Allocution de Pauline Marois au conseil national

PQ - Conseil national - février 2009


(La version prononcée fait foi)
Chers amis, bonjour ! Quel plaisir de vous retrouver !
D’abord, je voudrais qu’ensemble on remercie chaleureusement celle qui aujourd’hui met fin à son mandat de présidente du Parti Québécois, Monique Richard.
Monique, ma chère Monique, merci d’avoir gardé bien vivant, à travers vents et marées, ton amour du militantisme et surtout d’avoir toujours su nous le faire partager.
Être présidente d’un parti politique n’est pas une mince affaire. À plus fortes raisons quand il s’agit du Parti Québécois. Il faut du doigté, de l’enthousiasme, la capacité de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres. Cela suppose la force de faire avancer des idées, la volonté et le courage de défendre ses convictions.
Toutes ces qualités, Monique, comme présidente, tu les as mises avec brio au service de notre parti et de notre cause pendant plus de quatre ans… quatre années qui ont parfois été agitées. C’est le moins qu’on puisse dire ! Merci !
Les gens de Marguerite D’Youville ne vont pas regretter d’avoir choisi une femme de passion comme toi pour les représenter à l’Assemblée nationale.
Mes chers amis,
La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était ici même à Québec, en octobre dernier. Il y avait alors de fortes rumeurs d’élections.
Nous, les partis d’opposition d’alors, on disait, vous vous en rappellerez : « Voyons, M. Charest, dans le contexte de la crise qui s’en vient, des élections, ça défie le bon sens. Il faut plutôt prendre soin de notre économie et unir nos efforts pour faire face à la crise. »
On avait même assuré le gouvernement Charest de notre pleine et entière collaboration. Ce n’est pas ça qu’il voulait M. Charest.
Certains commencent à penser, à la lumière de ce qu’on découvre ces jours-ci, que c’était surtout pour cacher la vérité aux Québécois. C’est vrai qu’il avait déjà commencé à le faire avant l’élection. Ils n’ont eu aucun scrupule à nier l’évidence, à accuser les autres d’inventer.
L’économie du Québec ? Après l’élection. Les intérêts du Québec ? Après l’élection. On connaît la suite…
Prenez le déficit. Nous, on disait : « Il faut aider les Québécois à traverser la crise, il faut supporter les emplois, secourir notre économie, et, c’est possible que l’on ait à faire un déficit ». Jamais de la vie, disait Jean Charest ! Sous son gouvernement, jamais il n’y aurait des déficits !
Pourtant, il la connaissait avant l’élection la situation économique du Québec. La planète entière était secouée par la crise, mais selon les libéraux, tout allait bien ici ! On connaît la suite !
Prenons les transferts d’Ottawa ! J’ai sonné l’alarme, j’ai démontré que le Québec perdrait 1 milliard de dollars en péréquation. Vous rappelez-vous la réaction de M. Charest et de sa ministre des Finances ? Ridicule, disaient-ils ! Un milliard ! Jamais de la vie ! Cinquante millions, tout au plus… Encore une fois, on connaît la suite !
Le résultat après la campagne électorale : transferts d’Ottawa : moins de 1 milliard pour le Québec. Et on voudrait nous faire croire que pendant la campagne électorale, M. Charest, la ministre des Finances, le ministère des Finances lui-même ignoraient cela ?
Tiens, parlons de la Caisse de dépôt et placement ! Combien de fois a-t-on demandé la vérité ? On faisait de l’ingérence, nous répondait-on !!! Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Pas de problème ! Tout était sous contrôle ! Pourquoi donc on voulait savoir, se mêler de ce qui ne nous regardait pas ? Après tout, c’est seulement du bas de laine des Québécois dont il était question… Et… bien oui, on connaît la suite !
Et on se demande après d’où vient tout ce cynisme envers les politiciens…
La vérité, c’est que Jean Charest a déclenché une campagne électorale pour ne pas avoir à faire face à la réalité avant une élection. La vérité, c’est que Jean Charest n’a pas hésité une seconde à mentir aux Québécois pour obtenir leur vote.
