Ottawa -- La prise de position du gouvernement canadien dans la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza a mis en colère la communauté des pays arabes. L'autorité palestinienne en tête, une délégation de 15 pays s'est plainte auprès des conservateurs de leur penchant trop pro-Israël, a appris Le Devoir.
L'ambassadeur de l'Autorité palestinienne ainsi que les ambassadeurs de 14 autres pays arabes basés dans la capitale canadienne ont rencontré le ministre des Affaires étrangères lundi pour se plaindre, a appris Le Devoir. Ces représentants diplomatiques ont pu parler avec Lawrence Cannon pendant environ 30 minutes. Ils sont ressortis déçus de leur entretien.
«Nous avons voulu transmettre le point de vue palestinien sur l'agression israélienne sur Gaza et la compréhension des états arabes de la situation qui prévalait à Gaza parce que nous avons senti que les communiqués émanant du ministre des Affaires étrangères ne correspondaient pas à la réalité», explique le représentant palestinien, Amin Abou-Hassira, en entrevue avec Le Devoir. «Ce sont des prises de position partisanes, qui ne sont pas du tout équilibrées.»
Le pilonnage de la bande de Gaza par Israël a duré 23 jours et s'est déroulé pendant que leur allié de toujours, les États-Unis, préparait la transition présidentielle. Les bilans font état, du côté dont 700 civils) et plus de 5300 blessés. Du côté israélien, on compte 13 morts, soit 10 militaires et trois civils.
Pendant cette crise, le gouvernement de Stephen Harper a pris fait et cause pour Israël. Quand le ministère des Affaires étrangères a commenté pour la première fois la guerre, il a déclaré qu'«Israël a parfaitement le droit de se défendre contre les incessantes attaques à la roquette déclenchées par les groupes militants palestiniens qui s'en sont délibérément pris à la population civile. D'abord et avant tout, ces attaques à la roquette doivent cesser». Quand Israël a lancé son attaque terrestre, le 3 janvier, Ottawa est revenu à la charge en plaidant seulement pour un cessez-le-feu «durable» que le Hamas, responsable des tirs de roquette, avait la responsabilité d'instaurer. «Le Canada considère les attaques à la roquette comme étant la cause de cette crise.»
En entrevue, M. Hassira condamne lui aussi les attaques à la roquette, qu'il juge contre-productives pour la population palestinienne. Il note toutefois qu'elles sont le fruit de «jeunes» sans trop d'expérience. «En huit ans, ces attaques à la roquette ont fait 13 morts en Israël», rappelle-t-il. Il demande si un tel bilan justifie la mort de plus de 1300 Palestiniens et la destruction de quartiers entiers.
La rencontre de lundi avec le ministre Cannon s'est avérée décevante, continue l'ambassadeur Hassira. «Le ministre est arrivé avec une feuille sur laquelle étaient inscrites un certain nombre de déclarations, qu'il nous a lues. Il n'y a pas eu de dialogue», déplore-t-il. Il raconte que lui et le doyen des ambassadeurs arabes au Canada, le représentant du Maroc, ont fait des interventions pendant cette rencontre, auxquelles M. Cannon n'a pas réagi.
Le bureau de M. Cannon a refusé de donner sa version des faits, indiquant que ce n'était pas dans son habitude de commenter des rencontres privées.
Pendant pro-Israël des conservateurs
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement de Stephen Harper se fait reprocher son parti-pris pour Israël et la mise au rancart de la politique dite de l'équilibre des blâmes que défendait auparavant le Canada. En août 2006, alors que l'État juif pilonnait le Liban en guise de représailles contre le Hezbollah, qui lui avait enlevé deux de ses soldats, M. Harper avait jugée cette riposte «mesurée». La réaction du monde arabe avait été immédiate. Une délégation d'ambassadeurs arabes avait aussi été dépêchée auprès du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Peter MacKay.
À l'époque, M. MacKay avait ajouté un bémol, invitant Israël «à la plus grande retenue» pour éviter les victimes civiles. Cette année, ce sont aux «deux partis» que M. Cannon a demandé d'éviter les pertes civiles.
Le réalignement du Canada sur la délicate question du Moyen-Orient prend d'autres formes. Ainsi, la semaine dernière, le Canada a été le seul pays sur les 47 siégeant au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à voter contre une résolution demandant à la «puissance occupante», Israël, de cesser son opération militaire. Treize se sont abstenus de voter ce texte, jugé par certains trop anti-Israël.
Amin Abou-Hassira se réjouit de ce que le Canada ait annoncé une aide de reconstruction de 4 millions de dollars pour la bande de Gaza, mais selon lui, si cette aide n'est pas appuyée par des gestes politiques, elle passera inaperçue aux yeux des populations arabes.
Le représentant de l'Autorité palestinienne dit avoir demandé à Ottawa la raison de ce rapprochement avec Israël au détriment des Palestiniens. «On nous dit: "Notre position s'inspire de nos valeurs, de notre compréhension de la situation". On a rétorqué que d'autres pays de l'Europe occidentale qui partagent les mêmes valeurs que vous, qui croient aux droits de la personne et à la démocratie, ne votent pas de la même façon que vous. Ils ont des positions un peu plus compréhensives, un peu plus équilibrées. Ils tiennent compte des deux versions des choses.»
Selon l'ambassadeur, cette explication ne dit pas tout. «Je ne veux pas me mêler des affaires intérieures canadiennes pour parler de lobby ou d'intérêts électoraux, mais les valeurs canadiennes n'expliquent pas forcément les votes du Canada aux Nation-Unies.»
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