Les appels appuyés et répétés de Bernard-Henri Lévy depuis mars 2011 à l’ingérence occidentale en Syrie ne sont un mystère pour personne. Avec le recul de quatre années d’une guerre dont on ne voit pas la fin, on ne peut cependant qu’être sidéré par les diverses déclarations du nouveau philosophe sur ce sujet, déclarations qui font écho de façon troublante à celles de Laurent Fabius que nous avons pointées dans un précédent article *.
Retour sur quelques perles mémorables.
Le 26 mai 2012, pour la promotion de son film sur les événements de Libye, Le Serment de Tobrouk, BHL gravit les marches du Festival de Cannes accompagné d’un « combattant » au visage enveloppé dans un drapeau syrien et masqué par des lunettes de soleil : « ému jusqu’aux larmes » par le récent massacre de Houla, l’écrivain entend de la sorte inciter la communauté internationale à faire en Syrie ce qu’elle a glorieusement accompli en Libye.
Le 15 août 2012, dans un appel solennel au président Hollande, il tresse des lauriers au nouveau chef de la diplomatie française : « Il y a un grand ministre des Affaires étrangères qui est Laurent Fabius. Il rompt avec les vieilles politiques munichoises qui ont dominé la France pendant si longtemps. »
Le 14 novembre, après la reconnaissance du Conseil national syrien par la France, il se félicite qu’elle soit « le premier pays occidental à reconnaître cette résistance comme représentante légitime et légale de la Syrie ».
Le 2 septembre 2013, suite au carnage chimique du 21 août et l’annonce in extremis d’Obama d’une consultation du Congrès avant toute campagne de frappes, il prophétise : « Cela lui permettra de rappeler que cette attaque ne fut ni une bavure ni une erreur mais qu’elle relevait d’une stratégie », tout en insinuant que « M. Poutine [est], dans cette crise, un peu plus qu’un allié [du monstre de Damas], puisque c’est lui qui a fourni au régime syrien ses armes et, sans doute, la formule de ses gaz ».
Mobilisé fin 2013 sur le front ukrainien sur lequel il va jouer le même rôle qu’en Libye et en Syrie, M. Lévy s’est fait depuis un peu oublier sur le dossier syrien ; je clos tout de même cette liste de citations par un entretien édifiant accordé au Figaro le 3 juillet 2015. À la question « Pensez-vous que la France puisse retrouver sa splendeur d’antan ? », le philosophe répond :
« Elle l’a eue quand elle a, sous Sarkozy, fait la guerre en Libye et arrêté le massacre à Benghazi. Elle l’a eue quand elle est, sous Hollande, intervenue au Mali et en Centrafrique. Elle l’aurait eue si Barack Obama ne l’avait pas stoppée dans son élan, le 29 août 2013, quand les avions français s’apprêtaient à aller détruire l’armement chimique de Bachar el-Assad. Il y a des moments où la France est grande. D’autres où elle l’est moins – ou plus du tout. » Interrogé sur ses méthodes de travail, il répond crânement : « Il y a une vraie tradition, vous savez, des écrivains consommateurs de substances. Artaud et le peyotl, Henri Michaux, Baudelaire et Théophile Gautier. À quoi sert un corps, pour un écrivain, sinon à produire le maximum de texte possible ? Et de la meilleure qualité ? Les amphétamines, parfois, m’y ont aidé. »
Nous avons réfuté ailleurs 1 ce type de déclarations bellicistes et tonitruantes contre le « régime » syrien. Extraites de leur contexte, elles évoquent les saillies d’un humoriste spécialisé dans l’hyperbole et le comique de répétition. La réalité est hélas autrement sinistre : M. Lévy a table ouverte dans tous les grands médias de France et de Navarre, et son influence, aux antipodes de l’image détestable qui est la sienne dans l’opinion publique, est sans pareille sur nos élites politiques de gauche comme de droite dans l’ombre desquelles il se glisse depuis 30 ans afin de promouvoir des guerres contre les régimes désignés par lui à la vindicte populaire : Serbie, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Ukraine – tous engagements qui se sont révélés, avec le recul, pires que catastrophiques, et gravement préjudiciables aux intérêts vitaux et à l’image de la France dans le monde.
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