Mais là, la semaine dernière, on a atteint la quintessence du n’importe quoi ! Le ministre de la Santé a maintenant trouvé le moyen de ne plus rater ses objectifs sur l’attente aux urgences. Il a décidé de ne plus s’en fixer, des objectifs ! Avouez qu’il fallait y penser… Et avez-vous entendu M. Charest dire que ça n’avait pas de bon sens ? Non. Parce que, comme d’habitude, on connaît la suite !
Au Québec maintenant, on ne se fixe plus d’objectifs donc on n’a pas à les atteindre. Et après, on parle de la non performance de l’État et on crée des PPP. Ça, c’est performant… on le voit à tous les jours… La 30, le CHUM, l’Hôtel-Dieu de Québec… autant de projets qui vont bon train…
C’est toujours la même chose : avec Jean Charest, on connaît la suite !
Moi, je trouve ça triste, très triste. Jean Charest a déclenché des élections sous prétexte qu’il fallait un gouvernement fort pour veiller sur notre économie et sur nos intérêts. Et maintenant, on se rend compte que c’était ça, « l’économie d’abord » !
En tout cas, Jean Charest a réussi au moins une chose. Je vous le dis, c’est tout un exploit : il a réussi à discréditer son gouvernement encore plus rapidement qu’il ne l’avait fait avec le premier !
Et maintenant M. Charest, alors que le moteur de notre économie est atteint. Alors que dans l’aéronautique qui, disiez-vous, nous ferait passer au travers de la crise : • Pratt & Whitney annonce 1000 coupures d’emplois • Bombardier a annoncé la suppression de 710 postes à Montréal • Bell hélicoptère effectue 500 mises à pied pour 3 mois • Il s’est perdu 25 800 emplois au Québec au mois de janvier • Il y a 39 200 Québécois de moins au travail depuis janvier 2008.
Allez-vous regarder les travailleurs québécois dans les yeux ? Allez-vous enfin leur donner l’heure juste ? Leur direz-vous au moins à quoi ils doivent s’attendre ? Allez-vous cesser de vous cacher derrière vos ministres ?
Quand on voit une chose pareille, on ne peut s’étonner de voir que la participation ait été si faible lors des dernières élections.
La différence avec nous, au Parti Québécois, c’est qu’on n’a pas peur de dire la vérité aux Québécois. On pense qu’ils sont capables de comprendre le gros bon sens, on a confiance en eux, M. Charest n’a pas l’air d’avoir la même confiance dans leur jugement. Dommage ! Pour lui… Parce qu’après trois prises, on est retiré !
Pendant cinq ans, M. Charest n’a fait aucune demande à Ottawa. Pas de demande donc pas de chance de se faire dire non.
Mais juste avant les élections, Jean Charest s’est découvert une fibre nationaliste. Il a dû se faire dire que quand on est premier ministre du Québec, ça paraît mieux d’avoir au moins l’air de défendre nos intérêts.
Le mois dernier, on a vu notre premier ministre revenir d’Ottawa tout penaud, le rouge au front, constatant encore une fois, comme tous ses prédécesseurs, que le Québec s’était fait larguer.
On a l’air de quoi encore une fois ? Pas seulement M. Charest, le Québec tout entier ! On a l’air de quoi quand les députés libéraux et conservateurs votent pour baisser de 1 milliard les transferts à leur population et que le premier ministre du Québec n’est même pas capable de leur demander de se tenir debout ? Je vous rappelle l’approche libérale : pas d’objectifs : pas d’objectifs ratés.
Pourtant, il y a de l’espoir. Il y a une alternative. Il y a l’équipe fougueuse, expérimentée et responsable du Parti Québécois !
