Les Russes ont planté un drapeau au fond de l'eau pour réclamer leur droit de propriété sur l'Arctique. Les Danois envoient une expédition de savants pour prouver que l'Arctique est relié au Groenland et appartient donc au Danemark. Le premier ministre Stephen Harper, ne voulant se faire prendre la calotte baissée, s'est rendu sur place cette semaine pour y installer une base militaire. La bataille de l'Arctique est commencée.



Durant des siècles et des siècles, les humains en ont eu rien à foutre de l'Arctique. Les grands conquérants, que ce soit Alexandre le Grand, Napoléon ou Hitler n'ont jamais envahi l'Arctique. Trop gelé. Même le Canada ne les intéressait pas.
Durant la guerre froide, les Américains ont eu peur que les Russes y installent des missiles capables d'atteindre New York ou Plattsburgh. Mais les Russes, pas fous, ont préféré installer leur base de missiles à Cuba. Fait déjà pas chaud chez eux, ils n'étaient pas pour se les geler encore plus.
L'Arctique était tellement rejet qu'on n'a jamais vraiment pris le temps de tracer ses frontières. Certains délimitent la région arctique selon la démarcation entre le soleil de minuit et la nuit polaire (latitude 66 degrés 33'N). D'autres se basent sur des données climatiques et statuent que l'Arctique est tout ce qui est inclus dans la courbe isotherme correspondant à 10 degrés Celsius au mois de juillet. Selon cette définition, Montréal aurait fait partie de l'Arctique, cette année!
Bref, durant longtemps, l'Arctique était la grosse banquise blanche en haut où personne n'avait le goût d'aller. La glace n'étant pas un élément très en demande, à moins de jouer sur le quatrième trio du Canadien. Mais voilà que l'Arctique est en train de fondre. Et cela intéresse les entrepreneurs. Pas pour y installer des glissades d'eau, mais pour y extirper les réserves d'hydrocarbures que la région contient. Les bateaux pouvant désormais y circuler, l'exploitation des gisements est maintenant possible.
Voilà pourquoi Russes, Danois et Canadiens capotent sur la calotte. Et si jamais, les espoirs d'y trouver du carburant s'avèrent fondés, bien sûr que les Américains vont dire que l'Arctique est la banlieue de l'Alaska, et que c'est à eux tout ça.
Comment donc s'assurer que devant le Tribunal international, le Canada possède la meilleure cause? Bien sûr, nous pourrons plaider que, durant des générations, nos mères ont lavé à l'eau froide le linge de leurs enfants avec de l'Arctic Power. Et que nos pères buvaient de La Grand Nord, cette bière de Molson qui disparut rapidement des dépanneurs tellement elle fut populaire. Mais ces arguments risquent de ne pas peser lourd. La meilleure façon de légitimer notre droit territorial sur l'Arctique, c'est de s'y installer tout simplement.
Canadiens, Canadiennes, votre avenir est là-bas! Fondons Harpertown, la métropole de l'Arctique. Avec un Canadian-Tire, un Tim-Horton et un Jean-Coutu. À Noël, vos enfants seront les premiers à recevoir leurs joujous du père Noël, il habite à côté. Finies les canicules étouffantes. Si vous détestez voir des gens se promener en bédaine dans les rues durant les grandes chaleurs, vous apprécierez le civisme des gens de l'Arctique, le port de la bédaine y est inexistant. Si vous êtes un travailleur de nuit, vous adorerez l'Arctique, puisqu'il y fait noir même le jour, votre sommeil sera donc plus profond. Si vous êtes Juifs hassidiques, vous aimerez vivre là-bas, puisque les vitres de tous les établissements sont givrées. Autant les centres d'exercices que les clubs de danseuses. Plus besoin d'amener vos enfants au Biodôme durant les vacances, ce sont les ours polaires eux-mêmes qui vont venir vous visiter.
Et quand tout le reste de la planète sera brûlé par le réchauffement climatique. Qu'il fera 40 degrés Celsius à Rimouski, 45 degrés à Québec, 50 à Montréal et 60 à Miami, il fera toujours ben seulement 20 degrés à Harpertown, la température idéale.
Nous, les Canadiens, nous sommes des colons dans l'âme. Et une nouvelle mission s'offre à nous. Canadianiser le pôle Nord. Aucun autre peuple ne le réclamera, si des milliers d'Elvis Gratton y vivent déjà. Avec leurs abris Tempo, leurs sloches à la poutine et leurs tuques des Expos.
Imaginez le boom économique que représenterait cette ruée vers le Nord.
Peut-être est-ce même l'endroit rêvé pour ressusciter le rêve nationaliste québécois? L'Arctique n'est ni russe, ni danois, ni américain, ni canadien, l'Arctique est québécois. Fondons Duceppeville! Vive l'Arctique libre! Que quelques centaines de Québécois de souche y émigrent et faisons un référendum pendant qu'ils sont juste une petite gang. Toutes les conditions gagnantes pour le OUI seraient enfin réunies.
L'humain a toujours voulu aller plus haut, et l'Arctique est au top. Avant que la Terre entière s'y réfugie, approprions-nous le terrain. Les accommodements raisonnables viendront plus tard.
On se rejoint donc là-bas. Oubliez pas votre démarreur à distance.