Dans une série d'articles consacrés à la réflexion autour du livre de Robert Charvin «Faut-il détester la Russie ?», l'écrivain Michel Collon songe à la courte mémoire des Européens quant à la Seconde Guerre mondiale.
A partir des constats de quatre silences coupables accusant l’information et l’historiographie occidentale de négationnisme et de révisionnisme, Robert Charvin dans son livre «Faut-il détester la Russie ?» pose une nouvelle question sacrilège : qui aujourd’hui veut absolument diaboliser la Russie et pourquoi ? Sa réponse est claire : cela fait partie d’une stratégie qui nous emmène vers une nouvelle guerre froide à l’échelle planétaire. La dernière partie de son livre analyse avec précision les objectifs et méthodes des Etats-Unis. A propos de cette guerre froide, il convient évidemment de se demander si elle sera si froide que cela, ou très meurtrière.
La thèse de Charvin mérite qu’on y réfléchisse : selon lui, discréditer la résistance d’hier sert à diaboliser la Russie d’aujourd’hui en vue de peut-être l’attaquer demain. Attaque préparée en fait depuis la chute du Mur et en dépit de toutes les solennelles promesses de l’époque : les événements à l’Est de ces dernières années doivent être compris comme un encerclement systématique par un réseau de bases militaires se rapprochant toujours plus de Moscou.
Peut-être qu’il faut se méfier davantage de la propagande qui nous entoure. La propagande, ce ne serait pas seulement « chez les autres » ?
Cette propagande diabolisante envahit les médias : impossible d’ouvrir un journal sans voir ressasser tout ce qui va mal chez Poutine, manipulateur, malhonnête, agressif, expansionniste etc. On ne peut absolument pas lui faire confiance. D’ailleurs, jamais on n’a pu faire confiance aux Russes, qu’ils soient communistes ou de droite. Charvin parcourt les préjugés et stéréotypes de toute la littérature et de la sociologie occidentales d’hier et d’aujourd’hui et y trouve une constante : « on ne peut faire confiance aux Russes, ils ne sont pas comme nous ».
La thèse de Charvin mérite qu’on y réfléchisse : selon lui, discréditer la résistance d’hier sert à diaboliser la Russie d’aujourd’hui en vue de peut-être l’attaquer demain.
Bien sûr, cette propagande ne fonctionnera que si le lecteur ou téléspectateur ne réfléchit pas : pourquoi dans mes médias, c’est toujours l’Europe qui a raison ? Pourquoi sait-elle toujours mieux ce qu’il faut faire que les Russes, les Chinois, les Latinos, les Arabes et en fait l’ensemble du reste du monde ? Pourquoi sommes-nous toujours les infaillibles donneurs de leçons ? Par quelle chance extraordinaire sommes-nous nés au bon endroit pour avoir toujours raison ?
Ou alors peut-être qu’il faut poser le problème autrement et se méfier davantage de la propagande qui nous entoure. La propagande, ce ne serait pas seulement « chez les autres » ?
La peur se fabrique
En 1988, Herman et Chomsky démontraient dans leur remarquable Manufacturing Consent (la fabrication du consentement) comment l’appareil médiatique occidental - consciemment ou non - fabrique une opinion consensuelle approuvant toujours les grandes options de ses gouvernements. Cette analyse peut et doit s’appliquer à « la fabrication de la peur ».
Longtemps, j’ai cru aussi que les Russes allaient nous attaquer. Or, après la chute du Mur, les dirigeants de la CIA reconnurent publiquement qu’en réalité les Etats-Unis savaient très bien que les Russes n’avaient ni les moyens, ni l’intention d’attaquer.
En septembre 1948, Paul-Henri Spaak (PS), le premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge, prononça à l’ONU à Paris un discours resté célèbre sous le nom de « discours de la peur » : « La base de notre politique, c’est la peur. La délégation soviétique ne doit pas chercher d’explications compliquées à notre politique. Je vais lui dire quelle est la base de notre politique. Savez-vous quelle est la base de notre politique ? C’est la peur. La peur de vous, la peur de votre gouvernement, la peur de votre politique. »
Spaak entendait dénoncer le danger représenté par l’URSS qui, selon lui, s’apprêtait à envahir l’Europe occidentale, voire le monde entier. En fait, Spaak recopiait la propagande lancée par les Etats-Unis. Plus tard, il serait d’ailleurs nommé secrétaire-général de l’Otan en récompense des services rendus.
Un souvenir personnel. Petit enfant dans les années 50, je peux témoigner que cette propagande fonctionnait très bien à l’époque en Belgique : la population vivait réellement dans l’angoisse de cette « menace ». La peur régnait, les Russes allaient nous envahir, Papa et Maman accumulaient donc dans leurs armoires d’impressionnants stocks de sucre, de riz et de café, qui avaient tant manqué pendant la guerre 40-45.
Longtemps, j’ai cru aussi que les Russes allaient nous attaquer. Or, après la chute du Mur, les dirigeants de la CIA reconnurent publiquement qu’en réalité les Etats-Unis savaient très bien que les Russes n’avaient ni les moyens, ni l’intention d’attaquer. C’était de la propagande. Dans quel but ? Eh bien, grâce à cette propagande, les Etats-Unis se permirent d’envahir toute une série de pays (en commençant par la Corée, puis le Vietnam), et aussi de renverser, voire d’assassiner de nombreux dirigeants de pays indépendants sous prétexte qu’ils faisaient partie de la « menace soviétique ».
L’Histoire se répéterait-elle ? Qui va vraiment envahir qui ?
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