Aucun pays n’est à l’abri de troubles sociaux, selon le chef de la BM

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Alarme doublement alarmante de la Banque Mondiale sur les troubles sociaux et les dérèglements climatiques

Washington – Aucun pays « n’est à l’abri » des troubles qui secouent le Brésil et la Turquie : dans un entretien exclusif à l’AFP, le président de la Banque mondiale (BM), Jim Yong Kim, dissèque les poussées de fièvre à Rio et Istanbul et appelle son institution à lutter contre la « peur du risque ».
Installé depuis un an aux commandes du mastodonte du développement, cet ancien médecin et universitaire américain suit de près les manifestations de masse dans ces grands pays émergents qui ont porté la croissance mondiale à bout de bras ces dernières années, suppléant l’Europe et les États-Unis. « Aucun pays n’est à l’abri de ce genre de mouvements de citoyens qui se mobilisent pour demander plus », assure le dirigeant de 53 ans, installé dans l’ancienne salle de bal de la Banque mondiale à Washington reconvertie en centre de commandes de l’institution. Pour le «Docteur Kim», le Brésil comme la Turquie ont certes « fait beaucoup » pour redistribuer les fruits de la croissance ces dernières années mais de « nombreuses inégalités subsistent ».
Même si la Chine, leader des puissances émergentes, donne dans le même temps quelques signes de ralentissement, le dirigeant réfute l’idée d’une fin de cycle. « Il y aura des hauts et des bas mais il est important de ne pas surréagir » à ces variations, assure M. Kim.
Le patron de la BM a d’autres idées en tête et notamment son grand projet d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2030. « Il y a encore 1,2 milliard de personnes qui vivent avec moins de 1,25 dollar par jour et c’est une tache sur notre conscience collective », souligne-t-il.
Ne craint-il pas de faire naître de fortes attentes ? « Je pense que de fortes attentes sont exactement ce dont nous avons besoin », répond-il, ajoutant qu’aucun pays ne « devra être oublié » dans cette lutte contre la pauvreté, notamment le Mali et les États du Sahel.
« Cet objectif nous donne un impératif d’urgence que nous n’avions pas auparavant », dit-il, appelant chaque pays à réfléchir aux moyens de doper son économie.
Énergie fossile
Mais une autre contrainte se pose : la Banque mondiale a récemment sonné l’alarme sur les ravages du réchauffement climatique et doit désormais réfléchir aux moyens de soutenir la croissance sans aggraver davantage les émissions de C02. Des pistes existent, assure M. Kim, évoquant notamment de petites centrales solaires ou éoliennes en Afrique. Le développement de l’agriculture doit également être encouragé car il s’agit, selon lui, de la seule activité qui permette « de rejeter le carbone » dans la terre.
Mais M. Kim se veut réaliste. « Il sera impossible de s’orienter dès maintenant vers un monde sans énergies fossiles », assure-t-il, ajoutant que les pays émergents n’en accepteraient pas les conséquences. Ces pays « n’ont pas émis beaucoup de carbone et seraient aujourd’hui sommés de se priver d’énergie parce que nous, les pays riches, avons rejeté tant de carbone dans l’atmosphère. C’est inacceptable pour eux », dit-il.
Ce n’est pas le seul chantier de ce médecin d’origine sud-coréenne, arrivé aux États-Unis à l’âge de 5 ans. Une discussion sur le poids des pays émergents au sein de la Banque Mondiale devra avoir lieu « dans quelques années », admet-il. « Les débats seront très tendus », prédit-il, se refusant de spéculer sur leur issue.
Plus discrètement, Jim Yong Kim a également lancé une réflexion en interne pour éradiquer « la culture de la peur » qui règne selon lui au sein de la Banque mondiale. Selon son diagnostic, certains des quelque 10 000 employés de l’institution seraient freinés par une « peur du risque » qui entraverait leur action et la prise d’initiatives.
« Le développement est un business risqué », clame M. Kim. « Nous devons basculer d’une culture de la peur de l’échec à une culture où nous ferons tout pour avoir des résultats et en sachant qu’il y aura des échecs », dit-il. « Le plus grand risque serait de ne pas en prendre », conclut-il.


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