OTTAWA | Coup de tonnerre au fédéral. Le plus influent conseiller et ami du premier ministre Justin Trudeau, Gerald Butts, s’est sacrifié en démissionnant, lundi, dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin.
« M. Trudeau va sûrement trouver le temps long et s’en ennuyer », résume la politologue de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier. C’est son bras droit. »
L’affaire SNC-Lavalin continue de faire rouler les têtes dans l’entourage du premier ministre. La semaine dernière, l’ex-ministre de la Justice et des Anciens Combattants Jody Wilson-Raybould a claqué la porte du cabinet. Les raisons de son départ sont encore inconnues.
Citant des sources confidentielles, le journal The Globe and Mail allègue que le bureau du premier ministre a fait d’intenses pressions sur Mme Wilson-Raybould pour aider la firme d’ingénierie à éviter un procès criminel. Celle-ci aurait refusé, quelques semaines avant de perdre son poste à la Justice.
M. Butts admet être personnellement visé par les allégations d’ingérence politique. Malgré sa démission, il nie « catégoriquement » avoir quoi que ce soit à se reprocher.
Il souligne que sa décision vise d’abord et avant tout à protéger son ami.
« La réalité, c’est que ces allégations existent. Elles ne peuvent et elles ne doivent en aucun cas faire obstacle au travail essentiel qu’effectue le premier ministre », explique-t-il.
M. Butts insiste pour dire qu’il n’a « jamais servi les intérêts des sociétés privées ».
Anguille sous roche
Le départ du secrétaire principal du premier ministre ne risque pas de calmer les oppositions, qui continuent de réclamer des explications.
Pour le chef conservateur Andrew Scheer, la démission de M. Butts « est le signe le plus clair que l’affaire SNC-Lavalin est beaucoup plus grave que ce que le premier ministre veut admettre ».
« Il est maintenant plus important que jamais que M. Trudeau lève le secret professionnel pour que Jody Wilson-Raybould puisse donner sa version des faits aux Canadiens », a-t-il commenté.
Contre-attaque ?
Le Nouveau Parti démocratique a de son côté réclamé la tenue d’une enquête publique indépendante.
Pour le Bloc québécois, le gouvernement Trudeau a « saboté » les chances de SNC-Lavalin, accusée de fraude et de corruption, de conclure une entente à l’amiable avec le fédéral.
Le départ de M. Butts est susceptible de calmer la grogne de députés insatisfaits de la gestion de la crise, croit un stratège libéral, Greg MacEachern.
Il estime que M. Butts pourrait se servir de sa liberté de parole retrouvée pour contre-attaquer.
Il a aidé à bâtir la carrière politique du premier ministre
Collègue de classe, garçon d’honneur et « alter ego » politique. La vie politique de Justin Trudeau est intimement liée à celle de son ex-bras droit Gerald Butts, et ce, depuis plus de 20 ans.
« Gerald Butts connaît Justin Trudeau aussi bien que Trudeau se connaît lui-même », illustre un stratège libéral de longue date, Greg MacEachern.
Contrairement à M. Trudeau, M. Butts, 47 ans, n’est pas né d’une famille connue ni aisée. Originaire de la Nouvelle-Écosse et fils d’un père mineur, il a grandi dans une communauté ouvrière du Cap-Breton.
Au début des années 1990, il a déménagé à Montréal pour fréquenter l’Université McGill. C’est là qu’il a rencontré le jeune Trudeau en 1993.
Amitié
Ils se sont rapidement liés d’une amitié extrêmement forte et qui ne semble jamais s’être estompée.
Depuis, l’ex-secrétaire principal a été impliqué dans toutes les étapes importantes menant au couronnement de M. Trudeau à titre de premier ministre en 2015. Il l’a aidé à rédiger le fameux éloge prononcé aux funérailles de son père en 2000 qui a grandement contribué à sa notoriété comme personnage public.
M. Butts a ensuite été un élément déterminant dans la décision de M. Trudeau de se lancer en politique dans la circonscription de Papineau en 2008.
Et en 2012, il a aidé à concevoir la plateforme du député montréalais lorsqu’il s’est lancé dans la course à la chefferie du Parti libéral en 2012.
Selon un portrait du magazine L’actualité, c’est d’ailleurs lors d’une rencontre secrète regroupant quelques amis et stratèges politiques à Mont-Tremblant que M. Butts a présenté les idées qui deviendraient le fondement de la campagne électorale des libéraux (menés par Trudeau) en 2015 : l’optimisme et la classe moyenne.