L'argumentaire du Bloc québécois a été fort bien construit. Certes tout y est pour convaincre les gens indécis à la veille du vote sur le référendum qui porte sur la proposition principale et la confiance à Martine Ouellet. Tout sauf un argument de taille: celui non pas brandi haut, mais celui chuchoté, en privé, on dirait un peu honteusement ou en regardant de côté pour s'assurer de ne pas être entendu.
« Je n'aime pas sa personnalité et en plus elle n'est pas rassembleuse ». Que répondre à cela sans montrer un brin de mépris qui ferait l'autre se réfugier dans un mutisme convenu? Ce n'est pas l'envie qui manque de déclarer qu'il ne s'agit pas de choisir une marque de voiture ou de savon, et encore moins du concours de Miss Univers!
Tentons plutôt d'invoquer la raison: voici une politicienne d'envergure qui clame haut et fort sa volonté et la nôtre de cesser d'être une colonie, de reprendre tous les pouvoirs provinciaux glissés vers Ottawa depuis 1948 à ce jour ( voir l'édifiant tableau synthèse de Lucia Ferretti dans l'Action nationale avril 2018) et plus encore, notre volonté de devenir une puissance politique, un vrai pays pour le peuple que nous sommes encore.
« Je n'aime pas sa personnalité.» Est-ce qu'on reproche leur personnalité aux Trump, aux Macron, aux Trudeau? Non, on leur reproche les valeurs qu'ils manifestent par leurs actions et leurs gestes. C'est face à ces valeurs que nos choix politiques et en particulier celui du 1er et 2 juin prochain doivent faire appel. Et les valeurs promues par Martine Ouellet sont on ne peut plus claires : remettre le projet d'indépendance à l'ordre du jour.
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La couleur des cheveux, le style de vêtements, la démarche, l'énonciation, le timbre de voix, le caractère, certains traits de personnalité peuvent-ils vraiment avoir un tel poids dans le choix de citoyennes et de citoyens indépendantistes quand il s'agit d'orienter notre destin national?
La couleur des cheveux, le style de vêtements, la démarche, l'énonciation, le timbre de voix, le caractère, certains traits de personnalité peuvent-ils vraiment avoir un tel poids dans le choix de citoyennes et de citoyens indépendantistes quand il s'agit d'orienter notre destin national? « Oui, mais... elle n'est pas rassembleuse ». Rassembler n'est pas un trait de personnalité. C'est une capacité qui se développe et plus facilement dans certains contextes que d'autres. Et même dans un contexte extrême comme la récente assemblée du Bloc à Drummondville, la plupart des gens qui y participaient ne peuvent nier la haute capacité d'adhésion à Martine Ouellet et aux propositions qu'elle apporte et appuie solidement. Ça ressemble à cela, rassembler.
Les choix politiques ne devraient pas se faire comme si on participait à un concours de personnalité et à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une politicienne : c'est si facile de tomber dans le sexisme ordinaire non avouable, de cacher ainsi une certaine pauvreté intellectuelle, un manque, une sorte de handicap culturel. Le culte de la personnalité nous atteint. C'est un faux argument, une forme d'excuse bête : comme on se désole de ne pas aimer les sushis, le vert citron ou les obèses. Un faux argument devant lequel on a envie de baisser les bras. Et puis on respire à fond et peut-être l'espace d'un instant, on désespère.
Et puis, la nature est forte, surtout au printemps, on reprend la plume et encore une fois on tente d'influencer, de faire appel à ce qui au fond de nous ne demande qu'à vivre, cette idée d'être un pays plutôt qu'une colonie. Ne réduisons pas nos choix politiques à des considérations triviales à un moment de notre histoire où tout se joue pour notre avenir. Réagissons autrement pour une fois.