ANALYSE

À visière levée vers une «consultation populaire»

Québec 2007 - Analyse


par Denis Lessard - Souvent divisés, enclins à disséquer la moindre formule, les militants péquistes se sont vite ralliés hier. Dans ces premiers jours de campagne électorale, rien n'aurait été plus dangereux que de nouvelles prises de bec publiques sur l'étatisation de l'éolien ou la construction du pont de la 25.
Aussi, sans trop finasser dans la formulation, la plateforme du PQ rendue publique hier à Laval engage André Boisclair à tenir un référendum sur la souveraineté dès son premier mandat.
Dans une salle où le micro destiné aux intervenants «contre» semblait carrément débranché, les militants péquistes ont en un tournemain adopté la «feuille de route» que propose le PQ aux prochaines élections. Il s'agissait d'un passage obligé, le PQ se devait de répliquer, chiffre pour chiffre aux promesses libérales : on y arrive en une cinquantaine de pages, où il serait difficile d'identifier une idée dominante.
Hier matin, avant le vote, unanime, sur la plateforme, une série d'interventions plus ou moins spontanées des candidats vedettes tournaient toutes autour de la souveraineté. L'idée rallie tout le monde, et rapidement, surtout à l'approche du combat. «Nous voulons un pays francophone en Amérique», a dit Bernard Drainville, qui a eu droit à une ovation debout. Et Robin Philpot, le compère de Norman Lester dans l'affaire d'Option-Canada, un tonnerre d'applaudissements pour son intervention : «c'est Jean Charest qui a peur de parler du référendum de 1995». On a aussi sorti Pierre Curzi et Marc Laviolette, autant de visages connus dont la présence est susceptible d'encourager les troupes.
En après-midi, les organisateurs péquistes avaient des devoirs bien plus concrets: comment éviter que, comme en 2003, le parti perde 11 circonscriptions par moins de 1000 voix. Signe du manque de préparation de la machine péquiste: dans deux comtés, Groulx et Montmorency, les assemblées pour le choix d'un candidat auront lieu le 2 mars 10 jours après le début d'une campagne qui n'en compte que 33.
Aussi les stratèges péquistes confient qu'ils n'ont pas eu à cogiter très longtemps sur la place que devait avoir la souveraineté dans la plateforme électorale péquiste. De toute façon, l'adversaire libéral va, jour après jour, brandir le spectre de la tenue d'un référendum. Avoir l'air d'adopter un faux-fuyant aurait été bien plus dommageable pour la campagne péquiste.
C'est pourquoi même les affiches du PQ proposent un «OUI» aux électeurs - rien ne pouvant davantage évoquer les référendums de 1995 et 1980.
Le pari est simple: le PQ doit, au moins, faire le plein des nationalistes s'il veut penser au pouvoir. Or, tandis que le parti d'André Boisclair végète entre 30 et 35% d'intentions de vote dans les sondages, la souveraineté se maintient autour de 45% - elle atteignait même 48% dans le dernier CROP qui pose la question sur la "souveraineté-partenariat" de 1995.
Avec un tel score, on peut penser que la souveraineté chez les seuls francophones est même proche des 60%, une donnée importante hors de la grande région de Montréal.
Bien sûr, quand on leur demande s'ils veulent un référendum, 67% des gens disent clairement non - même que seulement 60% des voteurs péquistes veulent un référendum. Mais même la tenue d'élections générales n'est jamais populaire dans ces enquêtes, les gens sautent rarement de joie à l'idée d'aller voter.
Avant d'aller chercher les verts, débaucher des adéquistes repentants ou de virer à gauche toute pour séduire les troupes de Françoise David, le PQ se devait de se concentrer sur son «core business» comme disent les gourous de l'entreprise; le vote souverainiste. Ce serait déjà ça de pris sur Mario Dumont - son parti «autonomiste» puisant largement chez les nationalistes traditionnellement acquis au PQ.
Aussi, le discours d'André Boisclair a largement porté sur la souveraineté hier. On a décidé d'en parler en début de campagne pour que les reporters qui suivent la tournée, une fois bien rassasiés des spéculations sur le lendemain d'un Oui, optent rapidement pour un autre plat du jour.
Bien sûr, la plateforme déposée hier devait arrêter une formulation.
«Un gouvernement du Parti québécois est résolu à tenir une consultation populaire sur la souveraineté le plus tôt possible durant son premier mandat.» La petite phrase fut triturée pendant plusieurs minutes hier par une cohorte de journalistes. Comme des exégètes qui auraient mis la main sur un nouvel Évangile, on questionna, on soupesa. "Résolu" n'apporte-t-il pas une nuance? C'est moins contraignant que «fera»...
Pourquoi parler de «consultation populaire» pour occulter le «référendum» que désapprouvent les Québécois?
«Il n'y a aucune ambiguïté sur la souveraineté. Nous en faisons notre fierté», tranchait hier André Boisclair: le référendum est prévu par une loi qui s'intitule précisément Loi sur les consultations populaires.
Une fois élu, un gouvernement péquiste tiendra son référendum dans les mois suivants. Si le Oui l'emporte, il fera adopter une «Proclamation d'indépendance du Québec» à l'Assemblée nationale après une «période de négociation d'au plus un an avec le gouvernement du Canada». Si ces discussions sont infructueuses, il y aura déclaration unilatérale d'indépendance, a précisé M. Boisclair.
Bien sûr, la plateforme péquiste fait des propositions sur l'ensemble des enjeux. Il faudra oublier les 250 millions annuels de baisses d'impôts promises par le PLQ si André Boisclair est élu.
Pour le PQ, le plan libéral surestime de 1 milliard de dollars par année la marge de manoeuvre financière du gouvernement. Comme pour évoquer les promesses non tenues des libéraux, M. Boisclair martelait aussi hier la nécessité pour le PQ de susciter la «confiance» des électeurs.
Il ne mettra pas la hache dans le Fonds des générations qui doit payer la dette. Mais il n'y versera un chèque que lorsque la croissance économique dépassera les 2,5%. Et encore là, ces surplus seront partagés avec les baisses d'impôts. Aussi, il n'y aura plus que 18 ministres, promet M. Boisclair, qui était lui-même l'un des 28 ministres du cabinet Landry, le plus nombreux de l'histoire du Québec.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé