Bernard Landry à la défense du Moulin à paroles

Sam Hamad «devrait avoir honte», dit l'ancien premier ministre

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009

Marco Bélair-Cirino - Malgré la controverse, les organisateurs du Moulin à paroles sont résolus à déclamer, pendant 24 heures, samedi et dimanche, près de 150 textes historiques, politiques, littéraires et journalistiques marquants dans l'histoire du Québec, y compris le manifeste du Front de libération du Québec (FLQ), pour souligner le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham.

L'ancien premier ministre Bernard Landry s'est porté, hier, à la défense des organisateurs du Moulin à paroles et se désole de «tout ce désarroi, dont on aurait pu se passer». «Ce texte et ces événements tristes [d'octobre 1970] font partie de notre histoire et qu'on les rappelle, sans évidemment les célébrer, -- on commémore, on ne célèbre pas -- ça ne me paraît pas digne d'une polémique», a affirmé Bernard Landry au Devoir, rappelant que le manifeste du FLQ n'est «qu'un des très nombreux textes» qui seront repris durant l'événement.
«Il n'y a rien de déshonorant à regarder l'histoire en face», a-t-il ajouté. Les Américains ne nient pas les assassinats des présidents Abraham Lincoln et Jonh F. Kennedy, fait remarquer l'ex-premier ministre péquiste.
Prié de dire ce qu'il pensait de la lecture du manifeste du FLQ ce week-end sur les Plaines lors d'un point de presse hier, le ministre du Revenu national, Jean-Pierre Blackburn, a affirmé: «Je ne pourrais pas concevoir qu'on ne montre pas les deux côtés de l'histoire. Pierre Laporte a perdu la vie, et on ne peut pas se limiter à une seule partie de l'affaire.» Le président du caucus québécois du Parti conservateur du Canada, Steven Blaney, a ajouté qu'il faut tenir compte du contexte dans lequel le manifeste a été lu à la télévision et respecter la mémoire du ministre Pierre Laporte, qui a été assassiné par des membres du FLQ.
Le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Sam Hamad, avait déclaré, vendredi, que les organisateurs du Moulin à paroles, en choisissant le manifeste du Front national du Québec (FLQ), faisaient l'apologie de la haine et du terrorisme, «en encourageant les gens dans le FLQ [sic]».
Cette déclaration a été qualifiée, hier, d'«absurde et grossière» par Bernard Landry. «[M. Hamad] devrait avoir honte d'avoir dit une telle chose», a-t-il laissé tomber.
«Il y avait une demi-douzaine de personnes impliquées dans cette affaire violente. Ils ont envoyé l'armée, a lancé Bernard Landry. Ils ont envoyé 500 personnes en prison, dont notre poète national Gaston Miron, Gérald Godin, Pauline Julien et tant d'autres. Ce n'est pas beau, mais ça doit être rappelé, comme ce que le FLQ a fait n'était pas beau et qui doit être rappelé.»
L'écrivain Henri Lamoureux, qui a vécu de près les événements d'octobre 1970, soutient que faire un amalgame entre les activités terroristes et le Manifeste, dont le contenu avait été approuvé par certains évêques et qui avait connu un appui populaire, n'a aucun sens. «À ce compte-là, le gouvernement ne pourra plus participer à des activités où on chante la Marseillaise parce qu'on y parle de sang et de violence. Rappelez-vous les paroles de l'hymne national français: "Aux armes, citoyens. Formez vos bataillons. Marchons, marchons. Qu'un sang impur abreuve nos sillons"», a-t-il affirmé à La Presse canadienne.
Sam Hamad a par ailleurs durement accusé le Moulin à paroles d'être une «fête indépendantiste» et un «rassemblement des personnes indépendantistes avec [le militant nationaliste du Réseau de résistance du Québécois] Patrick Bourgeoys». «Nous, on ne se reconnaît pas là-dedans, on ne va pas être là. On se dissocie de ça», a affirmé Sam Hamad, sur toutes les tribunes, tout en se défendant de «porter un jugement sur des gens».
«Je n'ai jamais pensé que [l'ancien ministre conservateur] Benoît Bouchard était indépendantiste, moi. À moins qu'il se soit converti. Ça serait pour ma plus grande joie», a rétorqué Bernard Landry au Devoir.
La metteure en scène de l'événement, Brigitte Haentjens, a fait savoir samedi que le manifeste ne serait «certainement pas retiré» et a demandé des excuses au ministre Sam Hamad. «Je refuse de me faire traiter de terroriste à titre personnel et au titre de l'équipe du Moulin à paroles. C'est une allégation mensongère et qui demande réparation», a indiqué la codirectrice artistique de l'événement. La réaction du gouvernement de Jean Charest de remettre en question «le contenu d'un spectacle libre et autonome» pourrait, selon elle, être perçue comme une «forme de censure».
Une centaine de textes littéraires et historiques seront lus durant le Moulin à paroles, pour souligner le 250e anniversaire de la bataille de 1759. Bernard Landry récitera pour l'occasion le testament politique de François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier. «Ce sont des événements tristes et violents: 1837, des patriotes, des morts, des blessés, des incendies, des exilés», a lancé M. Landry. «Est-ce qu'on va s'empêcher de le rappeler pour cela?», s'interroge-t-il.
Encaissant la décision du gouvernement du Québec de refuser de subventionner l'événement à hauteur de 20 000 $, les organisateurs du Moulin à paroles -- Brigitte Haentjens ainsi que Biz et Sébastien Ricard des Loco Locass, notamment connus pour leur chanson Libérez-nous des libéraux -- ont refusé de dévoiler les noms des différents commanditaires de l'événement.
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Avec la collaboration de François Desjardins
Avec La Presse canadienne


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