(Québec) En manque d'argent pour boucler son premier budget, le gouvernement Couillard lorgne les surplus qui dorment dans les coffres des centres de la petite enfance (CPE), a appris La Presse.
Pas moins de 82% des quelque 1000 CPE disposent d'un coussin financier. Ces surplus accumulés s'élèvent à 193 millions de dollars, selon le ministère de la Famille. Il faut ajouter à cette cagnotte les 33 millions amassés au fil des ans par les «bureaux coordonnateurs», c'est-à-dire les 160 CPE chargés de superviser les garderies en milieu familial.
Au cabinet de la ministre Francine Charbonneau, on confirme que piger dans les surplus fait partie des options à l'étude. «On est en mode analyse», a résumé l'attachée de presse Lindsay Jacques, hier. Ce serait l'un des moyens privilégiés par le Ministère pour répondre à une récente commande de compressions.
Comme La Presse le révélait la semaine dernière, le gouvernement a demandé à l'ensemble des ministères de trouver 2,4 milliards de dollars. L'objectif est de respecter la cible de déficit prévu de 1,75 milliard pour 2014-2015.
Ce n'est pas la première fois que les surplus des CPE sont dans la ligne de mire de Québec. Le gouvernement Marois y a puisé 30 millions l'an dernier. Les CPE qui avaient les plus importants surplus ont dû en retourner une partie à Québec. Un CPE sur cinq a été touché par la mesure.
Le Parti québécois avait également imposé des compressions, de 15 millions cette fois, aux 600 garderies privées subventionnées. Elles sont susceptibles de se retrouver elles aussi dans le collimateur du gouvernement. Le ministère de la Famille indique d'ailleurs qu'elles ont des bénéfices nets non répartis - le solde cumulatif des résultats d'exploitation - de 162 millions.
Dans un rapport rendu public en décembre, un chantier de travail sur le financement des CPE, créé par le gouvernement Marois et présidé par un ancien sous-ministre à la Famille, Maurice Boisvert, soulignait à gros traits les «surplus importants» accumulés par ces établissements. Le quart des CPE font même des surplus d'exercice qui dépassent 3% de leurs dépenses. Le rapport indiquait toutefois que 15% des CPE enregistrent des déficits supérieurs à 3% de leurs charges.
L'enjeu des surplus et d'autres éléments du rapport Boisvert ont été abordés lors de la première rencontre de la ministre Charbonneau avec les représentants de l'Association québécoise des CPE (AQCPE), vendredi dernier. «On est ouverts à l'ensemble des conclusions du rapport, a affirmé à La Presse le directeur général de l'AQCPE, Louis Senécal. On est prêts à contribuer à l'effort budgétaire dans la mesure du possible, comme on l'a toujours fait.»
Piger dans les surplus est une option d'autant plus alléchante pour le gouvernement qu'elle lui permet de récolter des millions rapidement. Fusionner des CPE et mutualiser des services, deux autres recommandations importantes du rapport Boisvert discutées lors de la rencontre, permettraient de générer des économies à moyen et à long terme seulement.
Gel des places à 7$
Devant l'AQCPE, Francine Charbonneau a annoncé un «gel temporaire» de la création de places à 7$, une décision éventée au Devoir samedi. La ministre attend le dépôt du budget et des crédits, attendu au début de juin, avant de fixer le nombre de places qui seront créées.
Le gouvernement Couillard pourrait revoir le calendrier de réalisation de 600 projets de CPE et de garderies privées subventionnées en raison du contexte budgétaire. Ces projets découlent de deux appels d'offres, l'un de 13 000 places lancé par le gouvernement Charest, l'autre de 15 000 places par le gouvernement Marois. Les places en jeu devaient voir le jour d'ici la fin de 2016 afin que le réseau en compte alors 250 000, selon l'échéancier fixé par le gouvernement Marois.
Lindsay Jacques a indiqué que la ministre Charbonneau a l'intention de créer des places pour les années à venir, sans donner plus de précisions. Pour Louis Senécal, le gouvernement doit garder le cap sur la création de places tel que prévu par le gouvernement Marois, puisque le réseau des CPE se montre ouvert à dégager des économies d'échelle.
La décision des libéraux de suspendre l'attribution de places est «catastrophique» pour les jeunes familles, a dit à La Presse le député péquiste et porte-parole de l'opposition officielle en matière de Famille, Mathieu Traversy. Selon le dernier bugdet Marceau, déposé avant le déclenchement des élections, la création de nouvelles places devait coûter une centaine de millions de dollars cette année (2014-2015).
Plutôt que de freiner la création de places, le gouvernement Marois avait décidé de faire passer le tarif de 7$ à 9$ par jour en deux ans - une opération qui aurait rapporté 125 millions de dollars par année à terme. Le premier ministre Philippe Couillard a déjà fait savoir qu'il se contentera d'indexer le tarif. Il a qualifié de «choc tarifaire» l'augmentation prévue par le gouvernement Marois.
Le rapport Boisvert recommandait «une hausse de la contribution parentale», sans la chiffrer.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé