Bisbille linguistique entre bloquistes et libéraux

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Envoyer les bloquistes à Ottawa permet de brasser la cage canadienne


Les vieilles lignes de fracture bloquistes-libérales refont surface, alors que le Bloc québécois accuse une partie des troupes de Justin Trudeau d’afficher « presque une haine » du Québec francophone en refusant d’obliger la connaissance du français comme critère de citoyenneté dans la province.


Le projet de loi d’initiative parlementaire du bloquiste Mario Beaulieu a été déclaré irrecevable aux Communes jeudi. Les élus libéraux avaient usé de leur majorité en comité parlementaire, en décembre, pour le déclarer anticonstitutionnel et empêcher son débat. Le Bloc québécois a réclamé un vote de tous les élus aux Communes. Ce vote secret s’est soldé par un échec jeudi.


« C’est désolant parce que c’est une demande qui est loin d’être excessive, qui fait consensus au Québec. On veut simplement intégrer les nouveaux arrivants en s’assurant qu’ils connaissent le français. Et on se fait répondre “non”. C’est rejeté du revers de la main par les libéraux », a dénoncé M. Beaulieu, en rappelant que le gouvernement québécois de François Legault voulait imposer un test de français aux nouveaux arrivants.


Le premier ministre caquiste a lui aussi trouvé « malheureux qu’on ne laisse pas avancer le débat avec un projet de loi ».


Accusation de racisme


En début de semaine, Mario Beaulieu avait demandé au gouvernement libéral d’appuyer son projet de loi. Le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, s’était aussitôt emporté en scandant que le Bloc québécois « vise à diviser sur une base linguistique ». Un reproche que les bloquistes associent à une accusation de racisme.



On a beaucoup de respect pour le Québec. Et en tant que Québécoise et francophone, je dirais que M. Beaulieu fait de la politique très partisane en ce moment.




« Chez une certaine partie des députés libéraux, il y a presque une haine du Québec français. On sent que c’est viscéral », a fait valoir Mario Beaulieu jeudi.


« J’ai l’impression qu’ils veulent se montrer en grands défenseurs de l’unité canadienne au Canada anglais, a-t-il analysé, à neuf mois des élections fédérales. Mais au Québec, je ne pense pas que ça va les aider parce que c’est vraiment déplorable cette attitude. »


L’égalité du français et de l’anglais


Les libéraux ont accusé le Bloc québécois de s’adonner à de la petite politique. « On a beaucoup de respect pour le Québec. Et en tant que Québécoise et francophone, je dirais que M. Beaulieu fait de la politique très partisane en ce moment », a rétorqué la ministre responsable des Langues officielles, Mélanie Joly.


Le libéral montréalais Anthony Housefather, qui s’est lui aussi mis en colère mercredi lors d’un débat sur un autre projet de loi bloquiste sur la langue, s’est défendu de mal aimer les Québécois francophones. « Si j’ai une frustration avec M. Beaulieu, ce n’est pas dire que j’ai une frustration avec la majorité francophone. »


Tour à tour, les libéraux ont martelé que la proposition bloquiste enfreint la Constitution et la Charte des droits et libertés. Aucun d’entre eux n’a cependant pu citer l’article précis que violerait le projet de loi C-421.


Dès le dépôt du projet de loi, en novembre, le ministère fédéral de l’Immigration avait noté que la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît l’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles. Le professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa Pierre Foucher avait fait la même analyse, en notant que le projet de loi C-421 contredit la Loi sur les langues officielles.


Le légiste de la Chambre des communes s’était montré plus nuancé en comité parlementaire cet automne. Philippe Dufresne avait cité le droit de communiquer avec le fédéral ou d’obtenir des services dans les deux langues. Mais il avait en contrepartie évoqué qu’une preuve de maîtrise du français pourrait être présentée en anglais — et donc dans l’une ou l’autre des deux langues officielles.



Avec Marco Bélair-Cirino




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