Gatineau (secteur Aylmer), le mardi 8 septembre 2009, 7h45. Circuit d'autobus... (Archives, LeDroit)
Jean Beaudin - Gatineau (secteur Aylmer), le mardi 8 septembre 2009, 7h45. Circuit d'autobus 44, direction Ottawa via Portage: je prends place dans le bus, je me plonge dans mon bouquin. Dès l'arrêt suivant, deux personnes s'assoient sur le banc d'à côté. Et voilà que s'amorce la répétition d'un scénario typique dans les bus de la Société de transport de l'Outaouais (STO) qui desservent le secteur Aylmer, c'est-à-dire la présence d'anglophones dont le timbre de voix excessif rend vite cette écoute forcée insupportable. On prend son mal en patience, en se concentrant au maximum pour entendre le moins possible. Et de un!
(Nota : je ne prétends pas qu'un anglo ne peut pas être sympathique, mais en tant que régulier de la STO, j'ai l'impression que les usagers les moins discrets et les plus tonitruants sont presque toujours des anglophones.)
Je descends promenade du Portage vers 8h15. Je me dirige vers la Phase 4 de Place du Portage lorsque je me fais interpeller par une jolie demoiselle qui sollicite des dons pour la recherche sur la fibrose kystique. Cette jeune personne toute souriante me demande gentiment, en anglais, si je désire faire un don, et une de ses consoeurs en fait autant quelques mètres plus loin, toujours en anglais.
« Ça fait mal aux oreilles, que j'lui réponds. Nous sommes quand même au Québec! «
Elle s'excuse timidement en pointant le doigt vers d'autres jeunes solliciteurs qui pourront, selon elle, s'adresser à moi en français. Je passe probablement pour un vilain grognon sans-coeur. Et de deux!
Et je poursuis mon chemin. Devant l'immeuble où doit se tenir ma réunion, je fige devant une affiche surdimensionnée dans la vitrine de la banque CS Alterna. Entièrement en anglais, sans même une cousine francophone à proximité. En entrant, je fais part à une employée de CS Alterna de mon étonnement face à l'outrecuidance graphique de l'institution « financière «. Et de trois!
Et ça continue
Je rassemble à nouveau mes esprits en m'asseyant sur un banc pour y grignoter une moitié de bagel. Près de moi se pointe alors une jeune femme arborant ostensiblement sa carte du gouvernement du Canada. J'en déduis qu'elle connaît bien les lieux et je lui demande ou se trouve la salle Pontiac. «I'm sorry. I don't speak French!», répond-elle. Et de quatre!
Une fois trouvée la salle, je recueille la paperasse et me trouve une bûche. La présentation PowerPoint destinée à un auditoire francophone est en anglais uniquement (sans dire la nature de la rencontre, disons que c'est pour une bonne cause). Et de cinq!
Il est 8h50. Ce qui signifie que j'ai été exposé à ces cinq situations en une heure. Probablement un record.
Je désespère parfois de poursuivre ma petite bataille pour la sauvegarde du français en Outaouais, mais que la triste et dégradante réalité me rappelle toutefois constamment qu'il ne faut surtout pas baisser pavillon. Surtout pas! Que dire de ce rendez-vous manqué de l'Office de la langue française et du gouvernement du Québec dans l'Outaouais pour sensibiliser la population à l'importance du fait français dans cette région. À l'importance de faire la promotion du français pour en assurer la sauvegarde et la pérennité et pour en favoriser la progression. Non, cette campagne n'aura pas lieu, car une telle démarche ne s'inscrit absolument pas dans la dynamique du gouvernement en place.
Une langue, c'est un bien précieux, immensément précieux. C'est aussi un héritage qui se transmet de génération en génération, qui enrichit la personne qui la fait sienne et qui habite l'être dans son intégralité, comme une âme. Ici, au Québec, et d'une manière brutale dans l'Outaouais, quelque chose semble nous échapper, nous glisser insidieusement entre les doigts. Quelque chose qui ressemble à l'âme d'un peuple. Points de suspension!
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Jean Beaudin,
Gatineau (secteur Aylmer)
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