Oui, il peut en être autrement. L’honnêteté en politique, ça existe. Pendant la dernière campagne, nous avions dit que plusieurs familles québécoises passeraient des moments difficiles. Nous n’avions rien caché. Nous savions que ce gouvernement avait mal préparé notre économie à la crise. Il n’y avait qu’à voir son comportement dans les dossiers de l’industrie forestière ou dans celui du fromage pour en être convaincus. Nous savions que le Québec ne pourrait échapper à un déficit.
Et qu’avons-nous récolté ? Les railleries et les attaques partisanes de Jean Charest. Encore un peu et, cette semaine, il accusait notre dernier gouvernement d’être responsable des hausses de tarifs qui s’en viennent !
Les tarifs. En voilà un autre beau débat. Ce n’est pas le temps, quand il y a une crise économique, que la consommation baisse parce que les gens ont peur de perdre leur emploi, ce n’est vraiment pas le temps de toucher aux tarifs, en plus sans mesures compensatoires. C’est un principe économique élémentaire. Au contraire, il faut laisser le plus d’argent possible dans les poches des gens. C’est pour cela qu’en campagne électorale on parlait de bonifier le crédit d’impôt sur la TVQ, une mesure qui a déjà fait ses preuves.
Et bien, n’en déplaise aux mêmes qui nous accusaient d’exagérer quand nous parlions du manque à gagner de 1 milliard ou bien de ce qui se passait à la Caisse de dépôt et placement, permettre des hausses de tarifs sournoises maintenant, c’est faire porter le fardeau de la crise aux gens les plus vulnérables de notre société.
Réfléchir sur le niveau de tarification de nos services publics en temps normal, c’est une chose, prendre prétexte de la crise pour ramener le Rapport Montmarquette sur la tarification par la porte d’en arrière, c’en est une autre !
Et je vais vous dire : heureusement que la campagne électorale n’est pas loin derrière parce que le tarif des garderies en aurait pris un coup…
Lorsque Jean Charest promet, la main sur le cœur, qu’il n’y aura pas de hausses de tarifs, ils augmentent quand même. Imaginez-vous maintenant qu’il refuse de s’engager à ne pas les hausser. Ça va vraiment faire mal…
Nous, nous allons continuer de dire la vérité aux Québécoises et aux Québécois. C’est ce que nous devons faire si nous voulons mériter leur confiance et défendre leurs intérêts. Et, cette fin de semaine, c’est à cette tâche que nous devons nous atteler. Nous recentrer sur nos objectifs et mettre leur réalisation en œuvre. Pour moi, c’est très simple. Nous allons d’abord être une opposition officielle forte, rigoureuse, exigeante.
Les libéraux vont se rendre compte que la majorité ne donne pas le droit de faire n’importe quoi. À chaque fois, nous, on dira la vérité aux Québécois et on aura des solutions à proposer. Et on va travailler fort, ça je vous le promets, pour défendre les Québécois et gagner leur confiance lors des prochaines élections. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire d’abord qu’il faut prendre conscience d’une chose : nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Autrement, nous aurions gagné la dernière élection. Il faut être capable de le reconnaître.
Mais il faut reconnaître aussi à quel point notre position s’est améliorée ! Regardez nous. Le Parti Québécois a relevé la tête. Il a rappelé qu’il était un grand parti. Nous sommes de nouveau la force politique montante au Québec. Et nous avons fait la preuve que nous n’étions pas le parti d’une seule génération. Nous sommes vivants. Et bien vivants !
Il est temps que notre parti se remette à faire de l’animation politique. C’est ainsi que nous ferons grandir l’enthousiasme pour la souveraineté. Il ne faut pas l’oublier, c’est notre raison d’être. L’idée qui motive chacun de nos gestes, chacune de nos paroles. Nous avons une vision du Québec, nous sommes une nation capable de décider par nous-mêmes, pour nous-mêmes. Nous pensons que le Québec doit être un pays souverain ! C’est à nous d’en convaincre les Québécois. Et, selon moi, la crise économique démontre la nécessité de la souveraineté.
