Bernard Landry a-t-il été poussé vers la sortie en 2005?

Le débat sur l'imposition de la loi 101 au collégial est aussi venu «polluer» le vote de confiance, analyse un apparatchik.

PQ - XVIe congrès avril 2011






Bernard Landry annonçant sa démission du Parti québécois en juin 2005.
Photothèque Le Soleil


Jean-Marc Salvet Le Soleil (Québec) Que s'est-il passé dans les coulisses du Centre des congrès de Québec le 4 juin 2005, juste avant que Bernard Landry annonce à 1500 militants catastrophés qu'il quittait ses fonctions?
Neuf ans plus tôt, au 13e congrès du Parti québécois (PQ), en novembre 1996, le chef péquiste d'alors, Lucien Bouchard, avait décroché un vote de confiance de 76,7 %.
Assommé par la faiblesse relative du résultat, ce sanguin avait tout de même décidé, après réflexion, de demeurer à la barre du parti.
Pas Landry. Avec 76,2 % d'appuis, en juin 2005, il choisit de tout quitter sur-le-champ - et la direction du PQ et son siège de député de Verchères. Un coup de tête pour quelques décimales en moins?
C'est l'un de ses proches conseillers, Harold Lebel, qui lui communique les résultats du vote des militants ce soir-là. Il travaille aujourd'hui auprès de Pauline Marois.
Les regrets
Dans la petite salle dans laquelle s'est enfermé Bernard Landry, il y a, outre M. Lebel, sa chef de cabinet, Line-Sylvie Perron, le directeur du parti, Pierre Châteauvert, et son ami, le député Sylvain Simard.
À 76,2 %, ce vote de confiance était le plus bas de l'histoire du PQ. Mais rien n'obligeait le chef à tout abandonner. Encore moins dans l'instant même.
Des regrets? «Évidemment», confie Bernard Landry en entrevue au Soleil. «Mais les regrets sont stériles. Je ne les cultive pas. Personne ne pouvait prévoir l'avenir. Si j'avais été remplacé par un chef éblouissant qui avait tout balayé, je n'aurais aucun regret.
«J'ai peut-être fait une erreur..., mais en tout cas.»
Quelle erreur, Monsieur Landry? «De ne pas avoir consulté plus largement», répond-il avec le ton de celui qui y a souvent réfléchi.
Dans la petite salle, pendant que les militants attendent la divulgation des résultats, l'atmosphère est lourde. Le moment est décisif.
Sa garde rapprochée ne fait rien pour le retenir. «Elle était unanime et insistante, se souvient-il. Si j'avais résisté, j'aurais été seul. J'aurais alors fait passer mon intérêt personnel avant celui de la patrie.»
Bernard Landry parle comme s'il avait été poussé dehors. «Je ne les accuse de rien du tout», dit-il à propos de ses proches conseillers. «Ils ont pensé, comme moi, que ce serait mieux pour le parti. Et ce ne le fut pas.»
Décision ferme?
Sa garde rapprochée d'alors ne fait pas la même lecture. Pour Pierre Châteauvert, par exemple, Bernard Landry était résolu à partir. Aucun d'entre eux n'était en mesure de le retenir, affirme le candidat du PQ dans Jean-Lesage.
Des conseillers et des députés se sont ajoutés au petit groupe, dont Marie Malavoy, Diane Lemieux et Agnès Maltais. Eux ont essayé de le retenir, mais en vain. La décision du chef était alors irrévocable.
Par la suite, bien plus tard en soirée, dans un restaurant de la Grande Allée, certains ont senti que le chef démissionnaire vacillait, qu'il ne savait plus trop ce qu'il devait faire, d'après des interlocuteurs du Soleil. Mais il était trop tard. Les dés étaient jetés.
C'est en regardant toute la séquence des événements ayant suivi cette soirée dramatique que l'ancien chef parle aujourd'hui de «regrets». Il évoque le «désastre Boisclair», un désastre «qui aurait pu être évité».
«Dans aucune démocratie occidentale, un aspirant à la direction de l'État qui aurait pris de la cocaïne quand il était ministre n'aurait pu être élu.» Il croit que le PQ a manqué de «lucidité» en votant pour lui.
Le parti a ensuite chuté dans un précipice lors des élections de 2007, celles qui lui ont fait perdre l'opposition officielle.
«On voulait pas»
Après le vote de confiance, «plusieurs sont venus me dire : "On voulait pas que tu t'en ailles. On voulait simplement que tu ne passes pas trop fort"».
En 2005, le parti était divisé en clans. Il y avait le groupe de Pauline Marois, celui de François Legault. Il y avait aussi les tenants des «gestes de rupture», les «purs et durs» du moment.
Le débat sur l'imposition de la loi 101 au collégial est aussi venu «polluer» le vote de confiance, analyse un apparatchik.
«On a géré les micros. On s'est assurés que les jeunes opposés à la loi 101 dans les cégeps aillent aux micros, relate-t-il. On a battu les promoteurs de cette idée, mais ç'a eu un impact sur le vote de confiance. Ç'a nui à M. Landry.»
Les mécontents avaient gagné.


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