval. Dans l'entrevue qu'il a accordée jeudi à mes collègues Hélène Buzzetti et Alec Castonguay, du Devoir, M. Ignatieff a été d'une parfaite clarté. Selon lui, le fédéralisme canadien fonctionne bien et le Québec a tous les pouvoirs dont il a besoin pour s'épanouir.
Là où M. Ignatieff est moins franc, c'est quand il présente la reconnaissance de la nation québécoise comme une entreprise pédagogique destinée au Canada anglais, qui voyait le nationalisme comme un danger. Quand il en a pris l'initiative, en 2006, il s'agissait plutôt de s'assurer l'appui des délégués du Québec dans la course à la succession de Paul Martin.
La mémoire est une faculté qui oublie et M. Ignatieff s'était bien gardé de nous le rappeler depuis, mais il avait déjà fixé sans la moindre équivoque les limites de cette reconnaissance. Dans un document intitulé Bâtir notre nation (canadienne, il va dans dire), publié en septembre 2006, il écrivait: «Reconnaître le Québec -- et les peuples autochtones -- en tant que nations à l'intérieur du Canada n'équivaut pas à faire de nouvelles concessions. C'est simplement reconnaître un fait. Ce n'est pas non plus le prélude à une nouvelle série de transferts de compétence.»
Il poursuivait: «Le Québec possède déjà l'autorité dont il a besoin dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'immigration, de la formation de la main-d'oeuvre, de la langue et de la culture pour protéger l'identité de son peuple et pour promouvoir son développement économique et social.»
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On compare souvent M. Ignatieff à Pierre Elliott Trudeau, mais il y a une différence de taille. En 1980, l'ancien premier ministre avait fait preuve d'une duplicité inqualifiable en promettant des changements, que tout le monde au Québec avait interprétés comme l'assurance d'une plus grande décentralisation de la fédération.
Personne ne pourra accuser l'actuel chef du PLC de fausse représentation. Il ne fait même pas semblant d'entrouvrir une petite porte, en disant par exemple que «le fruit n'est pas mûr» ou que la priorité est actuellement de s'assurer que le Canada sorte de la crise économique le plus rapidement et le moins amoché possible. S'il devient premier ministre, et pour la durée de son règne, le dossier constitutionnel continuera de s'empoussiérer sur les tablettes.
Pourtant, à l'exception de la frange trudeauiste, les fédéralistes du Québec ont toujours souhaité une réforme constitutionnelle qui accorderait plus de pouvoirs au Québec, au moins dans les domaines directement liés à son identité.
Le premier ministre Charest a trouvé dans l'actuelle récession un prétexte commode pour mettre ses demandes sous le boisseau. Un jour ou l'autre, il lui faudra pourtant y revenir. Or la position de M. Ignatieff est la négation même du programme constitutionnel du PLQ.
Il est vrai que, avec le départ de Benoît Pelletier, le rapport qui porte son nom semble avoir rejoint aux archives les nombreux programmes dont le PLQ a accouché au fil des ans, comme le Livre beige de Claude Ryan ou encore le rapport Allaire, qui est plutôt devenu le programme du PQ.
Le moins qu'on puisse dire est que le tandem Jacques Dupuis-Christine St-Pïerre ne donne pas l'impression de vouloir partir en guerre pour obtenir l'exclusivité des pouvoirs en matière de culture et de communications.
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Il est un peu étonnant d'entendre dire que M. Ignatieff courtise le vote nationaliste, alors que son discours annonce non seulement la consécration du statu quo constitutionnel, mais aussi de nouveaux empiétement sur les champs de compétence des provinces.
Au lendemain de son couronnement, le mois dernier, il a déclaré que son objectif était de faire du Canada une «société du savoir», même si la Constitution reconnaît de façon très explicite aux provinces la compétence exclusive en matière d'éducation.
Jeudi soir, au Sheraton, il a indiqué que la culture serait un autre élément central de son programme de gouvernement. «La culture, c'est ce qui nous rend vivants [...]. La culture, c'est la vitrine des peuples», a-t-il dit. Précisément. Si elle est si essentielle à l'affirmation de la nation canadienne, cela devrait valoir aussi pour la nation québécoise.
Manifestement, M. Ignatieff fait le pari que les Québécois tiennent davantage à se débarrasser des conservateurs qu'à rapatrier le pouvoir d'élaborer eux-mêmes leurs politiques culturelles. Qu'il lui suffit de promettre de rétablir les subventions supprimées idiotement par le gouvernement Harper.
Finalement, il y a une autre différence entre Ignatieff et Trudeau. En 1980, ce dernier s'était senti obligé de faire miroiter des gains aux Québécois. Aujourd'hui, son successeur peut simplement leur promettre de les dépouiller moins que les conservateurs. À en juger par l'ovation qui lui a été réservée jeudi, cela suffit à plusieurs.
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mdavid@ledevoir.com


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