Vous savez, Jean Charest a toujours prétendu qu’un fédéraliste était mieux placé pour faire valoir les intérêts du Québec dans la fédération. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son bilan n’est pas très éloquent…
D’ailleurs, depuis la dernière campagne, il nous dit que le contexte d’une crise économique n’est pas un bon moment pour parler de souveraineté. Depuis le début de notre histoire, à chaque crise, le gouvernement central en profite pour envahir nos champs de compétence, comme il tente encore de le faire en créant une commission canadienne des valeurs mobilières !
Qu’il se découvre nationaliste, qu’il se rende à Ottawa rempli de bonnes résolutions, qu’il se fasse dire non à chaque fois et qu’il revienne en bougonnant, vous pouvez avoir une certitude : Jean Charest va demeurer fédéraliste. Et il le sera encore lorsque la crise sera terminée.
Et bien moi, je suis souverainiste !
Je le suis quand ça va bien, je le suis aussi quand ça va moins bien. Je le suis en période de prospérité. Je le reste tout autant en période de crise.
Il est temps que le Québec se prenne en main. Lorsque nous avons besoin de faire des virages rapides, comme c’est le cas présentement, avons-nous vraiment les moyens de composer avec les incohérences d’une fédération ? Il faut en finir avec la tutelle d’une autre nation.
Le contexte le prouve. La souveraineté, ça presse ! Si le Québec était souverain, nous disposerions de tous nos impôts. Nous aurions plus de marge de manœuvre pour développer une stratégie économique, soutenir les familles et les travailleurs.
Si le Québec était souverain, nous pourrions soutenir nos entreprises dans les secteurs manufacturier et forestier. Notre industrie aéronautique d’avenir ne serait pas laissée pour compte au profit des constructeurs automobiles dépassés de l’Ontario.
Si le Québec était souverain, nous serions assis aux grandes tables internationales où les nations se concertent pour amoindrir les effets de la crise.
Si nous étions souverains, il y a longtemps que le Québec aurait signé le Protocole de Kyoto et l’appliquerait.
En fait, si nous étions souverains, nous ferions nos propres choix, nous parlerions en notre propre nom. Et nous ne gaspillerions pas notre énergie pour aller faire des pèlerinages à Ottawa. Parce que contrairement à ce que certains se plaisent à faire croire, les souverainistes n’aiment pas particulièrement les disputes. Nous aimons la clarté, l’échange, le dialogue.
Nous ne pouvons rien changer au fait que la France ait perdu une bataille qui a scellé notre destin, pas très loin d’ici. Ce que nous refusons cependant, c’est qu’une autre nation vienne ici, au cœur même de notre capitale nationale, nous dire quel sens donner à cet événement et de quelle manière le commémorer.
Un jour, ces querelles stériles seront choses du passé. Nos décisions, nous les prendrons ici, à Québec, entre nous. Il y aura des débats, des gens qui ne seront pas d’accord, mais la démocratie s’exprimera.
Et ce Québec dont je rêve, dont nous rêvons tous, il est temps qu’il survienne, 250 ans après notre mise en minorité, nous n’avons plus de permission à demander.
La crise que nous traversons doit nous rappeler que nous ne sommes pas à l’abri des tempêtes, mais que nous savons très bien y faire face par nous-mêmes. C’est ce que 400 ans d’histoire nous apprennent, à pouvoir être fiers de ce que nous sommes, surtout lorsque nous avons le courage de nous tenir debout.
Ce pays que nous voulons, nous n’attendrons pas après un référendum pour commencer à le bâtir. Nous commençons dès aujourd’hui. Et nous serons encore plus à même de le faire lorsque les Québécois nous auront confié le mandat de gouverner en souverainistes !
Nous le ferons pour nous, selon nos valeurs. Nous le ferons pour nos enfants, pour qu’ils puissent aller encore plus loin ! Et ce jour-là, une fois que nous aurons goûté à la liberté, plus rien ne pourra nous faire renoncer à notre souveraineté !
Mettons-nous à l’ouvrage !
Je vous remercie !
Bon conseil national !


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